jeudi 29 juin 2017 - par

Se souvenir des belles choses

Quand j'étais adolescent, un après-midi notre professeur d'économie nous montra un documentaire sur la malnutrition, chapitre du programme à peine abordé en cours. Ainsi il n'avait pas besoin de se fouler de trop. Je regardai la chose distraitement quand soudain je vis sur l'écran une mère tentant en vain de nourrir son enfant d'une maigreur terrifiante, comme elle. Je fus révolté et ému aux tripes, je regardais mes camarades autour de moi m'attendant à ce que tous ressentent la même chose...

Cela n'était pas possible, tous devait le ressentir...

Mais tout ce que j'entendis tendait au fatalisme, à l'acceptation et en grande majorité relevait de l'indifférence.

Quand dans la rue je vois sur un trottoir un homme, une femme, des enfants en train de crever de sa misère là sous nos yeux, ce sont les mêmes sentiments à chaque fois. S'y rajoutent l'impuissance, la fureur de ne rien pouvoir faire de plus. Là encore, je m'attendrai à ce que tous réagissent ainsi mais les miséreux ne sont surtout que des obstacles ralentissant le rythme, empêchant de se sentir pleinement un rouage enthousiaste de la chaîne économique gardant l'espoir illusoire d'être un jour un de ceux mettant en branle le mécanisme...

La guerre fait rage un peu partout dans ce monde, plus encore et surtout dans les pays les plus pauvres. Tout les jours devant la télévision ou son ordinateur, l'homme moderne favorisé somnole en attendant l'émission « d'infotainement ». Il soupire parfois, « on s'en fout » pense-t-il mais il n'ose pas encore trop le dire. De temps en temps il pousse l'hypocrisie à mettre une bougie sur le rebord de sa fenêtre, à faire une « marche blanche » voire à acheter des produits dits « équitables ». Il « est » le pays ou la ville martyrisée sur les réseaux dits sociaux. Mais qui trompe-t-il ?

Pourquoi tout le monde ou presque s'en satisfait-il ?

Sommes nous devenus de ces robots évoqués par Bernanos dans ses « écrits de combat » qui rappelait aussi que notre modernité est une « conspiration contre toute espèce de vie intérieure »...

Je ressens toujours beaucoup de tristesse face à l'incapacité de notre société à apprécier les belles choses, les grandes idées généreuses, les idéaux élévés, l'héroïsme, l'esprit de sacrifice. Tout est nuancé, renversé, minimisé quand ce n'est pas raillé ou inversé, on ne s'étonne pas que les plus jeunes s'y perdent :

La Beauté est niée, elle n'existe pas, on prétend à notre époque que sa perception est subjective. Ce que quelqu'un trouve beau, c'est beau et tous les goûts en somme sont dans la nature.Le laid est à la mode, il fait transgressif, même si ce genre de transgression est le meilleur moyen de plaire aux nantis. La beauté des arts anciens ne serait que poussiéreuse et trop élitiste. Il convient de l'enrober sans cesse de médiocrités diverses et variées.

De même pour la Vérité, il y aurait une vérité par personne et plus de vérité universelle. Chacun serait convié à se faire sa « petite cuisine » à sa sauce en choisissant ce qu'il veut sur les étagères du grand supermarché intellectuel. Ce qui serait mal pour les uns ne le serait pas tant que ça pour les autres. Je me demande alors pour quelle raison obscure on punit encore les crimes de sang ou l'inceste puisque cela faisait peut-être du bien à ceux les ayant commis et qu'il y voyait du bien ?

Ne parlons pas bien sûr de l'empathie ou de l'altérité...

Après tout, que des personnes ne se souciant pas des fins dernières est presque logique et tolérable. Bien entendu, la plupart d'entre elles une fois arrivé en fin de vie s'inquièteront pour la plupart de se faire enterrer religieusement parce que l'on ne sait jamais finalement.

Par contre, que les chrétiens empruntent également cette voie du relativisme est inexcusable et impardonnable. Les croyants « compartimentent ». La charité, les pauvres folkloriques et pittoresques c'est bien joli à l'église quand le curé en parle, on peut même verser une petite larme. Mais dés que l'on quitte le parvis, il est de plus en plus permis d'être aussi cynique que les autres. Les croyants s'accomodent de l'atmosphère délètère, voire morticole. Ils font comme tout le monde. Ils invoquent un peu à tort et à travers la pression sociale et idéologique. Ils s'en satisfont pour trop d'entre eux.

Eux également devraient relire Bernanos, « Dieu vomit les tièdes »...

 

Sic Transit Gloria Mundi, Amen

Amaury – Grandgil

illustration empruntée ici




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