mercredi 11 octobre 2006 - par Michel Monette

Détournement du vote électronique : l’Europe aussi vulnérable que les États-Unis ?

Les mauvaises nouvelles sur le vote électronique proviennent plutôt des États-Unis. Cette fois-ci cependant, c’est un rapport accablant pour les machines hollandaises Nedap ES3B qui vient de sortir. Ce modèle est utilisé pour plus de 90% du vote électronique au Pays-Bas. Les mêmes machines servent à voter en France et en Allemagne.

Tout comme la machine Diebold piratée par le professeur Ed Felton et ses assistants de l’Université de Princeton, toute personne ayant brièvement accès à l’intérieur de la machine ES3B peut y introduire du code informatique indétectable, et ainsi modifier secrètement le vote. La facilité d’accès aux composantes clés de la machine est déconcertante.

Puisqu’il n’y a aucun moyen de contre-vérifier les résultats (enregistrement direct du vote dans la mémoire de la machine, sans preuve papier), le doute s’installe désormais sur les résultats électoraux là où ce modèle de machine à voter est déployé.

Mais ce n’est pas tout. Les auteurs du rapport révèlent l’existence d’une brèche dans le secret de l’isoloir : ils ont pu savoir à distance, grâce aux émanations radio de la machine, pour qui votait l’électeur.

N’importe quel expert en sécurité militaire vous dira que tout ordinateur émet des ondes qui peuvent être captées à distance. Grâce à un spectromètre, les auteurs du rapport ont réussi à déterminer à qui était attribué le vote. Des précautions minimales auraient pourtant pu être prises par Nedap pour empêcher cela.

Trois machines ont été obtenues de deux municipalités hollandaises par les auteurs du rapport dans le but de tester leur vulnérabilité. L’une des machines avait été empruntée. Elle va de nouveau servir lors d’une prochaine élection municipale. Les deux autres sont hors d’état de nuire. Elles appartiennent désormais aux auteurs du rapport.

Ceux-ci ont démontré une fois de plus qu’en refusant de mettre leurs machines à voter à l’épreuve, les entreprises se rendent vulnérables.

Le talon d’Achille du vote électronique est le secret commercial et la volonté des entreprises qui développent des machines à voter de s’en remettre à un principe obsolète en matière de sécurité : la sécurité par l’obscurité. Le refus de divulguer le code source repose sur ce principe, alors même que les vulnérabilités qu’ils tentent de maintenir secrètes sont de plus en plus découvertes et exploitées.

De nombreux spécialistes de l’informatique, experts en sécurité et simples citoyens, réclament la fin du secret sur le code source des machines à voter électronique, ainsi que l’ajout d’une preuve de chaque vote sur format papier qui pourrait servir en cas de contestation des résultats.

Robert McMillan, ComputerWorld, Flaws found in European machines.

Nedap/Groenendaal ES3B voting computer a security analysis (pdf)

Ed Felton (Freedom to Tinker), Dutch E-Voting System Has Problems Similar to Diebold’s.



26 réactions


  • martin (---.---.63.48) 11 octobre 2006 13:39

    Quelqu’un sait pour quelles élections sont utilisées ces machines en France ? J’en avais jamais entendu parler chez nous... Suis-je mauvais ? :p


    • (---.---.15.130) 11 octobre 2006 13:45

      Dans certains bureaux de votes (notamment au Havre y me semble), en guise de test (parallèlement au vote papier)


    • Pierre Muller Pierre Muller 11 octobre 2006 14:47

      Elles sont autorisées pour toutes les élections. Autour d’un millier d’exemplaires ont été vendues en France, soit un petit million d’électeurs concernés. Grandes villes équipées : Brest, Le Havre et Le Mans (toutes les villes).

      Et parce qu’une photo vaut parfois mieux qu’un long discours...

      Pierre Muller,
      webmestre de www.recul-democratique.org
      Citoyens et informaticiens pour un vote vérifié par l’électeur


    • candidat007 (---.---.122.128) 11 octobre 2006 22:19

      Bravo pour votre combat. J’ai également signé une pétition à Brest contre l’utilisation de ces machines. A brest une nouvelle subvention vient d’être accordée pour compléter le parc de machines pour tous les bureaux de vote.

      Je mets un lien vers votre site sur mon blog, et ne manquerai pas de noter relayer vos interventions.


