mercredi 13 septembre 2006 - par

La demeure du Chaos, une affaire !

Thierry Ehrmann fait parler de sa maison, de son concept, de son œuvre, comme on voudra. Moyennant 200 000 euros d’amende pour avoir entrepris sans autorisation, il pourra conserver son Chaos, la Cour d’appel de Lyon a ainsi tranché.

La personnalité de Thierry Ehrmann, qui est âgé de 43 ans,  est elle-même chaotique : fils d’un industriel membre influent de l’Opus Dei, il fait fortune dans les années 1980 avec le minitel, les banques de données, les combats de boxe et bien d’autres entreprises qui constituent un ensemble hétéroclite. Il se présente comme franc-maçon, passionné d’alchimie, bigame. Aujourd’hui président du groupe Serveur (banques de données) et d’Artprice.com (qui gère une cotation en ligne d’oeuvres d’art), il continue à cultiver l’extraordinaire. Une anecdote : lors d’une réunion très sérieuse avec les membres de son conseil d’administration (dont Bernard Arnault), il projette le film d’une performance inattendue : soumis à une saisie d’huissiers, il se lacère le corps avec un scalpel. A la fin de la projection, un actionnaire s’enthousiasme : “C’est votre folie que j’achète.”

Que viennent voir les sept cents visiteurs du dimanche, dans ce village de Saint-Romain-au-Mont-d’Or (69), où plusieurs bâtiments sont classés par les Monuments historiques, où les Bâtiments de France contrôlent jusqu’à la peinture des volets ? Un ancien relais de poste complètement métamorphosé : sur le parking, une vingtaine de voitures calcinées ; tout autour, d’énormes météorites ont creusé des cratères. Plus loin, un avion de ligne s’est écrasé dans le jardin. Des météorites traversent la toiture, des portraits de Ben Laden, de Zacarias Moussaoui raniment ce qui fut pour Ehrmann cet « événement plastique le plus absolu » qui « nous a appris à vivre avec le chaos  ».

 Imposante, la réplique, dans le jardin, des ruines du World Trade Center : une sculpture de 9 mètres de haut, 36 mètres de large, 12 de profondeur, 18 tonnes d’acier et 90 tonnes de béton. Ehrmann envisage la construction d’un mur de Berlin se transformant en cette muraille qu’Israël édifie actuellement en Cisjordanie. La façade de la maison est par endroits liquéfiée, des lances thermiques ayant liquéfié la pierre en coulées de lave. Il s’agit d’effacer « toute présence bourgeoise ».

Un ensemble imposant, théoriquement soumis à autorisation en raison de son volume. Mais Thierry Ehrmann balaie l’objection : ce sont 2500 petites œuvres distinctes. 

Quand les élus locaux ont demandé à Paul Bocuse de réagir, un panneau d’affichage tagué d’une tête de mort ayant été placé par Ehrmann devant son restaurant, la réponse a été que la Demeure du Chaos s’inscrivait dans l’histoire de l’art.

Un voisin vient de transformer son jardin, en voyant grand : il y a installé une immense statue de dinosaure, et a baptisé ce nouvel espace La demeure de l’Eden.

Ehrmann considère ses détracteurs comme des alliés objectifs de son œuvre : « Cette oeuvre n’existerait pas sans ses détracteurs. Elle en devient légitime car elle pose des questions ». Les attaques permettent les pétitions (il annonce 54 000 signatures du monde) et pourront être ranimées lors des prochaines élections municipales, puisque l’homme d’affaires a annoncé son intention de se présenter.  




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