jeudi 15 avril 2010 - par Disjecta

Pourquoi la droite aime l’insécurité

Ou l’insoluble paradoxe d’une droite condamnée à toujours rater sa politique sécuritaire pour survivre.

Depuis 2002, la politique sécuritaire de la droite au pouvoir, faite d’un empilement de lois hétéroclites, semble pour beaucoup briller surtout par son inefficacité. Pourtant c’est bien l’un des arguments essentiels d’un parti comme l’UMP (sinon le seul potentiellement valable, au moins pour les 90% qui ne reçoivent pas leur chèque du bouclier fiscal) : "Avec nous, vous verrez que les voyous n’auront qu’a bien se tenir. C’est pas comme cette gauche laxiste qui a rendu les banlieues invivables." Et il n’y a pas de raison que cela cesse.
De fait l’argument porte bien, et toute campagne électorale où dominera le thème de l’insécurité risque fort d’être remportée par la droite (cf. l’exemple emblématique de 2002). Encore faut-il que le thème prenne, que des considérations plus dramatiques comme le chômage, la redistribution des richesses, la casse des services publics et autres billevesées pour la droite ne viennent pas tout foutre en l’air. Rien de tel pour cela qu’un climat délétère, où certains faits de violence particulièrement sordides vont venir émailler à intervalles réguliers la sphère médiatique et laisser la main aux politiciens de droite qui, malgré un bilan sécuritaire désastreux, semblent pour le commun des mortels toujours plus à même de faire régner l’ordre.
C’est là l’intéressant dilemme(1) qui se pose toujours à un pouvoir de droite (dure). A priori, on l’a élu pour voir des résultats et la sécurité des gens s’améliorer. Mais de tels (et improbables) succès pourraient bien s’avérer totalement contreproductifs pour le susdit et dextre pouvoir. Car si l’insécurité diminue, de quoi parlera-t-on, sinon du chômage, sinon de la précarité salariale, sinon de l’inégalité des revenus ? Toutes choses qui ont généralement tendance à s’accroître sous un pouvoir de droite, du fait même de la classe qu’elle représente foncièrement, une petite minorité de nantis essentiellement rentière et pique-assiette.
La droite n’a donc aucun intérêt à satisfaire les objectifs sécuritaires auxquels elle prétend par ailleurs parvenir. L’insécurité est en quelque sorte son lisier, le type de sol idéal si elle veut prospérer.
Il y a donc une certaine injustice à clamer sans cesse que le gouvernement actuel et celui qui l’a précédé sont d’une incompétence crasse pour résoudre le problème de l’insécurité. Certes, dans l’absolu c’est vrai. Et cela contraint le ministre de l’intérieur a un sérieux enfumage pour que ça ne se voit pas trop. Il ne faut pourtant pas y voir là de la bêtise (du moins en première analyse). Mais tout au contraire une solide clairvoyance, peut-être un soupçon machiavélique, pour conserver un pouvoir qui sinon irait frayer en d’autres eaux. Quelle lucidité remarquable n’y a-t-il pas dans cet amas de lois crayonnées à la va-vite et dont on ne s’embarrasse pas de connaître la réelle efficacité (ou plutôt on sait à peu près qu’elles sont globalement ineptes) ? Ne voit-on pas quel génie politique en constitue la raison profonde ? On bat des ailes (les lois sécuritaires), on fait du vent (TF1, France 2), et ni vu ni connu, on se récupère une partie du vote populaire (récupération qui, en termes stricts de raisonnement politico-social, est une hérésie : la droite représentant l’ennemi de classe même pour le populeux). Comment ne pas y voir un tour de passe-passe d’autant plus remarquable qu’il reste toujours sensiblement le même d’une élection à une autre ? Comme un vieux clown alcoolique qu’on ressortirait par pitié et qui parviendrait malgré tout - fardé comme pas possible et ânonnant les sempiternelles mêmes répliques foireuses - à faire une fois de plus rire les enfants.
Les français doivent donc bien comprendre cela : la droite sarkozyste rate consciencieusement sa politique sécuritaire, parce que c’est dans son intérêt même et que c’est la seule manière pour elle de se laisser les meilleures chances de survie.
 
 
(1) Le même dilemme se pose par exemple pour l’industrie pharmaceutique. On est supposé soigner les gens mais en même temps rien de tel qu’un bon petit virus monté en sauce par quelques copin(e)s bien placé(e)s pour améliorer les recettes et les dividendes...
 


29 réactions


  • Oculus 15 avril 2010 10:34

    Votre analyse est peut-être exacte. La Droite française n’est pas la Droite américaine par exemple. Elle parle beaucoup en bandant ses muscles mais agit peu et ne va pas « à la castagne » contre les délinquants contrairement à ce qu’elle promet à son électorat.

