mardi 11 janvier 2011 - par morice

Viktor Bout et les USA, ou Mickey dans Fantasia (28) : le pot aux roses du GT Group

Un homme discret mais excentrique de 67 ans, un néo-zélandais qui se prétend descendant de chevalier vieux de plus de 800 ans (il se dit « Lord of the Manor of Stubbington », en fait un titre extrait d’un conte pour enfants de 1943 !) en ayant obtenu son titre ronflant d’un vieux territoire australien inconnu, qui affiche dans son bureau un diplôme, obtenu dans l’Université qu’il a achetée et dont il est le président, ou qui possède un passeport pour la Principauté de Hutt River, ce faux état australien ridicule, voilà sur quoi on tombe à la suite d’une longue enquête qui finit par relier tous les points ensemble, à savoir, les armes, la drogue et la banque... voilà pour qui aussi des gens meurent, c’est bien ce qui est désolant, tant on sombre dans le grotesque avec un tel personnage. Car la grande surprise, au final, c’est de constater que tout cet argent manipulé, tous ses gigantesques profits se retrouvent bien quelque part et chez quelques-uns, et que ces personnes sont toutes liées également aux affaires d’énormes saisies de cocaïne découvertes ces dernières années... 

Oh, certes, c'est bien profondément caché : l'homme dont je vais vous parler a créé en Nouvelle-Zélande pas moins de 2496 entreprises différentes, dont toutes présentent exactement la même adresse (*). De quoi noyer profondément le poisson, en effet. Pour mieux encore le maintenir sous l'eau, le siège de la majeure partie de ses entreprises est dans le Vanuatu, où le mot impôt n'existe même pas dans le langage de ces 83 îles paradisiaques... à la fin de l'histoire, nous sommes tombés sur le véritable chaînon manquant : celui du financement occulte de toutes ces opérations. Et ça, c'est la découverte fondamentale de cette longue enquête...
 
L'une de ces entreprises nous avait mis en fait la puce à l'oreille, en réalité, par sa localisation : elle a été créée en 1992, à Chisinau, la capitale de la... Moldavie. Officiellement pour exporter des tracteurs et des machines agricoles (**). Les deux firmes concernées (Tracom et ViCam) apparaissant en 2009 dans de petits contrats avec le ministère de l'agriculture US. On retombait avec elle directement à un endroit clé de tout le système des ventes d'armes en effet (le pays "contient" en effet la fameuse Transnitrie !), les deux premières compagnies aériennes de Viktor Bout, Aerocom et Jet Line, étant, rappelons-le, de Chisinau. Avec Geoffrey Taylor, l'homme découvert aujourd'hui, qui passe toujours aux travers des mailles de la justice, car à ce jour aucune charge n'a été retenue contre lui, on aboutit enfin à la clé du système, en effet. Celui qui relie tout. Celui d'une gigantesque machine à laver l'argent à la fois de la drogue et du trafic d'armement. On se doutait de la liaison, on en a aujourd'hui la preuve flagrante. L'avion à lui, après bien des péripéties à vrai dire. Nous venons de trouver le chaînon manquant de toutes les opérations délictueuses de ces dernières années, qui font remonter le tout à une banque bien connue des amateurs de Western : la Wells Fargo.
 
Tout d'abord, ce n'est pas l'absence de taxation du Vuanutu qui a été déterminant pour créer l'entreprise qui va se charger du transfert des armes vers la Thaïlande. C'est en premier comment noyer tout de suite les recherches en cas d'enquête. Pour cela, la Nouvelle-Zélande est le pays rêvé pour passer inaperçu. Le 14 janvier 2010, à la découverte de 2496 entreprises présentant une adresse unique, le premier ministre du pays, John Key, s'émeut quand même un peu et promet une enquête. On l'attend toujours, car là-bas c'est... chose courante. "En Nouvelle Zélande, où les lois laxistes d'inscription ne nécessitent pas de preuve d'identité ou même d'adresse résidentielle enregistrée, la tentattion de créer des sociétés écrans "prêtes à l'emploi" est grande, et sont souvent utilisées pour protéger l'anonymat". Car ce qui compte, ce sont les papiers, ces fausses déclarations qu'avait si bien compris Reinhardt pendant la guerre Iran-irak : avec ses savants montages pour obtenir les faux bons de commandes ou les faux bons de destination pour les douanes. "Presque tous les courtiers en armes impliqués dans les transferts d'armes illicites sont des hommes d'affaires "légaux" à 98%" dit Griffiths de l'ISN Security Watch. Le monde souterrain ("underworld) de la drogue et des ventes d'armes à une façade classique en effet. Une façade bancaire. "En tant que tels, ils ont des entreprises et des comptes bancaires et utilisent les mêmes méthodes que celles employées par "l'upperworld" ou les entreprises licites dans le monde entier. La vraie différence se situe au niveau de la falsification de documents qu'ils peuvent avoir à fabriquer et le nombre de sous- traitants ou de sociétés écrans à travers lesquels ils travaillent. " En gros, plus c'est dilué et mieux ce sera en cas de pépin. Dans le cas de la saisir thaïlandaise, on est servi, en effet. Pour remonter jusque Geoffray Taylor, qui devant la presse locale fait obligatoirement l'étonné, il faut se lever tôt et éplucher les maigres documents fournis par la police. Dans ce sens, la saisie du 12 décembre est un véritable cas d'école.
 
