vendredi 13 octobre 2006 - par Voris : compte fermé

Le bonheur est-il dans le PRE ?

En conférence de presse, le 10 octobre, Catherine Vautrin, ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité, dresse le bilan d’un an de programme de réussite éducative (PRE) et le juge « très encourageant ». Lancé en fanfare par Borloo fin août 2005 et accéléré par les évènements dans les banlieues, le PRE était déjà inscrit dans la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005. C’est une énième refonte de l’action publique en faveur des quartiers défavorisés. Voici une synthèse sur un sujet qui, du fait de sa technicité, est mal maîtrisé par les citoyens.

Catherine Vautrin. Photo : Matignon

Qu’est-ce que le PRE ?
D’abord, le PRE se distingue du PPRE (programme personnalisé de réussite éducative) dont le bilan a été critiqué et qui prend le relais du PPAP -projet personnalisé d’aide et de progrès- et vise à faire face aux difficultés qu’a l’élève à maîtriser le socle commun des connaissances. Il se traduit par un soutien scolaire individualisé. C’est la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, « la loi Fillon » du 23 avril 2005, qui l’a créé. Le journal Le Monde du 8 septembre 2006 relate que l’an dernier, ces programmes ont fait l’objet d’une expérimentation dans 8500 classes d’école primaire et dans 149 collèges. L’Inspection générale de l’éducation nationale a dressé un bilan critique de cette expérience dans un rapport mis en ligne le 4 septembre sur le site du ministère.

Le PRE aura-t-il plus de succès ? Il est issu de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 (article 128). Il a pour objectif de « rendre effective l’égalité des chances pour les enfants et les adolescents des quartiers défavorisés », rappelait le ministre de l’Emploi et de la Cohésion sociale lors de sa campagne de presse à la fin de l’été 2005. Il doit apporter aux enfants et adolescents en difficultés, ainsi qu’à leurs familles, un accompagnement ciblé et sur mesure. Le dispositif consiste à accompagner, depuis l’école maternelle jusqu’au terme de la scolarité obligatoire, les enfants et adolescents "qui présentent des signes de fragilité".

Un programme national dépassant la seule mission de l’Education nationale
Le dispositif de réussite éducative n’est pas qu’un projet scolaire. Il a une ambition plus large que le champ de compétences du ministère de l’Education nationale. Il s’agit d’enrayer l’échec scolaire avec prise en compte du contexte social. Les préfets de département et de région en sont la pièce maîtresse. Ils sont secondés dans leur tâche par l’inspecteur d’académie, le directeur des services départementaux de l’Education nationale, les chefs des services déconcentrés concernés. Le préfet repère les zones concentrant le plus de difficultés (par exemple les ZEP) puis crée les structures ayant pour mission de favoriser la réussite éducative.

Des « équipes pluridisciplinaires de réussite éducative »  Elles repèrent les élèves fragiles ou en difficulté, puis élaborent un programme de réussite éducative à même de leur venir en aide.

Un projet à contenu adaptable  Ce projet doit être personnalisé et adapté à chaque enfant. Par conséquent son contenu est flexible, laissé à l’appréciation de l’équipe. Les élèves peuvent être pris en charge tout au long de la scolarité. En principe, le projet éducatif devra fonctionner en dehors du temps scolaire. Il ne s’agit pas de se substituer à l’école, mais de compléter son action, d’agir sur les problèmes sur lesquels elle n’a pas prise. Le plan insiste sur la nécessité d’agir sur l’environnement de l’élève, car il est souvent la cause de son malaise et de son échec scolaire. Il est prévu, par exemple, d’agir sur son logement à travers les organismes sociaux pour le rendre propice à l’étude. Les difficultés des parents qui viennent gêner les chances de réussite de leur enfant orientent la définition des actions. Les parents sont toujours associés au projet éducatif. En cas de conditions familiales très dégradées, intervient la solution de l’internat, non comme une sanction mais comme une chance. Voir ici le premier internat de réussite éducative inauguré à Lyon : le site ici.

Le bilan de la ministre
"Nous constatons une très forte implication des élus locaux dans les 367 projets qui ont été labellisés", a certifié Catherine Vautrin le 10 octobre. 80 000 enfants auront bénéficié d’ici à la fin de l’année du dispositif d’appui éducatif personnalisé, hors temps scolaire, accompagnés par 390 équipes pluridisciplinaires. C’est un "programme cousu-main qui place enfants et parents au cœur du dispositif ", a déclaré la ministre en donnant des exemples concrets : prise en charge des problèmes de santé, apprentissage des règles de vie en commun ou pratique sportive.

Voir ici un exemple de projet de réussite éducative : celui de la Ville de Rennes.

Les crédits affectés au PRE
Financièrement, 62 millions d’euros avaient été distribués en 2005. Pour 2006, 99 millions ont été budgétés. L’intervention devant la presse de la ministre nous apprend que les crédits délégués aux préfets de région pour le programme sont montés à 73,5 millions d’euros. "D’ici à la fin de l’année, 120 millions d’euros auront été engagés au total, depuis la mise en oeuvre du programme", a conclu la ministre.

