C’était l’homme parfait, une allégorie de la paix. Elie Wiesel
a tant analysé la complexité des rapports israélo-palestiniens, tant proposé,
et tant dit : « Je n’ai pas été entendu ». Samedi, à la Sorbonne, il a décliné la
proposition officielle de devenir chef de l’Etat d’Israël : « Oui, on
m’a proposé. J’ai dit non, tout simplement car je ne suis pas fait pour ça.
C’était très très flatteur de leur part, mais je ne suis qu’un écrivain »,
a-t-il répondu à Paul Amar. Honneur de la fonction, certes, mais plus
protocolaire qu’opérationnel : « Le président en Israël est une
autorité morale, mais c’est le gouvernement qui prend les décisions », et
ses fonctions sont « surtout honorifiques et représentatives ».
En juin dernier il s’est exprimé dans L’express : « Je me suis battu toute ma vie d’adulte et,
souvent, j’éprouve un sentiment d’échec. J’ai remporté quelques victoires, aidé
les Juifs à sortir d’Union soviétique, sensibilisé à la mémoire de la Tragédie. C’est si
peu. Il faut faire plus. Nous devons faire plus. Le monde ne va pas bien. Je ne
lutte pas contre le mal, qui est toujours plus fort, mais contre l’indifférence
au mal. » Mais c’est à une forme de désespérance qu’il aboutit : « Les
leçons du XXe siècle n’ont pas été tirées. Nous avons essayé, mais elles n’ont
pas été reçues. Comme ce messager de Kafka qui n’arrive pas à délivrer son
message. »
Né en 1938 en Roumanie, Elie Wiesel est déporté à seize ans.
Libéré par les Américains, il fait ses études à la Sorbonne, reste en France
une dizaine d’années, émigre aux Etats-Unis. Il est citoyen américain depuis
1963. Le prix Nobel de la paix lui a été attribué en 1986.