Supermacron va-t-il sauver le mariage U.E.-France ?
L'UE souffre d’une frustration affective : les élites l'aiment beaucoup, mais pas les peuples.
Selon un sondage anglais (donc totalement objectif…hem) effectué dans l’ensemble de l’U.E. et publié le 20 juin, plus de 70% des décideurs et leaders d'opinion (les principaux politiciens, journalistes, PDG et dirigeants d’organisations de la société civile, comme les présidents d'université) sont favorables à l'intégration européenne, contre seulement 34% des citoyens ordinaires. En matière d'immigration, 57% de l'élite considèrent que l'immigration est bonne pour leur pays, contre 34% pour le reste de la population. Pour faire court, on pourrait dire que les « décideurs » et les « influenceurs » sont d'accord avec les décisions qu'ils ont prises et les opinions qu'ils ont préconisées, alors que la plupart des autres personnes ne sont pas convaincues.
Cela n’a rien de surprenant car, depuis 50 ans, les élites qui veulent faire notre bonheur malgré nous ont fait feu de tous bois en particulier par l’usage massif d’une propagande tous azimuts pour justifier les principales décisions contraignantes prises sans consultations et ils ont ignoré le résultat de ces consultations quand ils ont eu l’imprudence d’en organiser. Les procédures démocratiques des états membres ont été mises au rancart par la cour de justice européenne non élue lorsqu'elle a décidé que les lois européennes prévalaient sur les lois nationales (la subsidiarité). La majorité des Européens n’avait pas compris que le jeu démocratique passé devenait obsolète.
Présentés comme le sommet des valeurs européennes, les principes de « libre mouvement des capitaux et des hommes » et de « respect de la concurrence » ne sont ni moraux ni démocratiques. Ils donnent en fait tout le pouvoir au capital financier international.
Les « élites » ont bien trouvé des techniques pour gérer le mécontentement populaire, mais les problèmes économiques ont la tête dure, et ils menacent d'ébranler toute la structure. Réunir des pays ayant des pratiques sociales et des références idéologiques différents profondément enracinées, leur imposer une monnaie commune et des règles qui interdisent les particularismes ne fonctionne pas. Fer de lance de la mondialisation, l'application dogmatique de la concurrence et de la « libre circulation » des biens et des capitaux en Europe permet aux capitaux étrangers - Chinois, Qatar, États-Unis, etc. - d'acheter une partie de ses ressources productives morceau par morceau. Au lieu de permettre la croissance, l'euro a entraîné la stagnation sinon la régression. Le règne d'une « concurrence » sans entraves favorise les pratiques du dumping social et non pas la solidarité. L'Allemagne a abaissé ses coûts de main-d'œuvre et continue de maintenir de gros excédents d'exportation avec ses voisins dont les budgets sont compromis par le déséquilibre commercial. La concentration de la richesse dans quelques mains qui s’enrichissent et la baisse des revenus pour les autres freinent la consommation de l’ensemble et entraînent une diminution des revenus des entreprises et des retombées fiscales. D coup, l'Union Européenne risque d’entrer dans une spirale dangereuse.
Et c'est là qu'apparait Supermacron.
La position de la France dans cette Union Européenne perturbée était la seule vraie question qui se posait pour les dernières élections présidentielles françaises. Le sujet a été masqué par la mise en avant par des scoops provoqués tels que les « scandales » dénoncés par les médias à propos d’emplois fictifs, ou « la menace fasciste ». Personne n’a entendu François Asselineau à qui personne n’a tendu de micro. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ont flirté avec l’idée de quitter l'euro, ou même l'UE elle-même, mais n’ont pas fait de ces mesures leur cheval de bataille. En l'absence d'une alternative claire à l'adhésion à l'UE, la plupart des électeurs étaient plus effrayés que séduits par l’idée d’un « Frexit », et l’initiative britannique n’est pas apparue comme le modèle à suivre. Faute de perspectives claires, les électeurs se sont massivement abstenus ce qui a permis à l'Union Européenne de remporter les élections en France, à travers Emmanuel Macron.