  • Turtle (---.---.182.72) 11 octobre 2006 14:08

    il est totalement inconscient et anticonstitutionnel de rendre impossible la vérification d’un vote par l’utilisation de l’informatique. ce type d’outil n’est maitrisé que par une infime partie d’une population ultra spécialisée,donc on bafoue les principes de base du vote !
    - Qui sera capable de s’assurer de l’intégrité des machines ?
    - Qui sera capable de vérifier les décomptes ?
    - Qui sera capable d’assurer l’intégrité des programmes ?
    - Qui sera capable d’assurer l’anonymat et le secret de l’isoloir ?
    - Qui sera capable d’assurer la « Non constitution automatique de fichiers » ? actuellement,on sait qu’il est impossible d’assurer le secret en informatique,on sait que les codes ne sont jamais inviolables. Ces types de votes doivent absolument être interdits et ce, quelle que soit la portée de la consultation.


    • victor (---.---.0.253) 2 novembre 2006 14:38

      C’est effectivement d’une totale absurdité dans un pays comme la France où les élections sont bien encadrées, et considérées encore par tradition comme un rendez-vous citoyen, mobilisant dans cet esprit les élus comme les bénévoles. Je crois pour ma part que c’est, non pas un hymne au progrès (confusion progrès/technique qui a été bien comprise par les économistes, et qui devrait être vite assimilée par le politique) mais bien un retour en arrière civique. Celà me fait penser à un excellent papier paru dans le journal Le Monde sur la multiplication des ronds-points inutiles en France. Inutiles, mais jugés modernes. C’est une autre histoire, mais ça illustre l’état d’esprit de certains de nos élus.

      Allez j’en cite un extrait qui m’a ravi :

      « Paris échappe encore aux ronds-points. Pour combien de temps ? Nombre d’accros aux ronds-points tentent bien de transformer la place de l’Etoile en îlot directionnel : ils s’arrêtent craintivement et bloquent tout, alors qu’elle n’a de sens que si tout un chacun, piétons compris, l’aborde de façon fluide, collective, heureuse, politique. Voir sur ce point précis le court-métrage de Rohmer dans Paris vu par (1967). On ne sait pas ce qui se trame du côté de la place Léon-Blum (11e arrondissement), mais les travaux ont tout l’air de concocter sournoisement le premier rond-point de la capitale. Avec la statue de Léon Blum, une des plus comiques de l’art récent, la fête sera complète. Et Paris définitivement ravalée. »

      f.Marmande


  • jako (---.---.21.70) 11 octobre 2006 14:35

    bonjour, c’est ce qui s’est passé le 8 octobre à Wavres en Belgique ou 8000 voix ont disparues


    • Pierre Muller Pierre Muller 11 octobre 2006 14:51

      8000 tout rond ? Parce que si c’est 8192, c’est encore un rayon cosmique qui a frappé, comme à Schaerbeek en 2003. Non, ce n’est pas de la science-fiction, c’est qu’on n’a jamais trouvé d’autre explication.

      Pierre Muller,
      webmestre de www.recul-democratique.org


    • jako (---.---.21.70) 11 octobre 2006 16:09

      c’est effectivement un peu plus que 8000


    • Pierre Muller Pierre Muller 14 octobre 2006 00:08

      @Jako : Le problème de Wavre que vous citez n’a pas fait surface ailleurs. Pourriez-vous contacter l’association PourEva avec des détails ?

      Pierre Muller, webmestre de recul-democratique.org


    • David GLAUDE (---.---.247.36) 14 octobre 2006 08:16

      Bonjour,

      Si vous parlez des élections communales du 8 octobre 2006, aucune information sur quelques événements que ce soit à Wavres !

      Mais si il y a quoi que ce soit de contestable, il y a 10 jours après la signature des PVs pour faire opposition au résultat. Seul un candidat peut le faire, pas un citoyen.

      Par contre PourEVA a été contacté pour des problèmes à Liège ainsi que des allégations de problèmes à Anvers et dans un petit village.

      Si la presse n’est pas informée et qu’il n’y a aucun recours... alors il ne se sera rien passé.

      David GLAUDE


  • allonsenfants (---.---.4.88) 11 octobre 2006 16:05

    @ tous les démocrates :ça fait longtemps que je me pose des questions sur le vote électronique,ou comment,en cas de difficulté pour certains partis,truquer les élections.On y est (la petite grenouille...)Mobilisons nous pour bloquer la démarche et refuser les computers:ceux-ci n’ont aucun intéret:la soirée électorale,le dépouillement manuel des bulletins de vote,font partie de notre vie démocratique:nul besoin de gagner une heure pour obtenir des résultats(qui risquent d’être truqués,j’insiste).Le rite du dépouillement public a aussi l’immense intérêt de préparer certains à la défaite et d’autres à la victoire.Ne nous laissons pas faire !


  • Oracle (---.---.64.135) 11 octobre 2006 16:18

    Devinez comment Sarko réussira à être élu ?

    Comme aux us,au mexique,en italie ......


  • JP (---.---.24.44) 11 octobre 2006 21:36

    Le problème est que ces machines nous seront imposées par des lois votées par nos représentants... donc choix démocratiques !

