mardi 10 avril 2018 - par C’est Nabum

L’enthousiasme du miasme

Porte-parole creuse.

Une fois encore, sans le vouloir vraiment, à mon corps défendant presque, j’écoute l’interview d’un pur produit de la République en Marche. Le même débit sirupeux de ceux qui ont été formés à l’école de la réclame, les mêmes adverbes qui surgissent à chaque phrase pour enfoncer le clou, attester de la considérable nouveauté de la pensée au pouvoir, tout en accréditant une supposée bonne foi, soulignée grossièrement à chaque tirade. On devrait s’extasier, apprécier la rupture avec les propos lénifiants des adeptes de la langue de bois et pourtant, curieusement, si l’enveloppe a changé, l’impression que fondamentalement, c’est la même soupe indigeste, qui s’impose à nous.

La voix est jeune, certes et c’est là sa seule qualité selon la grille de lecture du parti qui ne recule devant rien. Le freluquet qui ratiocine ainsi récite son catéchisme selon sainte Brigitte avec une ferveur qui ferait fondre les cloches en chocolat. Il parvient à jouer du trémolo dans la voix pour affirmer des horreurs, déclasser définitivement tous ceux qui ne perçoivent pas encore l’immense dessein du très Grand Président.

Nous pensions avoir subi une transformation de la classe politique, nous héritons en fait d’une secte à la dévotion de son Dieu vivant, celui qui marche sur les flots de mécontentement avec une morgue et un mépris sidérant. Avec la grève des trains nous pouvons même affirmer que le Royaume d’essieux lui est réservé, le pays tout entier va connaître les joies du grand embouteillage.

L’autre porte-parole de répéter inlassablement que nous allons voir, finir par comprendre combien son Patron nous veut du bien en dépit des médisances et des incompréhensions, des confusions et des raccourcis idéologiques. Il nous aime tous, il veut notre bonheur et n’hésitera pas à le faire contre notre volonté. Nous ouvrirons les yeux, car il ne peut en être autrement ; il est des évidences qui finissent toujours par s’imposer !

Le blanc blanc en sait quelque chose, lui qui a déjà été à plusieurs reprises frappé par les évidences. Il a commencé sa jeune carrière de parasite politique du côté de la succursale des menteurs précédents. Il a changé de couloir quand le vent a tourné, tournant une veste qui lui fait fonction de girouette avec élégance comme bon nombre de ses collègues. Il est passé d’un cabinet ministériel à une fonction élective, d’une indemnité à une autre en ayant découvert la vie réelle lors de quelques travaux d’étudiants. De quoi affirmer sans honte qu’il sait ce qu’est le monde du travail.

Le porte parole délivre la bonne parole. C’est sa fonction à moins que ce ne soit son sacerdoce. Nous ne sommes pas loin de la religion d’état avec de tels déverseurs de billevesées à moins que pour la Pâques, il est pour mission de nous régaler de coquecigrues macronniennes. Bientôt le Panda en chocolat remplacera la Poule et les œufs que les retraités, les cheminots, les fonctionnaires, les salariés ne pourront mettre dans le même panier.

Rassurez-vous, la baisse de la taxe d’habitation se profile à l’horizon, le beau parleur l’affirme et il convient de le croire. Les étudiants se fourvoient dans leur mécontentement, il décrète qu’une partie de la jeunesse se trompe de cible. Il est vrai que lui a fait le bon choix, tirer sur les vieux est plus facile, ils ont tendance à beaucoup moins bouger.

Plus je l’écoute et plus j’ai envie de lui botter les fesses. Son discours est creux, méchant, sans arguments véritables. Il déblatère un verbiage appris dans les écoles de la parole anesthésiante. Il ronronne, il récite, il sert la soupe sans même le plus petit talent d’orateur. Quand la parole est si mal portée, c’est qu’elle ne doit pas être bien porteuse de sens. Elle flotte, se glisse insidieuse dans des consciences que l’on veut endormir.

Le freluquet continue. Pas une inflexion de la voix, dans un seul accent de sincérité. Il fait son boulot, rien que son boulot sans même honorer la langue dans laquelle il s’exprime si mal. Sommes nous tombés si bas pour mériter une nouvelle classe politique, qui arrive sur les podiums, la morve au nez et le verbe en capilotade ? La décadence est en Marche !

Déblatérement sien.



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