samedi 15 juillet 2017 - par rosemar

Voici le mirage de l’Art... La chambre, Léo Ferré...

En hommage à Léo Ferré qui nous a quittés le 14 juillet 1993...

Comment transformer une misérable chambre en un lieu de rêves ? C'est bien ce que permet la transfiguration poétique. Léo Ferré nous offre, ainsi, une chanson où la métamorphose se produit, sous nos yeux émerveillés.
 
Le poète s'exprime à la première personne et nous fait découvrir sa chambre désignée par l'expression "quatre vieux murs", qu'on lui a prêtés. On perçoit le dénuement de l'artiste qui a accepté ce "réduit très obscur" pour y "installer sa chambre."
 
Léo Ferré loge ses "quatre membres" dans ces "quatre murs", soulignant, ainsi, combien ce logis lui correspond, lui le malheureux poète, un parallélisme qui vient souligner sa pauvreté.
 
Et le poète égrène tous les objets qui décorent cette chambre, destinés à lui donner "un air coquet", mais il s'agit, chaque fois, d'une négation même de ces objets, ce qui vient encore accentuer le dénuement du narrateur...
 "je suspendis aux murs enpente
Les diplômes que j'ai manqués et mes décorations absentes
Sur une table les photos de celles qui se refusèrent
Sur des rayons les in-quarto des livres que je n'ai su faire..."
 
Le poète suggère, ainsi, avec une certaine auto-dérision, une vie ordinaire faite de manques, d'échecs, de renoncements.
 
Il évoque aussi de grands vins qu'il aurait cachés "derrière les fagots", des "Chambertin et des Margaux", mais il précise aussitôt qu'il "ignore jusqu'à l'arôme" de ces grands crus...
 


Il nous étonne en parlant d'un coffre fort, "où il a rangé en piles régulières Toutes les valeurs et tout l'or..." 
La relative qui suit, au conditionnel passé, "que j'aurais pu gagner" montre que ce n'est qu'un leurre.
Une façon de tourner en dérision la richesse et tous ses attributs...
 
Mais, il suffit d'un "doux rayon bleuâtre, se glissant par la fenêtre", pour transformer cet intérieur en un "théâtre" rempli d'un "mobilier éblouissant."
 
Ainsi, le poète transfigure et sublime la réalité qu'il a sous les yeux, grâce à un simple rayon de lumière.
"Voici des tapis d'ambition, voici des tentures de rêve
Voici qu'un rideau se soulève sur un chevalet d'illusions..."
 
Le poète se met à rêver, à voir, sous le décor de sa chambre, de nouveaux rêves, des ambitions, des illusions dont il n'est pas dupe, mais qui rendent la vie plus douce.
Les "coussins" sont associés à des "serments, les "fauteuils" à des "promesses".
 
L'amour, l'affection sont suggérés grâce au vocabulaire de l'affectivité : "des colliers de tendresse, des bouquets de sentiments".
 
"Voici le mirage de l'Art, voici des songes en rasades...", précise le poète, et c'est bien du miracle de la poésie dont il est question ici : un simple rayon de soleil peut redonner l'espoir à l'artiste.
 
"Voici... Le divan de Shéhérazade et le clavecin de Mozart..." soudain apparaissent des éléments de mobilier mythiques : sont convoqués les histoires merveilleuses des Mille et une nuits, la musique de Mozart...

 
La littérature, la musique viennent compléter cette magie de l'art qui transfigure une simple réalité et la magnifie.
 
L'imagination symbolisée par le mot "chimère" a transformé et transfiguré cette misérable chambre, ces "quatre vieux murs", et la voilà devenue "la plus belle chambre du monde."
L'emploi de ce superlatif, à la fin du texte, suggère bien la transmutation opérée par la poésie, l'imaginaire...
La mélodie légère nous transporte dans un univers de rêves...
 
Ce texte de René Baer, mis en musique et interprété par Léo Ferré restitue une vision onirique, propre à la poésie.
 
 

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