    Une fois de plus, on va décider pour nous de ce qui est bien. Il faudrait vraiment un mouvement citoyen de rejet organisé en groupe de pression pour essayer d’enrayer l’arrivée de ces boites noires.


    • Pierre Muller Pierre Muller 11 octobre 2006 22:13

      Là, ça devient plutôt bizarre : une loi a effectivement été votée par le Parlement... en 1969. A l’époque, les machines n’avaient rien d’informatique. Utilisées en Corse et dans la ceinture rouge, ces machines ont été abandonnées dans les années 80.

      Concernant les ordinateurs actuels, des adaptations ont été faites en 2003, mais uniquement par décrêt.

      Pour ce qui est du « mouvement citoyen de rejet », il faut nous aider à le créer...

      Pierre Muller,
      webmestre de www.recul-democratique.org
      Citoyens et informaticiens pour un vote vérifié par l’électeur


    • Pierre Muller Pierre Muller 11 octobre 2006 23:18

      Une video de l’espionnage des votes par réception des ondes radio. Ca fonctionnerait jusqu’à 25 mètres de distance.


    • Michel Monette 11 octobre 2006 23:57

      Le lien ne fonctionne pas.

      MM


  • Madk (---.---.219.15) 12 octobre 2006 10:56

  • nico (---.---.225.13) 12 octobre 2006 12:42

    La version papier est la seule solution pour assurer l’intégrité du vote électronique l’investissement va vraiment valoir le coup... lol...


  • parkway (---.---.18.161) 12 octobre 2006 13:35

    brefle, pas besoin de tergiverser pendant 15 jours, tous les députés qui votent pour les machines électroniques sont des salopards à mettre hors d’état de nuire !

    coup de pieds aux culs en 2007 !


    • Pierre Muller Pierre Muller 12 octobre 2006 18:00

      Comme je le disais précédemment, ça a été voté en 1969... alors pour trouver vos députés, il va falloir chercher du côté des cimetières et des maisons de retraites.

      Pour les coups de pieds au cul, attendez une année de plus que les véritables décideurs - les maires - se présentent à la réélection.


  • Zam (---.---.79.247) 12 octobre 2006 17:26

    De toutes façon le problème n’est pas compliqué : le vote manuel et le dépouillement public, et lui seul peut assurer la fiabilité des résultats et la perennité de l’ambiance républicaine. Tous les phantasmes sur les machines à voter sont à blancer au caniveau, point !


  • Pierre Muller Pierre Muller 14 octobre 2006 00:20

    @Jako : Le problème de Wavre que vous citez n’a pas fait surface ailleurs. Pourriez-vous contacter l’association PourEva avec des détails ?

    Par contre, d’autres problèmes sont arrivés à Liège et sans doute à Anvers. Ainsi qu’une bizarrerie dans la publication des résultats. Ce qui me rappelle le Québec smiley

    La Belgique néerlandophone a beaucoup parlé du « détournement » hollandais (qui s’est produit juste avant leurs élections). La question qui venait naturellement à l’esprit était « et sur les machines belges, ce serait possible ? ». La réponse est que c’est même plus facile, juste des disquettes à bidouiller, même pas de machine à ouvrir. Peut-être pas aussi viral que les Diebold quand même...

    Un ministre est donc venu à la télé énoncer avec le plus bel aplomb, que non voyons, c’est absolument impossible, ces machines sont 100% sûres, d’ailleurs la société qui les a vérifiées l’affirme...

    Pierre Muller,
    webmestre de www.recul-democratique.org
    Citoyens et informaticiens pour un vote vérifié par l’électeur


    • Pierre Muller Pierre Muller 14 octobre 2006 00:24

      Encore une bizarrerie dans les URL : un espace s’ajoute, il faut enlever le « %20 » de l’adresse.


    • Michel Monette 14 octobre 2006 00:31

      Charles Kuffner (Kuff’s World) a mis en ligne une entrevue audio d’un expert reconnu sur les machines à voter électronique, Dan Wallach. Kuffner appelle ses lecteurs à réagir sur son blogue.

      Pour Wallach, la meilleure garantie contre l’erreur ou la fraude est la redondance. En résumé : jamais de vote électronique sans vote papier parallèle. J’espère que le personnel du Directeur général des élections du Québec, dont nous attendons d’ici peu un rapport sur le fiasco des élections municipales de 2005, aura écouté l’entrevue.

      Fichier MP3 de l’entrevue (en anglais).


  • douceur (---.---.37.123) 16 octobre 2006 18:26

    Je pense que même en Belgique elles sont manipulées ...

    C’est plus facile de faire ce que l’on veut des votes loes de votes électroniques..

    Ne devenons pas parano cela reste a mon avis a petite échelle mais cela devra être pris en compte pour des efforts accru de décurités.


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