mercredi 5 février 2014 - par syracuse

Délais non raisonnables de la justice en France

En droit interne français, il n’existe pas de recours spécifique en matière de lenteur de la justice pénale. Les justiciables doivent agir sur le fondement de l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire qui dispose que « l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice ». Cette responsabilité peut être engagée pour une faute lourde ou pour un déni de justice. Les juridictions françaises reprennent les critères dégagés par la jurisprudence européenne pour le caractère raisonnable de la procédure : complexité de l’affaire, comportement du justiciable, comportement des autorités judiciaires.

 

Au plan européen, la condamnation par la Cour européenne se traduit par l'octroi au plaignant d'une satisfaction équitable sur le fondement de l’article 6.1 de la CEDH

 

En février 2006, à la suite de la nouvelle loi CENSI applicable en septembre 2013, M Waeselynck Philippe, maître contractuel de l’enseignement privé saisit le CPH de Narbonne pour obtenir le paiement de ses heures de délégation.

Après 1 renvoi, un premier jugement de départage a lieu en septembre 2006.

En février 2007, le juge départiteur du CPH de Narbonne donne raison à M Waeselynck, mais laisse le champ libre à ses adversaires sur contredit.

Le contredit de la cour d’appel de MONTPELLIER, en mai 2007, déboute M Waeselynck de sa demande et considère que l’ordre judiciaire n’est pas compétent.

Après un premier pourvoi en cassation, le 18 novembre 2008, la cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel de MONTPELLIER pour violation de la loi et renvoie l’affaire devant la cour d’appel de TOULOUSE.

La cour d’appel de TOULOUSE, en janvier 2010, déboute M Waeselynck de toutes ses demandes en s’opposant à la position de la cour de cassation.

M Waeselynck fait un 2° pourvoi qui casse le 18 mai 2011 à nouveau l’arrêt de la cour d’appel de TOULOUSE pour violation de la loi et précise que les heures de délégation sont à la charge de l’OGEC et que ces heures de délégation doivent être payées comme salaire par l’organisme de gestion.

La cour de cassation renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Bordeaux.

Entre temps, Le CPH de Perpignan sais par M Waeselynck transmet une demande d’avis à la cour de assation. Le conseiller rapporteur analyse parfaitement la problématique, mais paradoxalement, le premier président de la cour de cassation dit n’y avoir lieu à avis, car le pourvoi pendant va donner toutes les réponses.

Le rapporteur fait un rapport particulièrement clair, mais qui ne sera pas suivi par le premier président de la cour de cassation.

L’avocat général, fraichement nommé par Nicolas donnera un avis prouvant qu’il est aux ordres du Ministre et qu’il n’est pas un magistrat au sens de la CEDH, manquant manifestement d’indépendance.

 

Malheureusement, le pourvoi du 18 mai 2011 est loin de donner toutes les réponses, contrairement aux affirmations du premier président de la cour de cassation.

La cour d’appel de BORDEAUX saisie dans un premier temps d’une QPC (mars 2012) sur la constitutionnalité de la loi CENSI, refuse l’argument de M Waeselynck, puis juge au fond (juillet 2012)  et refuse de considérer que les heures de délégation en sus du temps de travail sont des heures supplémentaires. La cour d’appel de Bordeaux refuse de même le repos compensateur, les heures de délégation exceptionnelles et la discrimination, en répondant aux demandes du requérant à la place de l’organisme de gestion.

En mars 2013, la cour de cassation transmet au Conseil constitutionnel la QPC, mais le conseil constitutionnel en juin 2013 considère que la loi est constitutionnelle, mélangeant les salariés de droit privé de l’OGEC avec les agents publics, alors que le requérant avait mis en avant la différence entre les fonctionnaires et les agents publics enseignants.

Ensuite, le conseiller rapporteur, en juillet 2013, fournit un rapport, suivi de l’avis de l’avocat général en septembre 2013, qui demande la cassation sur 5 des 8 moyens soulevés par M Waeselynck.

L’avocat général change ainsi la position des avocats généraux précédents qui avaient toujours suivi la position de l’enseignement catholique et refusaient de considérer que les heures de délégation étaient des salaires.

