jeudi 29 septembre 2016 - par Franck ABED

Requiem pour un Empire défunt par François Fetjö

Alors que l’Europe civilisationnelle meurt jour après jour devant nous, sous les coups de boutoir conjugués du modernisme, du mondialisme et du consumérisme, il demeure fondamental de comprendre l’histoire de notre continent, si nous voulons encore croire à un avenir digne de ce nom… A ce titre j’ai récemment découvert, au gré de mes recherches, une petite merveille intellectuelle qui décrypte avec faits, objectifs et arguments circonstanciés, la mort programmée de l’Autriche-Hongrie. Cette dernière reste couramment mais improprement appelée Empire austro-hongrois, alors que son nom exact devrait être Double monarchie austro-hongroise.

François Fetjö fut un journaliste et historien français d’origine hongroise, spécialiste de l'Europe de l'Est et de l'histoire du communisme. Dans cet ouvrage solidement documenté, il présente sa thèse à rebrousse poil de l’histoire officielle : la Double monarchie n’implosa pas suites aux attaques des minorités ethniques qui la composaient, pas plus qu’elle ne mourut à cause de ses contradictions internes dues à un système politique archaïque et décadent. Non ! Elle fut littéralement assassinée par la volonté politique des pays de l’Entente, animés par le désir de républicaniser l’Europe. Même si François Fetjö évoque, parfois avec une nostalgie certaine, que nous pouvons comprendre et partager le passé des Habsbourg, il ne tombe jamais dans l’hagiographie et le prosélytisme. Ainsi, avant d’entrer dans les considérations stratégiques et politiques du début du XXème siècle, l’écrivain rappelle comment cette famille de petite noblesse a su, par une lucide stratégie matrimoniale et une sagesse diplomatique, s’imposer comme l’une des dynasties les plus illustres d’Europe. Evoquant sa lutte contre la Maison de France, les Turcs musulmans, les Russes, l’auteur analyse également, point par point, les réussites et les échecs des descendants de Rodolphe de Habsbourg.

Précisons que l’histoire telle qu’elle est actuellement enseignée, reste malheureusement sous contrôle de la plus virulente extrême gauche. Les communistes et autres marxistes-léninistes dépeignent donc la chute de la Double monarchie comme une fatalité qui relèverait en quelque sorte d’un sens de l’histoire cher à Hegel. Pourtant ce meurtre fut voulu et encouragé par les dominants d’alors. En effet, tout en évoquant le destin particulier de cette lignée habsbourgeoise, François Fejtö, à partir d'archives inédites ou trop peu connues, démontre que la monarchie austro-hongroise aurait pu continuer à exister après guerre, si les Alliés n'avaient pris la décision de la rayer de la carte. Nous pouvons lire cette analyse brillante : « il est indéniable que le fait de démolir l’Autriche correspondait aux idées des maçons, en France et aux Etats-Unis (1). Leur vision de l’Europe républicaine et démocratique, dans le cadre de la Société des Nations qu’ils lui avaient prévue, ne s‘est point accomplie. En fin de compte, des dirigeants nationalistes, diplomates et militaires, se sont servis de leur appoint psychologique et moral pour établir l’hégémonie, encore précaire, de la France sur les petits Etats successeurs de la monarchie détruite, et qui étaient beaucoup moins viables et beaucoup plus dangereux pour l’équilibre de l’Europe, beaucoup moins utiles comme barrière à l’expansionnisme allemand que n’aurait été une monarchie réorganisée  »

 

Effectivement avant la Grande Guerre, l’Empire jouait un rôle stabilisateur en Europe Centrale, comme nous l’avons malheureusement appris à nos dépends depuis son homicide : Deuxième Guerre Mondiale, agitations et instabilités politiques chroniques dans cette zone géographique, guerres ethnico-religieuses dans les années 90 etc… Nous citons également le texte introductif de Joseph Roth qui figure dans l’avant-propos, démontrant la cohésion des peuples derrière leur souverain légitime : « Dans cette Europe insensée des Etats-nations et des nationalismes, les choses les plus naturelles apparaissent comme extravagantes. Par exemple, le fait que des Slovaques, des Polonais et des Ruthènes de Galicie, des juifs encafetanés de Boryslaw, des maquignons de la Bácska, des musulmans de Sarajevo, des vendeurs de marrons grillés de Mostar se mettent à chanter à l’unisson le Gott erhalte (2) le 18 août, jour anniversaire de François-Joseph, à cela, pour nous, il n’y a rien de singulier  » (3). Il n’est guère étonnant que les babéliens d’hier et d’aujourd’hui, pourfendeurs des frontières et des identités, ne comprennent pas la nature réelle et profonde de ce cosmopolitisme chrétien et monarchique qui heurte leurs convictions maçonniques…

