jeudi 17 juillet 2008 - par

Dieudonné et Siné : procès en antisémitisme

Jean-Marie Le Pen révélait hier sur RTL qu’il était devenu le parrain de la fille de Dieudonné. De son côté, Elie Semoun disait son incompréhension devant une telle alliance. Après avoir retrouvé son ancien acolyte sur la scène du Théâtre de la Main d’or le 14 juin dernier, il a assuré qu’il ne reformerait pas le célèbre duo comique et qu’il allait désormais prendre ses distances avec son (ex-) ami.

Dieudonné s’était rapproché du Front national et de Jean-Marie Le Pen en 2006 par l’entremise de l’intellectuel marxiste et néo-frontiste Alain Soral, autour du discours de Valmy, dans lequel le chef du FN appelait à une réconciliation nationale de tous les Français, quelle que soit leur origine. Soral a d’ailleurs tenu récemment une conférence politique chez Dieudonné, au Théâtre de la Main d’or.

Alain Soral a dit avoir d’abord cru à une plaisanterie lorsqu’il a appris la nouvelle de ce curieux parrainage. Une plaisanterie qui ne fait pas rire tout le monde, les trois compères (Le Pen, Soral et Dieudonné) étant soupçonnés d’entretenir des liens en raison de leur prétendu antisémitisme.

L’antisémitisme est au cœur de l’actualité médiatique, puisque c’est sous ce chef d’accusation qu’a été renvoyé de Charlie Hebdo le dessinateur et caricaturiste Siné. Philippe Val lui a en effet reproché ce texte paru le 2 juillet dans son journal :

"Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général de l’UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le Parquet a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est Arabe ! Ce n’est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit !"

Si ce texte a, certes, des relents antisémites condamnables (à moins qu’il ne dénonce que l’opportunisme de Jean Sarkozy), Philippe Val n’avait pas été choqué par d’autres propos, islamophobes, tenus par le même Siné dans Charlie Hebdo le 11 juin dernier :

"Je n’ai jamais brillé par ma tolérance mais ça ne s’arrange pas et, au risque de passer pour politiquement incorrect, j’avoue que, de plus en plus, les musulmans m’insupportent et que, plus je croise les femmes voilées qui prolifèrent dans mon quartier, plus j’ai envie de leur botter violemment le cul !" Siné continuait : "Leurs maris barbus embabouchés et en sarouel coranique sous leur tunique n’ont rien à leur envier point de vue disgracieux. Ils rivalisent de ridicule avec les juifs loubavitchs ! Je renverserais aussi de bon cœur le plat de lentilles à la saucisse sur la tronche des mômes qui refusent de manger du cochon à la cantoche."

Siné est, comme Dieudonné, un laïc "extrémiste", un bouffeur de curés, d’imams et de rabbins, qui n’aime aucune religion, doublé d’un provocateur. Mais seule sa diatribe anti-juive lui a valu les condamnations de son patron Philippe Val et du journaliste au Nouvel Obs Claude Askolovitch. Deux poids deux mesures ? C’est en tout cas ce que certains, comme Alain Soral, pensent aujourd’hui, et qu’ils baptisent, à la suite des travaux du jeune intellectuel Jean Robin, du nom de "judéomanie" : cette tendance à survaloriser les drames et les attaques touchant la communauté juive au détriment des autres, et ce au risque de nourrir l’antisémitisme.

On pourrait donc croire, dans ces affaires Siné et Dieudonné, à de mauvais procès orchestrés par des "judéomanes"... Seulement voilà, dans le cas de Dieudonné, un dernier détail blesse : l’homme qui a baptisé sa fille, Philippe Laguérie, est connu pour avoir célébré les obsèques de Paul Touvier, l’ancien chef de la milice de Lyon, condamné à perpétuité pour crime contre l’humanité ; un criminel dont l’abbé Laguérie avait vanté l’"âme délicate, sensible et nuancée". La provocation de trop pour Dieudo ?




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