Dès le premier jour de l'enquête, des journalistes avaient flairé le montage très complexe de l'opération, en remontant le donneur d'ordre de l'affrètement de l'avion. "À l'étranger Trading FZE, une société de leasing basée à Sharjah (Emirats Arabes Unis) et appartenant à Svetlana Zykova, a loué les Il- 76 à une société géorgienne, Air West, détenue par Levan Kakabadze. Air West, à son tour loué l'avion à SP Trading, une société qui a été créée par Yury Lunyov a été mise en service une semaine seulement avant la transaction . SP Trading a commandé l'avion à Union Top Management (UTM), -enregistré à Hong Kong . UTM a été également créé seulement un mois auparavant. Le fondateur d'UTM - Dario Cabreros Garmendia, un espagnol est inconnu, on ne sait pas où il se trouve, de même qu'on ne connaît pas l'entreprise de Corée du Nord d'où proviennent les armes".

"Lunyov prétend qu'une autre société - d'Ukraine, Aerotrack - avait la responsabilité de chaperonner l'envoi de la Corée du Nord à l'Iran et qu' Aerotrack avait à l'origine falsifié le contrat d'accord et liste de colisage pour suggérer que le fret était des pièces de rechange. Aucun Aerotrack n'a jamais existé à l'adresse indiquée et son contact principal Victoria Doneckaya donne comme numéro de téléphone celui d'une résidence privée qui n'a jamais entendu parler d'elle ou Aerotrack. En fait, toutes les propriétaires de sociétés (du moins, ceux qui qui ont pu être trouvées) Zykova, Kakabadze et Lunyov se refusent à re connaître ce que l'envoi a été réellement. Toutefois, ils partagent tous une connexion : Alexander Zykov, mari de Zykova associé connu de Lunyov. Zykov possède East Wind, une société de fret aérien au Kazakhstan. L'équipage arrêté lui appartient. Les entreprises et les aéronefs appartenant à Zykov sont connus pour avoir été impliqués dans le trafic d'armes en Afrique subsaharienne. Toutefois, Zykov affirme que l'équipage était en congé temporaire quand ils a été capturé". La première déclaration niant les faits est faite par Zykov d'Almaty, le 21 janvier 2010, au Kazakhstan. Un Zykov assez excédé qui finissait l'entretien par un "allez chercher les gens qui ont ordonné ce vol", a dit Zykov à un journaliste de l'AP et a raccroché le téléphone".

L'homme n'avait pas totalement tort : propriétaire de l'avion, certes, mais rien de plus. La commande provenait de Nouvelle-Zélande. Un autre individu en effet clame aussi son innocence et c'est GeoffreyTaylor, alors que des documents mènent à lui. "Mais la Nouvelle-Zélande lui a montré des dossiers attestant qu'il est bien l'actionnaire qui contrôle Vicam Ltd au 8 septembre 2009. Un mois et demi après que le fils de Geoffroy, Michael, ait déclaré une société néo-zélandaise appelée SP Trading, en tant que filiale en propriété exclusive de Vicam. SP Trading est devenu connue le 12 décembre dernier, lorsque les agences de renseignements de la police thaïlandaise ont inspecté l'Ill-76, l' avion qui s'est arrêté pour faire le plein de Bangkok en provenance de Pyongyang vers Téhéran. Le certificat de transport aérien a décrit les marchandises comme « du matériel pour champ de pétrole » mais à l'intérieur des 147 cartons ont été trouvé des explosifs, des grenades propulsées par fusée et des lanceurs de missiles informatisés. L'équipage était Kazakh et Biélorusse, et était dans l'ignorance du contenu de la cargaison. Comme le disait aussi le GT Group,jusqu'à ce que des documents ont révélé que l'avion avait été loué à la SP Trading"
 
Evidement, Taylor, qui se présente lui-même sur ses sites comme un "innovateur au top du classement des gestionnaires de fonds de pensions" nie toute implication et rejette la faute sur d'autres. Après les enquêtes de journaux, GT Group a publié un déclaration du Vanuatu disant qu'il avait formé SP Trading à la demande d'un client "professionnel" situé au Royaume-Uni, et utilisant Vicam comme nom, en la personne d' une femme nommée Zhang Lu, responsable d'une mise en scène, selon lui. SP Trading a déclaré qu'il ne savait rien pour les armes. S'exprimant au nom de ses employés, associés et ses sociétés, le groupe GT a dit qu'aucun n'avait aucune connaissance des activités de SP Trading, "et n'était en aucune façon impliqué dans le transfert d'éléments de toute genre, en tout lieu et par tous les moyens." En poussant un peu plus loin leurs recherches, les journalistes découvraient entre temps d'autres liens intéressants.  "L'actionnaire et membre de GT Goup, Vicam Ltd, est apparue comme étant la gagnante récemment d'une enchère portant sur des millions de barils de pétrole, octroyé par le gouvernement azerbaïdjanais. Il a remporté des contrats lucratifs de travaux publics en Roumanie et a créé un certain émoi quand les journaux ont suggéré que des membres du gouvernement recevaient des actions en échange, ce qu'ils ont effectivement nié".
 