L’affaire était prévue le 19 novembre 2013, mais le jour de l’audience, la cour décide un renvoi sine die.

L’affaire est renvoyée le 28 janvier 2013, et à nouveau, le jour de l’audience, au moment de l’ouverture, une décision de renvoi sine die est à nouveau prononcée.

Pour mémoire, on peut voir la procédure devant la cour de cassation de 2012 à 2014 ici.

 

Cela fait donc 8 années que je suis devant la justice pour obtenir gain de cause.

Certaines positions sont intenables à mon sens.

En quoi la complexité d’une affaire peut-elle continuer à se justifier, alors que la cour de cassation a un avis constant sur la question ?

Pourquoi la cour de cassation n’est-elle pas capable de prendre une décision, si la question juridique est difficile, comme cela est affirmé par l’avocat général et le rapporteur (assemblée plénière) ?

Pourquoi y a-t-il eu 2 décisions de renvoi sine die (le jour de l’audience), alors que le conseiller rapporteur et l’avocat général avaient fait leurs rapports et avis ?

Y aura-t-il encore de nouveaux renvois sine die ?

Combien en faudra-t-il pour que la cour de cassation prenne une position ?

Pourquoi la cour de cassation ne dit-elle pas clairement que la cour d’appel de BORDEAUX a refusé en juillet 2012 d’appliquer la jurisprudence constante et ferme de la cour de cassation ?

Y a-t-il divergence entre le président de la chambre sociale et le président de la cour de cassation ?

Dans le meilleur des cas, je n’aurai pas de décision définitive au sens légal avant 2 bonnes années. Cela fera au minimum 10 années pour obtenir une décision définitive !

N’y a-t-il pas là, un délai nettement déraisonnable au sens de la position de la CEDH ?



8 réactions


  • Nicolas_M bibou1324 5 février 2014 17:12

    Bienvenue en France ... et c’est encore plus honteux lorsque ça concerne des agressions et autres délits. Il y a 2 ans, je suis passé au tribunal. La personne devant moi avait porté plainte pour multiples agressions de la part d’un voisin, menaces sur ses enfants. Le tribunal a renvoyé le procès 6 mois plus tard, car l’accusé n’était pas là.


    Les juges se rendent-ils compte que, pour ce genre d’affaire, s’il n’y a pas de décision dans la journée, même si elle est revisitée ensuite, les conséquences peuvent être dramatiques ?

  • viva 5 février 2014 17:53

    Ces délais sont absurdes et peut être destiné à vous décourager vous et ceux qui seraient tenté par ce genre d’aventure.

    Peut être que vous n’avez pas non plus pris le meilleur chemin et le bon angle d’attaque. 



    • syracuse syracuse 5 février 2014 18:45

      La cour de cassation se réunira pour mon affaire pour la 3° fois le 1° avril 2014. Ce n’est pas une blague !

      Sinon, j’ai fait exactement ce qu’il convient de faire quand la cour de cassation casse un arrêt de cour d’appel pour violation de la loi.

      La cour de cassation me renvoie devant une nouvelle cour d’appel qui juge à nouveau (bien ou mal).

      Si je n’ai pas satisfaction en dépité des cassations, je retourne devant la cour de cassation, jusqu’à ce qu’ils fassent une assemblée plénière qui s’imposera alors aux juges de cours d’appel.


    • Aldous Aldous 6 février 2014 13:01

      Pourtant Valls fait ce qu’il peut pour améliorer les stats... 3h pour faire siéger le conseil d’état ! 


    • le naif le naif 6 février 2014 15:26

      @ Aldous 

      « Pourtant Valls fait ce qu’il peut pour améliorer les stats... 3h pour faire siéger le conseil d’état ! »

      Tu m’étonnes, justice TGV, d’aucuns comme Philippe Bilger et d’autres n’ont oser la qualifier d’expéditive, mais tout juste.... Techniquement, le jugement était déjà rendu avant que le Conseil d’État n’en soit saisi.... Ajouter à cela l’impossibilité matérielle pour l’Avocat de la défense de pouvoir représenter son client... Ça commence à faire beaucoup !!!

