jeudi 19 février 2015 - par agathe goupil

Auxiliaire de vie scolaire

Voici une lettre que j'ai écrite l'année dernière et que j'essaie, je l'avoue, de diffuser le plus possible car elle fait écho à de nombreuses situations comme la mienne, moi qui suis auxiliaire de vie scolaire depuis plusieur années. J'avais envie de réagir à l'article sur ce métier qui résume la situation d'élèves handicapés et scolarisés et de leur accompagnants. Parce que nous ne sommes pas forcément que des mères de famille qui souhaitent un emploi à mi-temps ou de jeunes étudiants ou des personnes en décrochage social. Nous aimons notre "profession" et souhaitons la voir évoluer.

Lettre d’une AVS…Une quoi ?
J’éprouve un besoin, une obsession, mieux une obligation.
Témoigner.
Je suis auxiliaire de vie scolaire.
Ce que j’éprouve n’est pas de l’aigreur ou de la fatigue mais plutôt un sentiment d’impuissance et d’injustice.
Je suis une femme, j’ai 37ans, je vis en couple et j’ai deux enfants en bas âges.
Je possède une maîtrise d’arts plastiques. J’ai travaillé dans le domaine du social tout en étant bénévole dans une association d’arts plastiques et en ayant passé un certificat d’art thérapie.
Depuis 8 ans je travaille en tant qu’auxiliaire de vie scolaire.
Vous savez ces personnes sans qui les enfants handicapés ne pourraient ou auraient de grandes difficultés à être scolarisés.
Vous connaissez ? Ces personnes qui sont embauchées avec un baccalauréat minimum, qui tentent d’adapter la pédagogie des professeurs au handicap de l’enfant qu’ils accompagnent, qui assistent aux réunions pluridisciplinaires pour mettre en place un projet d’accueil de l’élève dans l’école.
Vous savez ces personnes qui s’informent, se documentent sur le handicap spécifique de l’enfant dont ils s’occupent.


Ces personnes qui aident l’enfant à la bonne mise en œuvre de son intégration sociale avec ses camarades, avec le personnel de l’école, celles qui font le lien entre les parents et l’école, celles qui dialoguent, qui écoutent, qui essaient de comprendre, d’expliquer.
Celles qui aident l’enfant à aller aux toilettes, qui le nettoient, qui le recoiffent, qui le rhabillent, qui l’accompagnent dans toutes les activités scolaires extérieures à l’école.
Celles qui proposent avec l’accord de l’enseignant des ateliers, des activités pour tous les enfants de l’école.
Ces personnes payées une misère auxquelles aucun CDI ou titularisation ne peuvent être promis.
Eh bien, ces personnes c’est moi et quelques milliers d’autres qui aiment leur travail, qui se sentent utiles et qui réfléchissent à leurs rôles professionnels dans leur établissement, qui s’adaptent aux différents enfants qu’ils suivent, qui sont surdiplômés par rapport à la fiche de poste qu’ils ont. Ce sont ces personnes qui depuis des années ont réfléchi et ont créé le métier d’auxiliaire de vie scolaire.

Après 6 ans de contrat d’un an, renouvelé tous les ans, je suis virée, non pas que je travaille mal, que j’ai commis une faute grave, non il s’agit de la fin de ce système de renouvellement qui mettrait l’éducation nationale en infraction si elle me proposait un autre contrat.
Deux ans de chômage où je vous passerai les détails pour trouver un emploi ou prétendre à une formation professionnelle. Puis un autre contrat, privé, en CAE-CUI. Qu’est-donc ?
Mon salaire est subventionné à 70% par pôle emploi pour permettre à un autre établissement de me recruter. Il s’agit à la base d’un contrat pour aider les plus démunis, les plus mal diplômés à être embauchés.
J’ai droit à ce contrat car cela fait 2 ans que je suis au chômage.
Quelle aubaine pour les principaux d’établissement qui peuvent embaucher à 20h, pas plus, au smic (675€ par mois) des personnes soit diplômées en psychologie, soit avec une expérience de plusieurs années dans le monde du handicap, soit ayant un master I, II etc.
Je ne les blâme pas, au contraire, eux aussi font ce qu’ils peuvent et reconnaissent nos compétences à leur juste valeur.
Ce contrat est valable 2 ans et ne peut être renouvelé.


