jeudi 5 octobre 2006 - par

Le statut pénal du citoyen Chirac

 

La question du vote par les assemblées du projet de loi, entériné en 2003 en Conseil des ministres, concernant le statut pénal du président de la République est à nouveau soulevée. Le respect de l’engagement pris au début du second mandat de Jacques Chirac de faire voter la loi contraint les déclarations du porte-parole du gouvernement : même si le calendrier de l’Assemblée nationale et du Sénat est très chargé, du fait que B. Accoyer, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, a déclaré qu’il y avait « mieux à faire dans cette période que de réunir le Parlement en congrès sur ce genre de texte », et que J.-L. Debré a confirmé : « Le gouvernement a dit qu’il saisirait l’Assemblée nationale, je n’ai pas été saisi, eh bien !, j’attends », J.-F. Copé a annoncé, le 4 octobre, que le président tenait à ce que ce projet « soit maintenant examiné, et qu’il soit rapidement soumis à la commission des lois de l’Assemblée nationale ». Quel est le statut pénal du chef de l’Etat ?

Le Conseil constitutionnel distingue le statut du président dans l’exercice de ses fonctions et celui qui le concerne à échéance de son mandat. Tant qu’il exerce ses fonctions, « la responsabilité pénale du Chef de l’Etat [...] ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice et par un vote identique des deux assemblées, qu’il s’agisse des actes commis dans l’exercice des fonctions et qualifiables de haute trahison (génocides, crimes contre l’humanité, crimes de guerre) ou des actes détachables des fonctions commis pendant son mandat ou, s’ils ne sont pas prescrits, antérieurement à celui-ci. »

La priorité est de ne pas « prendre le risque d’une perturbation de la fonction présidentielle au travers d’un harcèlement médiatico-contentieux préjudiciable au bon fonctionnement des pouvoirs publics et, partant, à la vie de la Nation tout entière ». On parle donc de «  limitation provisoire du principe d’égalité devant la justice », au nom de l’intérêt supérieur de la nation.

En ce qui concerne les actes étrangers à l’exercice de ses fonctions, on parle d’un « privilège de juridiction ». Guy Carcassonne s’est interrogé avec humour sur la distinction entre les périodes d’exercice des fonctions et de non-exercice : « Si un président, en Conseil des ministres, rosse un chef du gouvernement ou, carrément, le trucide, sommes-nous dans l’exercice des fonctions ou non ? Et si, au lieu que la scène se déroule à l’Elysée, elle se situe au Fort de Brégançon, durant des vacances imprudemment prises ensemble, ou à l’occasion d’un dîner chez des amis communs ? En vérité, la frontière entre les actes accomplis dans l’exercice des fonctions et les autres est à peu près impossible à tracer. On n’est pas président de la République à éclipse... » Finalement en pratique la distinction ne se fait pas.

Le Conseil constitutionnel rappelle que « l’aménagement des poursuites pénales susceptibles d’être engagées contre lui - sont la règle générale dans les démocraties comparables à la nôtre ».

En revanche, à la fin de son mandat, quand la personne n’incarne plus la fonction de président, elle redevient un citoyen, et non seulement les poursuites de droit commun peuvent être reprises contre elle, mais encore les années d’exercice du mandat n’entrent pas dans le calcul du délai de prescription. « Il n’existe donc d’immunité ni de droit, ni de fait. »  Le régime juridique est alors plus sévère pour l’ex titulaire de la charge présidentielle que pour un citoyen ordinaire, puisqu’il peut être poursuivi et condamné pour des faits beaucoup plus anciens que ceux qui pourraient être reprochés à tout un chacun.

Le statut pénal du chef de l’Etat applique le principe selon lequel : « A travers la personne du président, c’est la fonction et elle seule que protège la Constitution. »

 




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