Sur la dépouille de la vieille et auguste monarchie naquirent de nombreux états libres et indépendants qui ne purent guère profiter longtemps de cette chimère révolutionnaire du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Des historiens sérieux comme Jacques Bainville (4) avait vu dans le traité de Paix de Versailles la trame historique des prochaines décennies et les désastres qu’il engendrerait. François Fetjö conclut de manière admirable : « La victoire totale de 1918 et les traités de paix qui en découlèrent engendrèrent le néo-impérialisme monstrueux de l’Allemagne, incarné par Hitler, puis l’expansionnisme de l’Union soviétique, qui a pu prendre en charge comme prix de sa contribution à la victoire sur Hitler, la quasi-totalité de l’Europe centrale  ». Concrètement nous pouvons dire que les grands principes démocratiques sont la mère de tous les totalitarismes. Malheureusement, au mépris de l’histoire nos adversaires enseignent que la Double monarchie a implosé, alors qu’elle fut suicidée à l’insu de son plein gré…

 

                                                                                     Franck ABED

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(1) Il est notoire que le Wilson et Clémenceau furent membres de la maçonnerie.

(2) Que Dieu garde notre Empereur et Roi, hymne de l’Empire, composé par Joseph Hayden.

(3) La Crypte des Capucins

(4) Les conséquences politiques de la paix, ouvrage dans lequel est dénoncé le traité de Versailles de 1919 en ces termes célèbres : « Une paix trop douce pour ce qu'elle a de dur, et trop dure pour ce qu'elle a de doux  ».

 



6 réactions


  • Parrhesia Parrhesia 29 septembre 2016 15:52
    >>> Concrètement nous pouvons dire que les grands principes démocratiques sont la mère de tous les totalitarismes.<<<

    Rappelons donc ici Winston Churchill lorsqu’il soutient (avec quelques autres collègues n’ayant que quelques millénaires d’expérience) : « la démocratie est le pire de tous les régimes à l’exception de tous les autres »

    Mais peut-être que Churchill n’est plus une référence suffisante pour les penseurs des restes de la démocratie contemporaine ???

  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 29 septembre 2016 17:47
    Pourquoi refaire l’histoire ?

    Le compromis politique entre les Hongrois et les Autrichiens lésait les intérêts des autres peuples de la « Double Monarchie », citoyens de deuxième rang :
    - slaves (Tchèques, Slovaques, Polonais, Ukrainiens, Slovènes, Croates, Serbes
    - latins (Italiens, Roumains). 

    À l’issue de la Première Guerre mondiale, le puzzle s’est disloqué au nom du «  Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » formulé dans le dixième des quatorze du traité de Saint-Germain

    Les décisions majoritaires des assemblées représentatives de ces peuples constituées lors de la défaite, ont remplacé en décembre 1918 la « Double-Monarchie » par sept « États-nations » :

    - la Tchécoslovaquie
    - la Serbie
    - la Croatie
    - la Slovénie
    - la Pologne, 
    - l’Italie 
    - la Roumanie.

    Un autre édifice a éclaté en même temps et pour les mêmes raisons : l’empire Ottoman.

    Dans les deux cas, l’objectif des occidentaux n’était pas d’« exporter » la « démocratie » que vous percevez comme la matrice des totalitarismes (alors que certains pensent que ce serait plutôt le bolchevisme qui s’était installé en URSS qui porte cette tare), mais de créer un espace économique et commercial qui préfigurait l’Europe des marchands.

  • Christian Labrune Christian Labrune 29 septembre 2016 22:30

     « Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu’ils se bornèrent à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs, à perfectionner ou à embellir leurs arcs et leurs flèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheurs ou quelques grossiers instruments de musique, en un mot tant qu’ils ne s’appliquèrent qu’à des ouvrages qu’un seul pouvait faire, et qu’à des arts qui n’avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons et heureux autant qu’ils pouvaient l’être par leur nature, et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d’un commerce indépendant... »

    L’empire austro-Hongrois est bien postérieur à cet âge de l’humanité très poétiquement évoqué ici par Jean-Jacques Rousseau dans son second Discours. Lorsqu’il s’est constitué, cet empire, le mal était déjà fait, et depuis fort longtemps.
    Certains, plus radicaux que Jean-Jacques, diront qu’il faudrait encore remonter plus loin : à la maîtrise du feu et à la taille du silex.
    Moi, j’aurais tendance plutôt à considérer que tous nos malheurs commencent lorsque nos plus lointains ancêtres, à force de se redresser sur leurs membres postérieurs dans la savane africaine afin d’être en mesure de repérer de plus loin le danger, auront fini par adopter, même pour marcher, cette station debout qui nous est devenue depuis si familière et qu’on impose bien à tort aux petits enfants dès la sortie du berceau. Si on veut réaliser un jour une civilisation à visage humain, un retour à la reptation me paraît être la toute première urgence.
     