J’ai fait une demande de validation des compétences pour obtenir le diplôme d’éducateur de jeunes enfants car je trouvais que les compétences requises et demandées étaient similaires à celles de l’auxiliaire de vie scolaire.
Première lettre, premier refus.
Je renvoie une lettre de recours expliquant exactement ce qu’étaient les fonctions d’un AVS (auxiliaire de vie scolaire). Deuxième refus : « en effet, les fonctions et activités ciblées pour établir le rapport direct précisant la dimension collective et non individuelle de l’accompagnement effectué par l’EJE. »
Ce que je fais pour un enfant, je ne peux le faire pour plusieurs avec une quotité d’heures de travail supplémentaire et un meilleur salaire !!!!????
D’autant plus que la VAE peut être acceptée partiellement et permet de valider les modules non recevables, par la suite, grâce à l’entrée en formation en IRTS (institut régional du travail social).

Voilà j’ai 37 ans, une famille, une expérience professionnelle qui n’est absolument pas reconnue, et quoi ? Il faut que je refasse 2 ans de chômage pour pouvoir être à nouveau rembauchée ? 675€ de chômage ça fait… Oups, à peu près 400€ par mois pendant 2 ans. Quelle aubaine ! (bis)
J’avais envie d’expliquer ma situation qui est semblable à beaucoup d’autre et encore, je peux prétendre avoir de la chance d’avoir un compagnon qui travaille.
Une collègue doit aller au resto du cœur pour nourrir sa fille. Elle rentre dans les statistiques des travailleurs pauvres surdiplômés. J’en deviendrais cynique si ce n’était pas à pleurer ! Comment être disponible et à l’écoute de tous ces enfants emprisonnés dans leur handicap lorsque l’on ne sait pas si son propre enfant mangera à la fin du mois ? Et pourtant, elle parle de son métier comme d’une passion.
Impuissance, injustice, dégoût, voilà mes sentiments, mes sensations face à l’immobilisme des pouvoirs publics. Ne me dites pas qu’ils ne savent pas, au vue des centaines de pétitions, manifs et autres revendications de notre part. Je crains que cette situation ne les arrange.
Non reconnaissance=emploi précaire=moins d’argent à dépenser devant la demande grandissante d’accompagnants scolaires=surtout ne rien faire ! Ben oui c’est la crise, y a pas d’argent ! Enfin soyons raisonnable.
Voilà, je ne sais pas ce que je ferai de cette lettre, à qui l’enverrai-je, qui la lira, peut-être vous, et peut-être entièrement… Ceci est une réponse à un besoin, une obsession, une obligation. Une colère aussi !



8 réactions


  • CHALOT CHALOT 19 février 2015 19:07

    BONJOUR

    C’est une très belle lettre qui pose bien les problèmes
    Etes vous d’accord pour que je mette cette lettre sur le blog de familles laïques de Vaux le Pénil
    http://www.familles-laiques-de-vaux-le-penil.fr/2015/02/non-a-l-indifference.html
    Je connais des Goupil en Mayenne....
    Cordialement
    JF Chalot


    • agathe goupil agathe goupil 20 février 2015 09:06

      @CHALOT

      Bonjour,
      Oui avec plaisir, je suis très heureuse que cette lettre vous ait touchée. Pourvu qu’elle soit diffusée le plus possible !
      Ça ne m’étonne pas que vous connaissiez des Goupil dans cette région, je pense qu’il y en a pas mal, mais il ne s’agit pas de ma famille ou alors peut-être très éloignée que je ne connais pas.
      Merci encore de votre intérêt.
      Cordialement.
      Agathe Goupil

  • Alren Alren 20 février 2015 12:21

    Ceci est une nouvelle preuve que ceux qui sont rémunérés par la puissance publique ne sont pas des privilégiés, loin de là !


