samedi 18 janvier 2020 - par Christian Portal

La clause de subsidiarité européenne, un frein à l’évolution des consciences

Proposition pour supprimer la clause de subsidiarité européenne sur la santé.

Qu’est ce que cette clause ? Alors que les règles européennes visent à harmoniser les politiques des différents pays, l’Europe prévoit de laisser les États libres de leur politique sur certains domaines comme la santé, l’éducation ou la défense. On observe un raidissement autour de cette question de l’harmonisation des politiques. En effet, l’Europe semble vouloir tout règlementer jusque dans le plus intime de nos actions, ce qui a pour effet d’indisposer tous les acteurs économiques, notamment les plus fragiles, et de créer de plus en plus de défiance à l’égard des institutions européennes. Cela conduit à tous les mouvements populistes qui prennent de plus en plus d’ampleur et jusqu’aux démarches de sécession comme en témoigne le « brexit ». On comprend très bien que les populations européennes confrontées à une gouvernance verticale dans leurs pays ne veulent absolument pas de cette même forme d’imposition par une institution sur laquelle ils n’ont aucune maîtrise. L’harmonisation est nécessaire ; on le constate en termes de droits du travail, de protections des populations face aux pollutions ou de fiscalité. Pourtant, dans certains États, là où la subsidiarité crée des libertés nouvelles, il en est d’autres où celle-ci est liberticide. J’imagine que c’est difficile mais on devrait pouvoir envisager une gouvernance fondée sur le respect des libertés et sur le bonheur des habitants. Tout ça fleure bon l’utopie et l’idéalisme mais on peut regarder le royaume du Bhoutan qui a inventé le concept de « Bonheur national brut ».

Pour revenir sur la question de la clause de subsidiarité concernant la santé, on pourrait envisager, non pas de définir une politique applicable à tous les États, mais des recommandations visant à libéraliser les pratiques, à l’égal de certains pays comme l’Allemagne qui est en pointe sur les alternatives médicales ou l’Espagne, l’Italie ou le Royaume Uni qui accordent certaines libertés même si ce ne sont les mêmes pour chacun de ces pays. La France, extrêmement raide sur ces questions, se revendique comme le meilleur système de sante du monde, pourtant notre pays est couvert de déserts médicaux et ses hôpitaux craquent de tous côtés. On pourra se reporter aux différents livres[1] que j’ai écrits et qui détaillent une situation beaucoup moins brillante qu’on veut nous le faire croire. Il existe depuis 1997, la résolution A4-0075/97 [2] adoptée par le parlement européen qui fixe des orientations et des recommandations aux États. Bien sûr, la France, comme d’autres pays, n’en tient aucun compte au nom du droit fondé sur la clause de subsidiarité. La suppression de cette clause, notamment en matière de santé et d’éducation, à condition de la remplacer par des systèmes qui favorisent la liberté et l’épanouissement de chacun, génèrerait une formidable avancée. Cela constituerait un chantier important et difficile mais j’ai la conviction que c’est à ce prix que l’on pourra espérer des progrès sur toutes les questions de sauvegarde de la vie sur Terre.

C’est ainsi que ma démarche en faveur d’une liberté thérapeutique s’est appuyée sur une volonté de comprendre la santé comme un problème systémique de nature écologique. Dans ce domaine de l’écologie, il subsiste trop de malentendus et d’incohérences. En effet, de nombreuses personnalités et associations ont pris position pour la protection de l’environnement mais il ne s’agit que de protéger notre espace de vie : la nature étant prise finalement comme une ressource à préserver pour continuer de contribuer à notre confort ou à nos moyens d’existence. Puisque ce sont les humains qui parlent et qui réfléchissent, ils estiment que leur existence est importante et même fondamentale. C’est cette attitude qui crée le concept d’environnement mais aucun être vivant ne se pose cette question puisque chacun est au cœur d’un système dont il ne peut s’exclure.

Ce point étant posé, on constate que les principaux acteurs de cette pensée, même quand ils s’intéressent à la vie et notamment à l’effondrement spectaculaire de toutes les formes de vie sur Terre, ne regardent que vers l’extérieur. La biodiversité n’est que celle qui se voit en dehors de nous. Si je ne disconviens pas que cette diversité est essentielle, il en est une autre tout aussi fondamentale qui celle de l’interne. La population des microbes et notamment celle que nous hébergeons est également primordiale. Quand on parle de biomasse, on évoque des chiffres faramineux qui indiquent l’énorme prédominance de l’invisible sur le visible. Dans notre corps, il existe ce même rapport. Chez un humain, le nombre de cellules non humaines est dix fois plus important que le nombre de cellules humaines. Cette proportion est tout à fait vertigineuse pourtant, elle ne donne pas lieu à la moindre mobilisation, ni du public, ni des scientifiques, ni des associations de protection de l’environnement.

Actuellement, en face de la menace climatique qui semble faire consensus dans la communauté scientifique et médiatique européenne il existe le courant plus récent de la collapsologie. Cette théorie met en évidence l’effondrement de toutes les formes de vie sur Terre qui devrait aboutir à la destruction de l’humanité. On ne sait évidemment pas encore si c’est l’évolution du climat qui est responsable de cet effondrement ou s’il ne fait qu’y participer. Le monde judéo-chrétien a bâti un mode de pensée fondée sur la prédominance d’un Homme conçu comme le chef d’œuvre de son créateur et sur son emprise sur la nature. Cette séparation aboutit à une prédation généralisée sur tout ce qui peut constituer une ressource pour augmenter les profits. On constate que cela autorise quelques élus à exploiter également leurs contemporains pour les affaiblir afin de leur prendre encore davantage.

