vendredi 24 novembre 2006 - par L’équipe AgoraVox

L’espion russo-anglais est mort, pourquoi ? Comment ?

Alexandre Litvinenko, mort hier soir à 21h21 à l’University College de Londres, n’avait que quarante-trois ans, mais les raisons d’un assassinat par les services russes ne manquent pas, même si la responsabilité des Russes n’est pas à ce jour établie. L’ancien colonel du FSB (ex KGB) était chargé de la lutte contre la mafia russe. En novembre 1998, au milieu d’autres agents, tous le visage dissimulé par des cagoules, il révèle devant des caméras de télévision l’ordre reçu d’assassiner Boris Berezovski, homme d’affaires bien introduit dans la sphère du Kremlin. Poutine, alors directeur du FSB, jure qu’il limogera les commanditaires « sans égard pour leur grade ». Mais c’est Litvinenko qui est arrêté quatre mois plus tard, et emprisonné pour « abus de pouvoir ». Procès en 1999, acquittement : à la sortie du tribunal, il est arrêté, puis assigné à résidence. Il emmène sa famille en Grande-Bretagne, où il obtient l’asile politique en 2001 (et la citoyenneté britannique le mois dernier). En association avec l’historien russe exilé aux Etats-Unis, Iouri Felchtinski, il publie Le FSB fait exploser la Russie, réquisitoire contre les autorités russes, jugées responsables de la série d’attentats de 1999 qui ont tué près de trois cents personnes et organisés par les services secrets de façon à faire croire à l’opinion que les Tchétchènes étaient coupables.  En mars 2002, il participe à la préparation d’un film préparé par Boris Berezovski, alors réfugié à Londres. Puis il déclare qu’il enquête sur la prise d’otages d’octobre 2002 dans un théâtre de Moscou, sur l’assassinat d’Olga Politkovskaia.

« Les salauds m’ont eu. Mais ils n’auront pas tout le monde », a-t-il dit il y a quelques jours. Comment, avec son expérience, Alexandre Litvinenko a-t-il pu être trompé ? D’après ses déclarations au Times, il aurait organisé un rendez-vous, dans un hôtel du centre de Londres, le Millenium, avec un ancien ami, Andrei Lugovoï. Un autre homme est venu, un Vladimir, « d’une quarantaine d’années, de petite taille, taciturne et aux traits anguleux ». Vladimir insiste pour partager un thé, et se montre peu loquace. Litvinenko aurait ensuite rencontré Mario Scaramella, un contact italien familier.

Tous les tests possibles, toutes les hypothèses (empoisonnement au thallium, par radioactivité...) sont vains : les causes de la mort d’Alexandre Litvinenko restent ignorées. Les symptômes sont muets : la « détérioration spectaculaire » de son état hier, puis une sorte de crise cardiaque. Sa mort était inexorable. Quelle a été la technique utilisée ? Ni les médecins, ni Scotland Yard ne le savent actuellement.

Les autorités russes démentent toute responsabilité : Sergueï Ivanov, porte-parole du renseignement extérieur, juge l’hypothèse « insensée » :« Nous n’avons rien à voir avec cette affaire, dont nous ne suivons pas le développement. » L’hypothèse de l’empoisonnement ? Un égarement d’esprits occidentaux trop influencés par des « histoires d’espionnages stéréotypées ». La mort d’Alexandre Litvinenko, elle, n’est pas stéréotypée.




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