    Je ne parle évidemment pas des hauts fonctionnaires, qui eux cumulent primes et avantages alors qu’ils n’en ont justement pas besoin pour vivre !

  • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 20 février 2015 12:53

    Les pouvoirs successifs ont trouvé le moyen de contourner la pauvreté des moyens mis à la disposition de l’EN en exploitant des auxiliaires divers du genre kleenex jetables...

    Pauvreté des moyens ? Plutôt : mauvaise utilisation des moyens existants. On paie des inspecteurs d’académie en surnombre à ne rien faire, des chargés de mission dont les rapports inutiles encombrent les tiroirs et je suis persuadé qu’il y a des économies à faire sur d’autres postes budgétaires.

    Et pendant ce temps-là on dorlote et on choie anciens députés, sénateurs, présidents de la République, etc. Mais pour payer ceux qui vont au charbon, y a pas d’sous !


  • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 23 février 2015 04:24

    Merci pour ce témoignage.

    Il serait souhaitable en effet qu’il soit le plus diffusé possible afin que les parents comprennent qu’il n’est pas dans l’intérêt de leurs enfants handicapés que les AVS soient maintenues dans le sous-prolétariat.

    Ma pratique de psychologue scolaire m’a progressivement amené à la conclusion que les seuls qui aient du pouvoir dans l’affaire ce sont les parents.

    Ce que je ne comprends pas, c’est que les associations de parents qui se battent pour la mise en place de la loi de 2005 sur le handicap et donc pour le meilleur accueil possible de leurs enfants handicapés n’arrivent pas à concevoir qu’il est tout bonnement catastrophique de voir des AVS compétentes, efficaces et impliquées être débarquées parce qu’elles ont atteint la limite de leur contrat.

    Elles sont remplacées au petit bonheur la chance par de nouvelles recrues qui, sans aucune formation initiale, peuvent offrir le meilleur comme le pire, d’autant que les enseignants ne sont absolument pas formés non plus pour les accueillir ou simplement comprendre quelle est exactement leur fonction.

    Bref, tout ça crée bien des dégâts auprès des élèves handicapés qui souffrent des maladresses (généralement bien intentionnées) d’une AESH débutante qui souffre de ce que l’enseignante qui souffre essaie de se décharger sur elle de ses responsabilités.
    Il est donc très regrettable en effet que le statut des AESH ne permette toujours pas d’en faire un vrai métier digne de ce nom et reconnu comme tel car cela me paraît la condition sine qua non d’un accueil digne de ce nom pour l’élève handicapé.


    • agathe goupil agathe goupil 23 février 2015 21:55

      @Luc-Laurent Salvador
      Bonjour, je suis tout à fait d’accord avec vous en ce qui concerne les parents d’élèves et les associations de parents d’élèves. Je n’ai jamais bien compris pourquoi il n’y avait pas plus de réactions de leur part en ce qui concerne la précarité des avs. Peut-être sont-ils déjà submergés par la paperasse demandée par la MDPH, le parcours du combattant pour obtenir au moins UNE avs pour leur enfant ou tout simplement pensent-ils qu’ils sont impuissants face à l’éducation nationale ou tout aussi bien s’en fichent-ils totalement. Certains nous prennent pour leur domestiques et pensent être nos employeurs, j’en ai rencontrés, d’autre sont fatalistes face à tous les problèmes qui leur tombent dessus. C’est tellement complexe de travailler avec des personnes dévastée, en colère, souffrantes ou dans le déni complet. Mais toujours est-il que s’ils veulent un accompagnement de qualité, eux aussi devront se lever et revendiquer des choses concrètes (contrat, formation professionnalisante, charte éthique...) pour nous, avs.
      Mais peut-être que certains le font déjà...


  • CHALOT CHALOT 23 février 2015 10:11

    non aux emplois jetables !
    texte à lire et à faire connaître

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