      In Finé entre procédures interminables et justice expéditive... mon cœur balance.

      N’y aurait-il pas un juste milieu ???

      Peu importe ce que chacun pense de Dieudonné, comme tout homme il a le droit à une justice équitable !!!!

      @ L’auteur

      Désolé de cette digression sous votre article, mais en fait, il me semble que l’objet de votre propos n’est plus vraiment en phase avec l’actualité... Des enjeux bien plus importants se jouent sous nos yeux : 

      Me Sanjay Mirabeau - Dieudonné - 3 fev 2014 @BFM TV

  • Daniel Roux Daniel Roux 5 février 2014 20:06

    Le fonctionnement des tribunaux français est un véritable scandale. Les citoyens y sont traités comme des sujets. Le cynisme est poussé à l’extrème lorsque les jugements prononcés commencent par :

    « AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS »

    Quelques remarques tirées de mes expériences traumatisantes :

    En général, le citoyen se présente pour la première fois devant un tribunal, il en ignore les us et coutumes qui font force de loi et la connivence parfois amicale et inévitable entre les juges et les professionnels du droit que sont les avocats.

    1 - La procédure orale est exigée devant les prud’hommes et les tribunaux d’instance. On se demande bien pourquoi. L’écrit permet à la fois d’expliquer clairement son cas, de citer les textes légaux et d’apporter les preuves. A l’inverse l’oral favorise les beaux parleurs et les menteurs, les avocats et les professionnels de l’entourloupe et défavorise les citoyens évidemment sans expérience, inévitablement émus et nerveux.

    2 - Un avocat pourra toujours demander des reports d’audience en série sans avoir à justifier quoique ce soit. C’est pratiquement systématique. C’est la coutume et elle a force de loi. Si vous contestez ce qui est manifestement un abus, on vous expliquera que vous n’avez que le droit de revenir la prochaine fois sans garantie aucune qu’il n’y aura pas de nouveau report. Par contre, si vous êtes absents sans autorisation, vous vous exposez à un jugement contre vous.

    3 - Les juges connaissent rarement les bonnes questions à poser. Leur manque de culture sur la société civile est impressionnante. Le citoyen qui n’est pas un habitué des prétoires essaie de faire comprendre et commet obligatoirement des impairs qui indisposent les juges dont la tête a inévitablement enflé au fil du temps, au fur et à mesure qu’il prenne conscience de leur pouvoir et de leur quasi impunité. Il n’est pas rare qu’ils usent d’une ironie facile qui amusera l’avocat et déstabilisera encore d’avantage le malheureux citoyen.

    3- Aller en justice revient souvent à jeter une pièce en l’air. Selon que vous plaidiez à Bordeaux ou à Paris ou à Mont-de-Marsan, le résultat ne sera pas le même comme si la justice était une loterie. On se demande parfois si le juge a seulement lu ou compris les pièces du dossier.

    4 - Le juge met ses a priori et notamment ceux de classe, au-dessus de la loi qu’il applique selon son bon vouloir, au justiciable la charge de faire appel et d’engager des frais supplémentaires pour essayer d’obtenir justice. Vous ne serez pas jugé de la même façon si vous êtes un boucher (ou un ouvrier), un huissier (ou un avocat) ou un politique (un notable). Le premier devra s’expliquer, argumenter et prouver solidement, le second, considéré comme au-dessus de tout soupçon n’aura rien à justifier et le contredire sera considéré comme un manque de respect, une incongruité quant au troisième, il n’a même pas besoin de se déplacer, quoiqu’il est fait, il aura droit à la mansuétude du juge et au sursis.

    On a l’impression d’un grand n’importe quoi et d’être toujours sous l’ancien régime. Une réforme profonde de la justice est indispensable mais personne ne l’évoque. A quand la sanction du juge en cas d’abus évident ?


  • claude-michel claude-michel 6 février 2014 08:07

    heu...depuis quand y a t il une justice pour le peuple en France...elle n’existe que pour les puissants qui reçoivent de sa part le non lieu obligatoire... !


  • zygzornifle zygzornifle 9 février 2014 16:40

    il n’y a que dans les cas d’infraction au code de la route que la justice est rapide....


Réagir