La mission confiée à Supermacron par sesproducteurs-réalisateurs est de réconcilier le couple UE -France, en essayant de convaincre les deux parties de faire ce qu'elles n’ont pas envie de faire.
L'interview de Macron publiée le 21 juin dans le Figaro et sept autres grands journaux européens a précisé sa stratégie de sauvegarde. Le mot clé est "protection". L'idée est que les populations vont développer leur loyauté envers les institutions si elles sont convaincues que ces institutions les protègent, car les Européens ne se sentent pas protégés par l'UE : « les classes moyennes ont commencé à douter », constatait-il dans l’interview, "ils ont l'impression que l'Europe se construit malgré eux, que cette Europe les tire vers le bas."
A l’en croire, l'Europe devrait assurer la sécurité physique et économique afin de rassurer les citoyens et de obtenir leur soutien. La protection physique consisterait à contrôler les migrations et à coopérer pour éradiquer le "terrorisme". L'impact politique des récentes attaques terroristes aurait permis à tout nouveau gouvernement français de prendre des mesures pour sécuriser les frontières et contrôler l'immigration, mais Supermacron a choisi d'essayer de faire prendre ces décisions au niveau européen, et jusqu'à présent, les désaccords entre les états membres ont empêché l'adoption de mesures efficaces.
Son discours semble indiquer qu'il doit y avoir des limites à la démolition des prestations sociales françaises afin de satisfaire les exigences allemandes dans le but de diminuer les coûts de main-d'œuvre et présenter un budget équilibré. Répondre à ces exigences est considéré aujourd’hui comme la condition nécessaire pour gagner la confiance allemande mais « la force de certains ne peut pas nourrir longtemps la faiblesse des autres ». En d'autres termes, les dirigeants politiques allemands devraient accepter le fait qu'une UE qui profite à l'Allemagne au détriment des autres états membres ne peut durer éternellement avant qu'il ne soit trop tard pour empêcher l'implosion.
Macron a dénoncé les règles sur les « travailleurs détachés » qui permettent aux employeurs d'échapper aux charges sociales dans des pays comme la France en embauchant des travailleurs étrangers de pays comme la Roumanie selon les règles de leur pays d’origine. « Le travail détaché entraîne des situations ridicules. Pensez-vous que je puisse expliquer aux classes moyennes françaises que leurs entreprises ont fermé en France pour aller s’installer en Pologne parce que les coûts sont moins élevés et que le BTP embauche des Polonais parce qu'ils sont moins payés ? Ce système n'est pas juste. »
Mais les efforts de Macron pour sauver le mariage France-UE risquent de rencontrer une forte résistance des deux côtés, surtout côté UE.
Avec un parlement entièrement sous contrôle, la résistance en France devrait se limiter à des éclats de voix. La rue ne semble pas avoir trouvé son porte-drapeu.
Par contre, la résistance aux projets de Macron en Europe provient du simple fait que l'UE inclut trop de nations ayant des intérêts et des cultures contradictoires. En ce qui concerne le contrôle des flux migratoires, par exemple, Angela Merkel a ouvert les portes aux réfugiés, alors que la Hongrie a l'intention de les fermer. Les Allemands, ou au moins certains d'entre eux, considèrent la migration massive avec le point de vue d’un pays à faible taux de natalité. Les Hongrois, en revanche, veulent avant tout préserver leur identité culturelle. Les États baltes, dont beaucoup de dirigeants actuels ont été formatés par l'Amérique de la guerre froide, ainsi que la Pologne, et sa rivalité historique avec la Russie, soutiennent les demandes des États-Unis pour une position militaire défensive / agressive contre la Russie, contrairement à la France, l’Italie ou l’Espagne. Les intérêts économiques sont largement contradictoires, avec des différences importantes entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest, qui ne peuvent pas être facilement gommées.
Et, finalement, à l'exception de l'élite mobile et multilingue, les Européens ne se sentent pas européens : ils se sentent français ou italien ou autre. La mission de Supermacron est claire, mais il pourrait bien s’agir d’une »mission impossible ».