lundi 3 août 2009 - par Christian Delarue

Sobriété, d’abord la demander aux riches !

En période de crise, il ne manque pas d’individus éclairés pour en appeler plus qu’avant encore à l’apprentissage de la sagesse et de la modération. Il n’y aurait pas simplement les riches et les pauvres, distinction il est vrai un peu sommaire mais les riches, les pauvres... et les sages. Les sages ne sont-ils pas transverses aux catégories économico-sociales ? Sans doute une certaine sagesse ne va point sans prise de distance par rapport à la cupidité, au désir de possession matérielle mais trop de distance pousse à l’acceptation du misérabilisme (on rectifie juste la trés grande misère plas plus), de l’injustice sociale et l’ordre du monde inégal.

Et si alors, pour être moins hypocrite, on demandait aux très riches d’être un peu sage et sobre avant d’aller prêcher la sagesse aux moins pauvres. Ce que font souvent les "prêtres" des riches à l’attention des pauvres. Ce qui passe par une double critique.
 

1° La spiritualité "de dépossession", versus interclassiste et misérabiliste.

* Le discours idéologico-spiritualiste sur la crise du sens s’adresse parfois aux individus sans considération de classe ou couche sociale. Ce discours, lorsqu’il en appelle à la frugalité, au motif d’une "civilisation trop fondée sur le lucratif", oublie que les pauvres ne sont pas "lucratif" mais dans le besoin du nécessaire. Ces apologistes se focalisent sur les très très pauvres dans une optique caritative et misérabiliste. Misérabiliste c’est à dire orienté vers les seuls pauvres, les "sous smic" en ignorant que le désir de gagner plus se comprend fort bien chez les couches pauvres mais aussi chez les couches moyennes.

* Ne pas déhabiller Pierre pour habiller Paul. La formule indique une critique de la ponction des couches moyennes pour donner aux pauvres. Or les couches moyennes ni riche ni pauvre connaissent régulièrement ou de temps en temps les "fins de mois difficiles" .Ce qui est la définition du prolétaire : il épargne peu et consomme tout dans le mois. Ces couches moyennes ne connaissent pas ce caractère de démesure - l’hubris - que l’on trouve chez les grands possédants qui eux font montre d’une grande cupidité.

Dès lors, ce discours conservateur peut prendre une coloration droitière et populiste (1) . Mais une certaine gauche n’est pas en reste, celle qui donne parfois dans une compassion sociale ambiguë (2).

 * Il y a d’abord la gauche de décroissance. Certains d’entre eux, fort de la découverte de la notion "d’empreinte écologique" militent pour la "sobriété heureuse" ou la "sobriété volontaire". Ce qui est pertinent. Le problème est de caler le bouclier écologique avec le boucler social. Et de penser la transition donc le sens de la justice sociale au passage. Or ces deux points - calage des deux boucliers et souci de justice via la pensée de transition - font souvent défaut. A la suite d’Erich Fromm auteur d’" Avoir ou être" (Robert Lafond), ils font la promotion de l’être contre l’avoir et de la qualité de vie contre la surconsommation ou même l’hyperconsommation c’est à dire l’achat de biens non seulement inutiles mais aussi des biens ou services qui nuisent à l’empreinte écologique (3 ). Mais là encore le propos peut sonner culpabilisation des moins aisés et laissez-faire pour les riches.

 * Il faut aussi compter sur certains tiers-mondistes qui s’appuient sur une interprétation superficielle du schéma ancien dit de la "coupe de champagne" (4). Le schéma de la coupe de champagne montre un haut de coupe très élargi pour les pays du Nord peu nombreux et un pied fin et long pour les pays du sud, beaucoup plus nombreux. Rien à voir avec la flute de champagne ! Ces tiers-mondistes semblent eux aussi ignorer qu’il y a "du nord au sud" et "du sud au nord". Ce qui signifie que les pays pauvres ont une bourgeoisie parasitaire et que les pays riches ont non seulement des pauvres mais aussi des prolétaires. Un prolétaire est stricto sensu celui qui épuise son revenu mensuel dans le mois. Mais y sont assimilés par extension les individus qui sont en capacité d’épargner faiblement, ce qui élève la barre en 2009 en France à environ 3000 à 3300 euros par mois.

2° Qualité pour tous : Avoir pour les prolétaire, être pour les autres !

Le discours de l"être , celui de la sobriété, possède sa justesse et pourrait donc passer beaucoup mieux s’il ne s’adressait pas à tous sans la moindre distinction de classes sociales, à la fois aux pauvres, aux intermédiaires, aux riches. Or quand la droite invoque la crise et prend des mesures, elle le fait en protégeant les riches (tous ceux au-dessus de 6000 euros par mois) et les immensément riches, ceux qui possèdent des masses financières faramineuses qui rapprochent leur budget de budgets institutionnels. Ce faisant elle entend ponctionner grosso modo les couches sociales en-dessous soit celles très aisées ( ceux qui environ perçoivent entre 3000 euros et 6000 euros par mois ) mais aussi - ce qui est beaucoup moins acceptable - les prolétaires (ceux entre 1500 euros et 3000 euros par mois soit 2 X le smic revendiqué).

Pour répondre à la division du peuple-classe, il faut être clair sur trois points d’orientation : Il importe de veiller à ce que :

1 - ceux d’en-bas tout en-bas - le lunpenprolétariat et les smicards - ne subissent pas plus encore la crise alors qu’ils sont déjà les plus démunis de la société.