    "


    • Nicole Cheverney Nicole Cheverney 1er octobre 2016 11:26

      @Christian Labrune

      Bonjour,

      Personnellement, je préfère une civilisation où l’être humain se tienne « debout », devant son avenir, son destin, ses responsabilités. Justement, nous sommes arrivés aux temps d’une néo-reptation, où les individus se traînent dans le consumérisme, se roulent dans la médiocrité « justifiée », et se concentrent autour de projets vains et inaptes à l’avenir de l’humanité.

      Notre cerveau « reptilien » domine donc. Il serait temps de rompre avec ces nouveaux temps de barbarie.

      Cordialement.


  • ddacoudre ddacoudre 30 septembre 2016 08:01

    bonjour F.Abed

    pourquoi pas accepter cette version de l’histoire quand elle repose sur des éléments réfutables
    nous réagissons toujours comme si les états ou empire étaient fait pour durer éternellement.
    nos frontières n’existe pas elle sont du au besoin des hommes de se constituer des territoires nourricier et les chefs charismatiques que l’ reflet du dominant animalier.
    Notre intelligence nous a permis en comprenant nos existence et notre environnement d’élaborer des mythes et de raconter des romans nationaux , comme récemment nos ancêtres les Gaulois.
    En histoire depuis le 20 siècle c’est développé des approches plus scientifique de celle-ci, mais l’histoire à des fins politiques reste prégnante dans les esprit populaire si l’on ne devient pas un historien. plus fondamentalement les historiens ne peuvent non pas embrasser les raisons psychologiques qui ont motivé les actions des un et des autres. en cela Egel à raison, comme le pensaient bien des philosophes. ne disposant pas du libre arbitre étant à chaque instant soumis aux pressions environnementales nos réponses cérébrale sont induite que par un minimum de choix car notre cerveau est plus lent et ne peut traiter toutes les information et surtout le langage en borne l’interprétation. Par cela nous ne pourrons jamais détenir une quelconque vérité ou liberté absolu et bâtirons ce que j’appelle des dominants systémiques, car nous finissons par suivre les les hommes charismatiques que ces dominants systémiques ont coopté et qui restent soumis à la loi animalier inné (les Taoïstes disent le vieil homme) celle du remplacement du dominant qui assure un renouvellement des nations et des structures qui le composent. en ce sens le mythe de la république et les droit de l’homme ont été un déstabilisateur, un dominant systémique qui c’est trouvé des parte parole aux quatre coins du monde. et aujourd’hui nous assistons a une déstabilisation de ce mythe car il est devenu une entrave aux développement des dominants qu’il a coopter au travers d’une autre structure qui est le pouvoir financier issus d’une lente transformation d’une organisation économique généré par ce ce mythe, le libéralisme capitalistique.
    il y a de grande chance que les historiens cherchent dans les archives quelques point qui ont prévalu a ce changement qui ne tient que par les actions quotidiennes des individus. ne pouvant les embrasser ou embrasser le Tout nous sommes bien obligé de les quantifier et de les qualifier,nous faisons cela pour tout. c’est la limite de nos possibilités
    cordialement.ddacoudre.over-blog.com.


  • Alainet Alainet 30 septembre 2016 14:27

    ( je viens d’être censuré pour cela.. mais peu importe). Il est à peu près certain maintenant, que les Français choisiraient le Frexit, en cas de référendum..Il est évident que le Breixit les rend fous, et qu’ils ont entrepris la rééducation du peuple français qui pense trop souvent comme Marine Le Pen… Alors manipuler les sondages, ça ne leur fait pas peur. Voici 2 articles récents, ne venant pas de l’UPR.

    http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/08/18/31001-20160818ARTFIG00184-en-cas-de-referendum-sur-l-union-europeenne-le-frexit-l-emporterait-probablement.php

    http://resistancerepublicaine.eu/2016/06/24/ils-font-dire-nimporte-quoi-aux-sondages-88-des-francais-pour-le-franxit-et-ensuite-64-contre/


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