mercredi 8 novembre 2006 - par

Le développement tentaculaire des jeux

La prise de conscience de l’alarmante augmentation des comportements de dépendance aux jeux est assez lente, en France. Le phénomène n’est pas spécifiquement hexagonal : le Canada évalue le taux de joueurs dépendants à 1,14 % de la population, 5,77 % des jeunes. Aux Etats-Unis les chiffres sont à peu près les mêmes, de 1,5 % à 3 %, le plus fort pourcentage étant aussi enregistré chez les jeunes. La Belgique annonce 4 à 5 %  de sa population, la Suisse 3,4 % de « joueurs pathologiques » auxquels s’ajoutent 9,3 % de « joueurs à problèmes ». L’Australie décrit comme « fléau national majeur » le développement « épidémique » du jeu compulsif.

En France, un rapport très détaillé du Sénat a fourni des éléments d’analyse qui sont lentement repris. Pourtant le nombre de joueurs qu’on appelle compulsifs, ou addictifs, c’est-à-dire dont la raison vacille sous l’influence de la passion, augmente au fil de l’accroissement des offres de jeu. Les Français dépensent en moyenne 310 euros par an pour la Française des jeux, 1251 euros adans les paris hippiques et 3109 euros dans les machines à sous, 0,9% du budget de chaque ménage selon le nouveau document rédigé par le rapporteur de la Commission des finances du Sénat, François Trucy, « L’évolution des jeux de hasard et d’argent ». Pour l’heure, la Française des jeux (39 962 détaillants en 2005), le PMU et les 197 casinos (132 en 1991), placés sous la tutelle de trois ministères différents, agissent comme bon leur semble. La diversification et l’offre sur Internet des jeux de la Française des jeux a entraîné une progression de 75 % des mises entre 1999 et 2005 (diminution de 12,3 % du nombre de joueurs mais progression du chiffre d’affaires de 55 %) ; la progression des paris au PMU, dans la même période, a été de 91 %. Ajoutons les sites Internet illégaux, à la mesure des deux à trois mille inscriptions nouvelles par an de demandes d’interdiction (et dont le cabinet Lexsi estime les gains à 300 à 400 millions d’euros par an).

La face cachée et douloureuse, ce sont les détresses humaines et les naufrages consécutifs à l’excès de jeu. Le sénateur François Trucy insiste : « La dépendance au jeu n’est pas une vue de l’esprit ; elle doit être prise en compte pour ce qu’elle est : un trouble social important qui réclame d’être reconnu et traité. » L’association SOS joueurs, fondée en 1990 par Armelle Achour, et qui met à disposition des joueurs une ligne téléphonique d’écoute gratuite, une aide juridique, des séances de groupes, en reçoit des témoignages tous les jours : « 70% des personnes qui nous appellent sont des hommes, mais il y a de plus en plus de femmes », des personnes âgées, des jeunes, des smicards, des immigrés, toutes les catégories de la population sont touchées. Certains s’endettent au point de perdre leur logement. Les risques qu’on encourait jadis dans des lieux bien particuliers -les maisons de jeux, les casinos...- sont aujourd’hui à un grattage ou à un clic de chaque main.




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