mardi 9 mai 2017 - par

Tenir compte du vote barrage ?

Ainsi qu'en 2002 votant Chirac après un certain 21 avril, ils ont été nombreux à voter Macron pour, disent-ils, faire barrage au Front National, la Le Pen ayant à les entendre des intentions « putschistes ». Ils se boucheraient le nez en votant qu'ils disaient, ils voteraient à contrecoeur qu'ils disait. Ces fiers antifascistes de la vingt-cinquième heure concernés et responsables l'ont dit, affirmé, leur vote Macron n'est en aucun cas un vote d'adhésion, il voulait juste résister contre les risques de nouvelle dictature rappelant les z-heures les plus sombres de notre histoire qui seraient advenues de nouveau derechef si l'autre candidate serait arrivé au pouvoir.

Ce soir de dimanche, on les vit clairement reprendre du poil de la bête. Ils bombaent le torse non sans noblesse, croyaient-ils, se frappaient la poitrine avec majesté et énergie, là encore selon eux, attention, il faudrait bien que Macron ne prenne pas leur vote pour un vote réellement pour lui. Il faudrait qu'il les respectât, ce sont des résistants contre le fascisme. Il faudrait qu'il tienne compte de leurs desiderata. Sinon, gare à leur sainte colère, on verrait ce qu'on verrait. Et là ils continuaient à prendre la pose, une pose avantageuse, sur les réseaux dits sociaux ou dans les soirées « fooding » entre potes...

Et je pense aussi intimement que la plupart d'entre eux croit encore sincèrement au Père Noël.

Il fallait voir leur soulagement étonnant ce soir d'élections. Curieusement, tous ces alertes combattants de la Liberté, la leur pas celle des autres, font tous partie des nantis, de cette France qui adore la mondialisation, qui vénère l'internationalisation des échanges, qui trouve tellement sympa de voyager partout en Europe et de payer avec la même monnaie. Ils sont tous du pays légal, très loin, très très éloignés du pays réel, de sa précarisation, de sa paupérisation même dont ils n'ont rien à faire. Sont-ils vraiment convaincus que le nouveau président va tenir compte de leurs votes comme votes seulement de rejet de l'autre candidate ?

 

Voilà ce qu'en disait Juliette Meadel, soutien de Macron dès hier soir :

Amis qui avez voté pour faire barrage au FN, voilà ce que "En Marche" pense de votre bulletin...
 
"Sur les ordonnances, il vient d'avoir le soutien de 65% des FR. Il veut aller au bout de sa réforme du code du travail"

 

J'ai du mal à croire que cela ne soit que de la candeur de leur part, de la naïveté quand même assez grave. Ils vont voir, ils vont adorer la réforme sociale de Macron par ordonnances, elle va définitivement les débarasser des classes dites dangereuses, rêve de leurs ancêtres.

 

Sic Transit Gloria Mundi, Amen

Amaury – Grandgil

illustration (Macron imperator) empruntée ici

 

Ci-dessous excellent texte de Christophe Guilluy, extrait de son dernier livre, sur l'antifascisme de pacotifle

« Véritable arme de classe, l'antifasciste présente un intérêt majeur. Il confère une supériorité morale à des élites délégitimées en réduisant toute critique des effets de la mondialisation à une dérive fasciste ou raciste ; mais, pour être durable, cette stratégie nécessite la promotion de l'"ennemi fasciste" et donc la sur-médiatisation du Front national...

Aujourd'hui, on lutte donc contre le fascisme en faisant sa promotion. .../... Car le problème est que ce n'est pas le FN qui influence les classes populaires, mais l'inverse. Le FN n'est qu'un symptôme d'un refus radical des classes populaires du modèle mondialisé.

L'antifascisme de salon ne vise pas le FN, mais l'ensemble des classes populaires qu'il convient de fasciser afin de déligitimer leur diagnostic, un "diagnostic d'en bas" qu'on appelle "populisme". La méthode est toujours la même : fasciser ceux qui donnent à voir la réalité populaire. »

Christophe Guilluy

« Le crépuscule de la France d'en haut ». page 173.




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