2 - les prolétaires (moins de 3000 euros par mois soit 2 x le SMIC revendiqué) ne paient pas à la place des riches pour les plus pauvres.

3 - la sobriété soit réclamée aux très riches (la bourgeoisie) d’abord et ensuite aux couches supérieures aisées du peuple-classe en ponctionnant les plus aisées d’abord.

Au plan des exigences concrètes, il importe de relever fortement les minima sociaux ainsi que le SMIC. Il faut une bonne fiscalité (il y a beaucoup à dire). Il importe aussi de conserver les services publics qui facilitent la vie de tous mais surtout, de par leurs transferts, la vie des pauvres (moins du SMIC) et des prolétaires (moins de 3000 euros).

Christian Delarue

1) Contre le populisme montant.

2) Eléments de critique de la compassion sociale

3) L’empreinte écologique est un outil qui évalue la surface productive nécessaire à une population pour répondre à sa consommation de ressources et à ses besoins d’absorption de déchets.

3 Bis : Le problème est que certains de ces biens et services sont utiles mais que rien n’est fait pour les adapter. Modifier la propulsion des véhicules individuels est sans doute possible mais la recherche et l’industrialisation ne va pas dans ce sens. Et rien n’est fait pour un changement radical . On moralise les consommateurs. En attendant il serait possible de taxer plus fortement les gros véhicules, ceux qui sont très consommateurs (sauf pour les familles nombreuses). Déjà on pourrait interdire les compétitions automobiles ou de bateaux à moteur et plus encore les meetings aéronautiques .

4) J’ai du voir ce schéma dans "Les destins du tiers-monde" de M Husson et T Coutrot, un ouvrage qui n’est pas récent !



6 réactions


  • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 3 août 2009 10:55

    à l’auteur

    Je vous propose autre chose :
    Le Parti Socialiste (PS) et le Parti Capitaliste Français (PCF)
    http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-parti-socialiste-ps-et-le-parti-57430


  • Radix Radix 3 août 2009 19:35

    Bonsoir

    Dans mon enfance, nous avions à la maison un moulin à café qui faisait un bruit abominable chaque fois que ma mère le mettait en route le soir pour broyer le café du lendemain.
    Mais c’était un progrès énorme par rapport au moulin à café manuel fixée sur le mur de la cuisine de mon arrière-grand-mère.

    Chaque fois qu’il tombait en panne elle l’apportait à mon père pour qu’il le répare.

    En espérant, secrètement, que cette fois-ci la mission serait impossible !

    Chaque fois mon père, au grand désespoir de ma mère, le réparait.

    Ce moulin à café a duré 20 ans !

    Il est mort, euthanasié par ma mère, qui n’a pas voulu prolonger ses souffrances (et la nôtre) par un nouveau démontage.
    Le nouveau faisait moins de bruit mais il est tombé en panne le lendemain du jour où expirait la garantie et... Il n’était pas démontable !

    Alors maintenant quand on me parle de développement durable... Je sors ma Kalashnikov !

    Radix


  • Frabri 3 août 2009 19:57

    Si on demande la sobriété aux riches, on va attendre longtemps pour qu’ils la donnent.

    Les riches sont un danger planétaire, voir les 2 livres d’ Hervé Kempf qui est journaliste au monde. Comment les riches détruisent la planète, et Pour sauver la planète sortez du capitalisme
    http://www.article11.info/spip/spip.php?article237

    On n’a pas besoin des riches pour pratiquer la « simplicité volontaire »
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Simplicit%C3%A9_volontaire


  • Christian Delarue Christian Delarue 4 août 2009 10:26

    L’accumulation financière de l’hyper-classe atteint un niveau proprement ahurrissant mais ce qui importe n’est pas là. L’essentiel est de voir qu’il s’agit d’une captation de richesse contre le reste de l’humanité. Une ponction de ce surplus ne les plongerait pas dans la misère, loin de là, mais cela diminuerait grandement la misère des prolétaires et des sous-prolétaires.


  • Less is Best 2 novembre 2009 13:26

    Plusieurs réaction : les riches ne sont riches que parce qu’ils tondent la laine sur notre dos. Si donc nous adoptons un mode de vie simple et sobre, on leur ferme le robinet à dollar, ou à euro... C’est bien pourquoi leur pire crainte est une baisse de la consommation. C’est par nos comportements d’hyper-consommateurs que les riches sont toujours plus riches !!! Il ne tient qu’à chacun de nous que ça change, c’est nous qui avons le pouvoir, puisque c’est nous qui consommons.
    Ensuite, il faut bien distinguer simplicité volontaire et misérabilisme. Dans simplicité volontaire, il y a « volontaire », et ceux qui adoptent ce mode de vie ne le font pas pour économiser, mais pour MIEUX VIVRE. Parce que moins consommer, consommer juste le nécessaire, ne plus gaspiller, acheter d’occasion, réparer, mutualiser, s’entraider, etc, c’est opter pour un mode de vie différent, responsable, mature, c’est redécouvrir des valeurs autres que marchandes, c’est s’affranchir d’un comportement consumériste addictif.
    Certes, la crise actuelle pousse bien des gens à ralentir leur consommation, mais dès que cette crise s’estompera, ils re-consommeront de plus belle.
    Ceux qui choisissent la sobriété en tirent de tels bénéfices sur le plan humain qu’ils assument totalement ce choix.
    Bob


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