La sécurité, entre démagogie et pratique
L’insécurité est une injustice que des personnes font subir à d’autres. Là où elle est une réalité quotidienne, ceux qui la combattent ont besoin d’être soutenus à tout niveau. Il faut valoriser et faire connaître les propositions que ces acteurs dans la vie quotidienne ont à formuler, les solutions qu’ils ont expérimentées. Il est grand temps que ceux qui affrontent quotidiennement l’insécurité interviennent dans cette lutte pour une tranquillité publique, un bien-être de chacun dans les collectivités locales, départementales et nationale.
Mieux que quiconque, les habitants des cités, au sens noble du terme, savent que la misère économique et sociale est la principale cause de la violence et de la délinquance, même si plus personne n’ose le dire. Ils savent également que le manque de moyens et de formation rend certains agents de police cruellement inefficaces. Ils sont les premiers à reconnaître aux parents un rôle vital dans l’apprentissage des devoirs et des obligations sur lesquels repose toute éducation.
Mais, ceux qui vivent l’insécurité savent aussi que pour éradiquer ce fléau, il faudra davantage qu’une surenchère de centres fermés pour délinquants mineurs, de brigades de police anti-banlieue et de sanctions pénales à l’encontre des parents défaillants.
Outre leur caractère démagogique, ce qui choque dans ces mesures ce n’est pas leur sévérité, mais leur impuissance évidente à réduire immédiatement et sensiblement l’insécurité dans la vie quotidienne.
Or, des solutions existent à condition que les principaux intéressés de part et d’autre soient étroitement associés à leur élaboration et à leur mise en œuvre.
Faire des citoyens « les responsables » de la sécurité.
Lorsque dans la cité des personnes se réunissent dans les halls d’immeubles, fument des pétards, rigolent et font du bruit, à la longue, tous les habitants sont exaspérés. Lorsque d’autres réveillent une rue entière avec leurs mobylettes ou pire, brûlent des poubelles voire des voitures, les gens appellent la police qui ne vient pas ou qui en venant déclenche des incidents plus graves encore. Voilà la réalité.
Alors, comment la changer, comment apporter une réponse immédiate à tous ceux qui vivent cette situation ? Bien sûr, lorsqu’un délit est commis, l’intervention de la police et de la justice est indispensable, mais ces institutions ne sont pas en mesure, à elles seules, de réduire l’intensité de la violence. Or, nous sommes dans l’urgence. L’idée est donc de confier une responsabilité à tous ceux qui du fait de leur expérience ou de leur statut dans la cité, peuvent intervenir immédiatement sur toutes les formes de violences et d’incivilités : leur autorité et leur crédibilité peuvent produire des effets considérables sur le comportement des délinquants. Respectés par les uns et par les autres, ils sont un recours permanent et accessible pour tous ceux qui souffrent de l’insécurité.
Si dans chaque cité, des filles et des garçons identifiés se voient confier cette responsabilité, les résultats ne se feront pas attendre. On pourrait ainsi créer un numéro vert servant de relais entre eux et les habitants à chaque fois qu’un incident éclate.
Redonner aux parents la crédibilité indispensable pour qu’ils puissent éduquer et encadrer leurs enfants.
Nombreuses sont les familles dans les villes ou les quartiers où des parents rencontrent d’énormes difficultés. Certains, d’origine étrangère, se heurtent à l’obstacle de la langue française, mais un nombre important de parents sont totalement dépourvus de repères face aux institutions, à l’école ou tout simplement aux pratiques sociales. Les parents sont néanmoins détenteurs de savoir et de savoir-faire auxquels il faut donner toute leur place. Il est indispensable de leur restituer pleinement leur légitimité d’adulte, multiplier les actions de soutien à leur parentalité en valorisant dans un premier temps leurs pratiques culturelles. C’est seulement par ce moyen qu’ils pourront retrouver leur statut de parents et jouer pleinement leur rôle d’éducateur premier de leurs enfants.
L’éloignement utile des délinquants mineurs
Il est clairement des situations où les jeunes délinquants doivent être arrêtés et éloignés de l’univers de violence qui est devenu leur unique repère. Pour répondre à cette exigence, il nous est aujourd’hui proposé de revenir cinquante ans en arrière, aux bonnes vieilles maisons de redressement, que chacun sait aussi coûteuses qu’inefficaces.
Pourtant, la punition de l’éloignement peut changer profondément le parcours d’un jeune délinquant à condition qu’il sorte radicalement de son cadre de vie quotidien.
En impliquant ces jeunes, sous le coup d’une mesure privative de liberté, dans la réalisation de chantiers ou de programmes d’aide dans des pays en voie de développement, on provoque en eux la coupure salutaire dont ils ont besoin.
Ce type d’expérience a déjà montré objectivement les changements profonds que provoquent chez ces jeunes la confrontation avec des hommes et des femmes qui, dans des conditions de vie autrement plus difficiles, se battent dans la dignité et le respect pour s’en sortir. Ces éloignements doivent s’effectuer en accord avec des pays tiers, des collectivités territoriales, des associations, dans le cadre de partenariat d’objectifs permettant de construire des programmes utiles et nécessaires aux divers développements locaux dans des zones notamment rurales.
L’éloignement devient alors une punition utile qui peut changer la trajectoire d’une vie.
Des propositions comme celle-ci, nourries d’expériences et de réussites concrètes dans le combat contre l’insécurité, nous voulons les faire émerger avec force dans le débat sur cette cruciale question de société. L’enjeu est trop important, les besoins de solutions trop urgents pour laisser la question de la sécurité aux seuls démagogues de la tolérance zéro. Cette question est l’affaire de tous et surtout des jeunes qui subissent aussi tous les jours les conséquences, permettons-leur de prendre leurs responsabilités, associons-les à la création de solutions qui marchent.
Nous sommes et restons intimement convaincus que sûreté et citoyenneté sont intimement mêlées, si l’on veut rétablir la première, il faut faire vivre la seconde.