    Il me semble que ce thème ne bénéficie systématiquement à la Droite française que dans la mesure où la gauche semble incapable de construire un discours sur l’insécurité qui ne paraisse pas laxiste et empreint de la fameuse culture de l’excuse.

    Oculus
    http://oculus-blog.blogspot.com/


    • William7 15 avril 2010 15:49

      Loic wacquant avait écrit un excellent article sur la culture de l’excuse.

      http://www.homme-moderne.org/societe/socio/wacquant/excuses.html

      Bien entendu, vous n’y retrouverez pas la réthorique réac qui plaît aux droitistes anti « excuses sociologiques ».


    • Disjecta Disjecta 15 avril 2010 16:05

      J’ai du mal à aller dans votre sens concernant la Droite américaine et son bilan sécuritaire. Qu’elle paraisse plus velléitaire qu’en France ne doit pas empêcher de constater qu’au niveau sécuritaire, les E-U sont le contre-modèle par excellence (celui d’ailleurs brandi par l’UMP, on comprend pourquoi) : 11000 (onze mille) tués par arme à feu tous les ans (250 en France), 2,3 millions de prisonniers soit plus d’un adulte sur cent (70000 en France), c’est pas franchement ce que j’appelle une réussite. Et certainement le soi-disant exemple de New-York, souvent mis en avant, est le pire exemple qui soit.
      Je vous invite à lire cet article de Loïc Wacquant toujours aussi pertinent dix ans après :
      http://www.monde-diplomatique.fr/1999/04/WACQUANT/11910

      D’accord en partie avec vous sur la « fameuse culture de l’excuse » : elle recouvre souvent des discours indigents et provoque la frustration de beaucoup qui ne voient pas pourquoi il faudrait excuser les petites bandes de barbares incultes et délinquants.
      Ceci dit, « bander les muscles » n’est d’aucune manière la solution (et c’est bien pour cela, si vous avez compris le sens de mon article, que la droite l’utilise). Mais plutôt une meilleure répartition des richesses, une économie fondée sur le principe du plein-emploi et une éducation publique suffisamment pourvue en profs, surveillants et moyens pour ramener les classes à vingt élèves, et non frôler les quarante têtes de pipe pour une seule classe comme actuellement.


    • Disjecta Disjecta 15 avril 2010 16:09

      Ah diable ! Vous avez été plus rapide que moi pour dégainer Loïc Wacquant, William 7...


  • Gabriel Gabriel 15 avril 2010 10:53

    La lutte contre l’insécurité passe obligatoirement par des moyens conséquents. Giuliani et Bloomberg ont mis les moyens et le personnel nécessaire pour que New York devienne une des villes les plus sure au monde. Nos chers tarzans de L’UMP ont de grandes gueules, votent des lois à tord et à travers mais diminuent les effectifs. Il ni a pas de miracle et le temps ou David combattait Goliath avec un lance pierre est révolu.


  • finael finael 15 avril 2010 11:16

    Pourtant si la droite réussissait à réduire « l’insécurité », ne serait-ce pas un bon argument électoral : « Vous voyez on a réussi » ?


    • Disjecta Disjecta 16 avril 2010 09:37

      Une petite tentative pour argumenter un minimum, Ton père ?
      D’autre part je reconnais que votre article « L’identité française, c’est Sarkozy, Henry et Zidane » n’était pas comme il pourrait sembler au premier abord une collection de poncifs entendus mille fois dans les grands médias. On pouvait par exemple y lire cette très subtile analyse :

      "La France, c’est Paris, la Tour Eiffel, Sarkozy, Henry et Zidane, les Lumières sont éteintes, on n’y pensera bientôt plus, et soit elle actualise son histoire en prenant les mesures nécessaires pour la développer, soit elle choisit de la mettre au musée, et s’avance vers une société à l’américaine ou à la brésilienne.
      Aux yeux du monde en tout cas, c’est la seconde proposition qu’elle a choisi."

      Merci à vous, Ton père, de pourfendre clichés et autres balivernes au profit de fins exposés toujours particulièrement enrichissants et originaux.

  • Polemikvictor Polemikvictor 15 avril 2010 12:17

    Pourquoi la droite aime l’insécurité ?
    C’est la faute à Maslow !!


    • sisyphe sisyphe 15 avril 2010 13:42

      Ca fait maintenant 8 ans que la droite est au pouvoir ; et le petit Ubu à la tête de l’intérieur, puis de l’état ; ils en ont fait quoi, sur l’insécurité, les « racailles » et le reste ; hein, Gelone ?