Malgré ce contexte politique et social, une proportion non négligeable de la population commence à prendre conscience que les pollutions diverses et variées sont préjudiciables à leur santé. Les actions en faveur de l’agriculture biologique, qu’elles viennent des agriculteurs de plus en plus nombreux à se convertir ou des consommateurs de plus en plus soucieux de leur alimentation, indiquent cette tendance lourde. Pourtant, on constate, dans le même temps, que les politiques sont toujours aussi frileux dans leur décisions et que, finalement, la situation n’évolue que très lentement et, très souvent, moins vite que les dégradations.

Tous les constats portés par les scientifiques ou les associations de défense de l’environnement sont justes mais une fois que cela est dit, il manque les leviers sur lesquels agir. Le monde médiatique et scientifique s'excite sur le problème du réchauffement climatique alors que c'est certainement l'effondrement de la vie qui est le problème le plus urgent. Le fait de décrire un problème systémique laisse supposer une action révolutionnaire à l'égard de la technocratie capitaliste mais on sait, par expérience, que les révolutions ne changent pas souvent l'essentiel et, qu'en outre, elles meurtrissent douloureusement les populations. S'il s'agit bien d'une situation systémique où tous les désordres se cumulent, alors, il s'offre une opportunité qui celle de trouver le levier susceptible de déséquilibrer le système.

C’est en réfléchissant aux questions de santé depuis plus de trente ans, que j’ai acquis la conviction que les résistances viennent essentiellement de la médecine occidentale et d’un mode de pensée qu’elle a contribué à enraciner. Ce mode de pensée repose essentiellement sur la négation de cette biodiversité interne et l’usage massif de médicaments chimiques.

1- Dans le domaine de la santé, la biodiversité interne est un aspect essentiel. Il y a le même besoin de diversité dans toute la nature que dans chacun de nos corps, pourtant, en médecine moderne, tout concourt à la détruire : les vaccins, les antibiotiques (qui portent si bien leur nom), les désinfectants, etc.. Là encore, la pensée médicale occidentale considère les microbes responsables des infections comme nuisibles et indésirables et se comporte à leur égard comme les exploitants agricoles envers les obstacles aux cultures (intensives le plus souvent). Vouloir tuer tous les microbes ou, à tout le moins, vouloir éliminer les maladies infectieuses est un non-sens d'un point de vue systémique. Ces maladies sont d'ailleurs parmi les événements qui nous ont fait évoluer pour devenir ce que nous sommes. Que deviendra l'humanité privée de ces éléments responsables d'une coévolution ?

2- La chimie du pétrole est, notamment, responsable de trois produits très largement utilisés ; les plastiques, les pesticides et les médicaments. Ces trois produits sont fabriqués au sein de la même marmite et ont souvent des destins communs. Par exemple, le bisphénolA, avant d'être un remarquable plastifiant, a d'abord été utilisé comme contraceptif. C'est parce qu'il était de médiocre efficacité et posait des problèmes d'effets indésirables qu'on s'est intéressé à une autre destination. Si les usagers des pays occidentaux ont commencé à prendre conscience du problème des plastiques et des pesticides, cela reste très marginal en ce qui concerne les médicaments chimiques qui semblent, dans l'esprit de nombreuses personnes, une nécessité absolue. Dans ce domaine, on est confronté à un aveuglement du public et à une corruption des gouvernements instrumentalisés par les "experts". Cela conduit certains pays européens comme la France ou la Belgique, entre autres, à profiter de cette clause de subsidiarité décrite au début de cet article.

En terme d'action, il me semble évident qu'on ne peut pas décréter de changements majeurs dans ce domaine. Des médecins formé depuis des décennies, des patients croyant à la toute puissance de cette médecine, la force de frappe des laboratoires pharmaceutiques et les problèmes d'emploi qui tétanisent tout réformateur, tout concourt à ne surtout rien changer et même à renforcer les mesures coercitives à l'égard de ceux qui recherchent des alternatives médicales. C’est pourquoi je suggère qu'on supprime cette clause de subsidiarité et que l'on permette d'appliquer, dans chaque état les mesures de libertés thérapeutiques qui existent dans les pays les plus avancés sur ce sujet.

Une telle mesure aurait également pour effet d'améliorer les offres alternatives de santé et pourrait accentuer les actions des populations comme on a déjà pu le constater pour l'agriculture biologique et pour la défiance de plus en plus grande des riverains de champs traités aux pesticides.

Il existe une association[3], « Parlement et citoyens » qui organise des consultations en lien avec des parlementaires du Sénat ou de l’Assemblé Nationale et en vue de participer à l’élaboration des lois. Actuellement est ouverte une consultation sur le thème « Inspirer l’Europe" [4]. En cette époque de volonté citoyenne de participer la vie de la cité, c’est une occasion à ne pas manquer. N’hésitez pas à vous inscrire !

Pour retrouver ma proposition c'est ici !

 

[1] « Pour une médecine écologique » chez Alphée Jean Paul Bertrand en 2009

« Se soigner sans s’empoisonner » chez Eli&Mado en 2009

« L’occident malade de sa médecine » et « Une autre médecine » chez Libre&Solidaire en 2018



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