 
Le 3 septembre 2010, neuf mois après les faits, on découvre enfin qui se cachait derrière le nom de Lu Zhang, le directeur de SP Trading Ltd, la firme ayant conclu le contrat de livraison. Elle est âgé de 28 ans et c'est... une ancienne employée d'un Burger King d'Auckland ! Comme adresse personnelle, elle possèdait en effet la même que les 2496 entreprises citées ! L'histoire qu'elle raconte aujourd'hui est assez incroyable et dénote du cynisme et des pratiques de Geoffret Taylor et de son entourage : elle avait été recrutée en 2008 par Taylor et ses deux fils dans sa société Global Fin Net, pour y effectuer des tâches administratives seulement. "C'était un travail de base très administrative. Je venais déposer tous les documents, vérifier les e-mails et m'occuper de l'entretien quotidien du bureau." La lampiste parfaite, visiblement, qui s'est fait piéger en beauté : "elle a déclaré que M. Taylor lui avait expliqué, à elle et à son mari Paul Gao, 27 ans, que son rôle dans l'affaire sera d'intégrer les entreprises avant les vendre à des personnes basées à l'étranger. "La première fois que Geoffrey nous a parlé de "direction" nous ne sentions pas sûrs de nous, parce que nous savions que l'administrateur de sociétés avait des responsabilité." dit-elle... "Mais nous avons pensé que ça serait OK parce que pour nous, il suffisait d'ouvrir le compte et que cela n'avait rien à voir avec le fonctionnement de l'entreprise". "Nous avons pensé que c'était peu de chose, ne voulant pas nuire à qui que ce soit. "
 
Résultat, la signature de la pauvre employée se retrouvera au bas de feuilles de commandes pour 35 tonnes d'armes... pire encore : coincée par la juridiction néo-zélandaise conçue à l'américaine, qui veut que l'on hérite automatiquement d'un réduction de peine en se déclarant coupable, c'est ce qu'elle vient de décider de faire, elle et son mari ! Depuis tous deux sans emploi, car ayant démissionnés.. et coincés : "nous ne sommes rien, nous avons étudié, travaillé dur et en faisant cette petite erreur nous ne savions pas quel tort ça causerait". "Mais je vais plaider coupable, parce que nous avons à payer l'hypothèque, payer les honoraires de l'avocat et nous ne voulons pas de causer plus de stress notre famille." Un aveu désolant, affligeant, l'histoire du petit peuple se faisant berner par les riches marchands d'armes. Qui n'hésitent pas sur leur site à se présenter comme dirigeants "humanitaires", donnant des emplois à des étrangers dans le besoin... affligeant cynisme du patron de GT Group, qui énonce dans son site que "l' intérêt principal de ces journées est d'encourager les jeunes gens à atteindre le succès en particulier dans le difficile domaine de l'évolution du monde du droit international des affaires ". Ecœurant ! Le couple risque des dizaines d'années de prison avec ses 75 motifs d'accusation ! La "justice" tient ses deux coupables, et la famille Taylor restera certainement impunie, tout va bien dans le pire des mondes ! 
 
Mais ce n'est pas tout encore, le pire est à venir... on est encore loin du compte, ce qui va suivre est plus qu'étonnant en effet. Geoffrey Taylor a déjà été mouillé ailleurs, et dans des événements incroyables survenus en 2008. Mais ça, c'est ce que nous verrons demain si vous le voulez bien : attendez-vous à une énorme surprise. En forme, encore une fois, de crash d'avion comme point de départ...
 

(*) 369 Queen St, Auckland 

 (**) ou des "élévateurs" ? Historiquement, en effet, le mot est lié à une affaire de transfert d'armes pendant la guerre Iran-Irak.

 


4 réactions


  • morice morice 11 janvier 2011 18:06

    ne venez donc pas troller, svp Soulmanfred : que vous ne digérez pas certaines évidences polonaises ne vous autorise pas à le faire pour autant.... 


  • Georges Yang 12 janvier 2011 00:59

    On vous lit et vous commente de moins en moins, j’en éprouve une certaine satisfaction !


  • morice morice 12 janvier 2011 08:32

    On vous lit et vous commente de moins en moins, j’en éprouve une certaine satisfaction !


    c’est bien la preuve que vous êtes un troll ici  : or vous êtes rédacteur également . Qu’en pense la modération qui passe sa vie à retirer les insultes et à interdire à certains de venir insulter ????

  • Castor 12 janvier 2011 11:17

    Le bout de Mickey dans Fantasia ?????

    Mais c’est honteux !
    (mais qui est Fantasia ?)

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