      Le jour où on décidera de pulvériser la bêtise, l’aveuglement, et la mauvaise foi, achète toi un masque bien renforcé ....
       smiley


    • foufouille foufouille 15 avril 2010 16:43

      @ marc
      faut commencer par la racaille d’en haut droite et gauche
      ca ferait un bon exemple


  • mariner valley mariner valley 15 avril 2010 12:47

    Parce que la gauche s’en fou malheureusement et considère toujours que l’insécurité n’est qu’une vue de l’esprit.

    Ça vous rappelle pas quelqu’un......................et que ceux qui en souffrent (dont je ne fais pas partie) sont ignorés voire méprisés par la gauche (comme par la droite d’ailleurs) alors qu’ils font partis des gens votant généralement PS.


  • mariner valley mariner valley 15 avril 2010 12:48

    Quand on est déconnecte de sa base faut pas rêver on se bâche aux élections.


  • morice morice 15 avril 2010 13:06

    Les français doivent donc bien comprendre cela : la droite sarkozyste rate consciencieusement sa politique sécuritaire, 


    pas certain que ce soit fait exprès : l’incompétence ça existe ... chez un Hortefeux. Ça existait déjà en 2005 chez un dénommé Sarkozy.

    • mariner valley mariner valley 15 avril 2010 13:27

      la droite sarkozyste rate consciencieusement sa politique sécuritaire.

      C’est exactement ca. Oui il se sont vautrer lamentablement, fallait frapper fort ils se sont contenter de quelques claques en forme de caresses....

      Le problème........ la gauche n’a rien de sérieux ni de mieux a propose.


    • Disjecta Disjecta 15 avril 2010 16:32

      Vous m’avez mal compris mariner valley. Ce que je dénonce justement dans cet article c’est la « politique de la claque » qui, en termes d’insécurité, et si elle peut avoir un effet rassurant pour le téléspectateur du vingt heures, n’est pas une solution viable. Et c’est bien cette « politique de la claque » qu’emprunte la droite pour obtenir les résultats que l’on sait.
      Je ne peux que renvoyer, comme l’a fait plus haut William7, aux analyses sur la question de Loïc Wacquant.

      A Morice :
      Je maintiens mon idée : ça n’est quand même pas possible d’être ministre et d’être aussi con...


  • Traroth Traroth 15 avril 2010 13:07

    Cette article est un excellent résumé des positions stratégiques de la droite concernant l’insécurité. Rien de plus à dire, c’est complet !


    • Traroth Traroth 16 avril 2010 01:28

      Ah parce que la gauche, c’est le PS ?

      Ce qui est marrant, avec votre commentaire, c’est qu’il ne permet même pas de savoir si vous avez lu l’article... smiley


    • amipb amipb 16 avril 2010 07:23

      Cela fait effectivement longtemps que le PS n’est plus à gauche. Seules quelques têtes de liste du PS peuvent se dire « à gauche ».


  • LADY75 LADY75 15 avril 2010 13:12

    Lady Paname dit :

    « He oui ! C’est là qu’ça coince !

    Des gus sont amenés au povoir pour lutter contre l’insécurité, la ramène comme champions d’la chose.. et sont bien ennuyés parceque si la chose disparait, y servent pus à rien...

    Mais y’a pire ! Y en a un une fois qu’sest écarté du sujet en lançant un :

     »Je s’rai l’président du pouvoir d’achat !"

    Et, au contraire d’l’insécurité, il a diminué..


  • sisyphe sisyphe 15 avril 2010 13:38

    Analyse très juste.

    S’y ajoute, également, la bêtise profonde et l’incompétence crasse.

    On supprime tous les relais sociaux permettant de prévenir et de réduire la violence dans les quartiers (objets du soi-disant « laxisme » de la gauche), on supprime des dizaines de milliers de postes dans les lycées (enseignants et surveillants), pour ne se poster que sur le côté tout-repressif, qu’on n’assume même pas ; jamais, depuis que le petit ubu est aux ma nettes ; d’abord de l’intérieur, puis de l’état, l’insécurité n’a diminué.

    Faute de s’attaquer aux causes, et à la prévention, la droite se retrouve, comme toujours, dépassée par les effets ; et, c’est vrai, c’est un argument qu’elle tient au feu, parce que c’est LE SEUL qu’elle puisse faire jouer, pour appeler à voter pour elle.
    Pour TOUT LE RESTE ; politique économique, sociale, prospective, elle fait, à chaque fois qu’elle est au pouvoir, la preuve de son incompétence radicale.

    Faut bien avoir de quoi effrayer le bon peuple des retraités pour vendre sa camelote...


    • perlseb 15 avril 2010 23:09

      Article très juste. L’état n’a jamais été aussi corrompu et faible. Aussi, il applique le vieil adage « diviser pour régner » : si les gens d’en bas peuvent se casser la gueule entre eux, nous on reste en haut à se goinfrer.

      Le problème de fond de l’insécurité est bien vu par BIG PINK PIG : ce sont les parents et plus exactement les allocations familiales (l’état faible en est l’initiateur, la boucle est bouclée). Les adultes sans ressources peuvent survivre dans cette société simplement en se reproduisant (sans emploi, vous n’avez droit à rien jusqu’à 25 ans sauf si vous faites des enfants, ...). Quant aux traitements que ces parents infligent à leurs enfants, la société ferme les yeux, les considérant responsables (alors qu’ils les font pour de l’argent !).

      Supprimons les allocations familiales, et remplaçons les par une gratuité intégrale pour les enfants de tous les services nécessaires à leur épanouissement (cantine, internat, sport, musique, culture, éducation études incluses...). Rien aux parents, tout directement aux enfants. Cela évitera des enfants sous-alimentés par des parents qui s’achètent un écran plat avec les alloc.


  • debase 15 avril 2010 16:39

    @l’auteur

    Ce n’est pas la ’droite’ qui aime l’insécurité, c’est l’UMPS.

    Le qualificatif ’ de droite’ ne veut rien dire, surtout en France aujourd’hui. Il y a plusieurs sorte de droites, DE GAULLE était ’de droite’ et n’avait strictement rien à voir avec la clique qui nous gouverne.

    Parlez plutôt des ’affairistes’ qui sont là pour profiter tant que c’est possible quitte à mettre le pays à sac (cette conséquence étant en plus l’objectif particulier de certains...).


    • Disjecta Disjecta 15 avril 2010 17:09

      Assez d’accord avec vous debase. Un Valls, un Hollande, une Royal, un Délanoé ou un Strauss-Kahn, n’ont effectivement pas grand chose à voir avec la gauche. Et ils laissent croire qu’une véritable alternance est possible dans ce pays, tout en étant libéraux, proches des thèses foireuses et opportunistes du MEDEF.
      La gauche du parti socialiste ne sert que de faire-valoir et on se demande ce qu’ils y foutent encore, hormis du fait que le râtelier procure quelques avantages électoraux.
      Cependant la recomposition actuelle de la gauche peut peut-être aboutir à quelques bonnes surprises...


  • LADY75 LADY75 15 avril 2010 18:41

    Lady Paname dit :

    « L’insécurité qui progresse et dont l’équip’ d’l’ancien maire de Neuilly n’a cure, c’est celle de l’emploi (de plus en plus rare et d’plus en plus précaire), c’est celle du logement (de plus en plus cher), et aussi d’la fin d’vie (dont nul ne sait quand aujourd’hui il pourra enfin essayer de se r’taper après une vie de travail).

    Ici, pas d’loi express en réponse à un fait divers bien médiatisé, pas d’discours tonitruants...

     »La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail ne l’serait pas aussi.« avait dit M’dame Parizot.

    Certains ont envie d’rajouter :

     »Et pourquoi la propriété ne l’s’rait pas non plus ?"


  • Vox Populi 15 avril 2010 19:01

    La droite ?

    Ça existe encore ? On ne m’avait pas prévenu...
    Entre l’UMP qui a abandonné toutes les valeurs de droite, tout en essayant d’envoyer des messages contraire, et le Front National ostracisé, la droite n’est plus qu’un fantasme entretenu par la gauche (celle qui se dit explicitement comme telle), pour battre l’autre gauche (celle qui ne s’assume pas comme telle).


  • Gui Hottine Gui Hottine 16 avril 2010 01:46

    La question que je me pose est celle ci :

    « Pourquoi la gauche prétend que les retraites ne posent aucun problème » ?

    Non pour créer la polémique. Je me pose des questions également quant aux annonces qui sont faites sur les différentes violences en France.

    Cependant, je ne suis ni de gauche ni de droite : bien au contraire.

    Quant aux politiques finalement:ils ne sont ni de gauche ni de droite non plus, ils sont juste là où les vents les mènent, là où ça paye en somme.

    « carriériste »,la politique cest leur job..


  • frédéric lyon 16 avril 2010 09:24

    Ce n’est pas la « droite » qui n’aime pas l’insécurité, ce sont les français et les électeurs !


  • ddacoudre ddacoudre 17 avril 2010 01:23

    bonjour disjecta

    c’est cela ce gouvernement sur le sujet ne trompe plus personne, mais il continue car il ne eut faire autre chose.
    http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=72281

    cordialement.


  • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 19 avril 2010 02:20

    Pourquoi la droite aime l’insécurité ?

    Parce que c’est le seul moyen qu’ils ont à disposition pour se faire élire.


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