Voilà pour la version officielle. Pour un bilan plus complet et des critiques, il faudra attendre encore un peu.

Autres liens utiles :

L’observatoire des zones prioritaires
Promotion des initiatives sociales en milieu éducatif
Le centre Alain Savary : Centre national de ressources sur les pratiques éducatives et sociales en milieux difficiles



6 réactions


  • Sam (---.---.187.20) 13 octobre 2006 23:10

    Sur Agoravox dont je fréquente régulièrement les forums, il m’a paru légitime de mettre un petit mot pour Politis, dont je suis un lecteur régulier, sans être abonné, et qui est en voie de disparition.

    Politis, c’est un petit mag sans pub, menacé par la faute, semble-t-il d’un appareil dirigeant plutôt amateur.

    On peut critiquer ses choix éditoriaux et je le fais souvent,mais il assume ceux-ci avec constance et dans la marge de la presse, vu qu’il n’a pas de pub.

    C’est un petit, au pays des gros organes de presse tout orientés vers la maximisation de la rente publicitaire, un journal orienté à gauche - nul n’est parfait - qui donne de l’info, des idées et des réflexions semaine après semaine, sans tomber dans le populisme ou la servilité, ce qui n’est déjà pas mal dans notre paysage informationnel actuel.

    J’aime cette idée d’une petite presse d’idée qui vive encore, j’aime cette presse sans l’inféodation aux marques.

    Je serais assez content que Politis reste dans nos kiosques.

    Et je crois qu’Agora Vox, qui se veut représentant d’une presse alternative, ne peut oublier les rares organes de qualité qui continue leur bonhomme de chemin dans l’économie de la presse traditionnelle.

    Alors j’invite les bénévoles rédacteurs, et les lecteurs de ce site, à manifester un soutien sans ostentation à Politis, de la manière qu’ils souhaitent, mais clairement, pour sa survie.

    Quant à moi, je vais faire un petit chèque pour ce petit magazine pour qu’il continue à donner de sa petite et singulière voix.


    • La Taverne des Poètes 14 octobre 2006 21:06

      Dideubeuliou,

      vous êtes venu me faire un peu de conversation ? C’est gentil.

      Il est important que des rédacteurs d’Agoravox traitent aussi ces sujets. Important aussi d’attirer les regards vers le bas de la page où il y a des articles intéressants.

      J’écris pour tous mais libre à chacun de s’informer ou pas.

      J’ai refilé mon sujet des évasions barbares à Johann qui s’en est bien tiré.

      Et j’ai opté pour l’éducation des jeunes de banlieues mais ça marche moins ! C’est dommage pour eux. Pourtant c’est essentiel de continuer les efforts réalisés. Si les citoyens s’en désintéressent, les politiciens en feront autant voyant que ce n’est pas rentable électoralement.


    • cestpaspermi (---.---.4.246) 15 octobre 2006 08:52

      @ Taverne des poétes:ce que tu écris est juste.En ce qui concerne les PRE si nous parlons de la même chose il y a un os:dans la commune où je travaille il y a une innovation de ce genre:on va s’y coller car cela peut aider certains enfants.MAIS,nous ne sommes pas d’accord pour monter des dossiers nominatifs car nous ne savons pas ce que certains vont en faire,politiquement et statistiquement:il n’y a pas longtemps un père est venu chercher les évaluations de son gamin pour répondre aux services d’expulsion de Sarko.Autre problème:on nous demande de choisir tant d’enfants:ce sont des multiples de 5:et les autres ? et si quatre équipes c’est trop ? Voila l’exemple d’une initiative qui est bonne,mais qui peut s’avérer dangereuse à cause de certains excités démagos qui ne pensent qu’aux élections en faisant des appels de phare au FN,et qui nous posent des problèmes de conscience:l’utilisation des listes et le choix des enfants.Amitiés Chantecler.


    • La Taverne des Poètes 15 octobre 2006 12:18

      Le programme de réussite éducative n’a pas été conçu par Sarkozy ni pour les besoins du ministère de l’Intérieur. Il serait déplorable de gâcher cette belle iniative par de telles dérives.

      Je suis également très prudent sur l’usage qui doit être fait du fichage : voir mon article « On est fichés mais on s’en fiche ».


  • Christian Montelle (---.---.142.62) 16 octobre 2006 12:56

    Je vous signale un ouvrage qui se penche sur le problème de l’échec scolaire d’une façon différente de celle de la ministre ou sous-ministre et qui rejoint aussi votre démarche poétique. Il est très mal diffusé. On peut le trouver chez l’Harmattan, rue des Ecoles ou par un libraire ou Alapage.fr ou autre. Vous pouvez taper dans Google : « no= : 19783 » et vous serez sur la page de ce livre chez l’éditeur. Résumé des thèses défendues dans cet ouvrage, qui offre aussi des pratques éprouvées. L’enseignement est dans une impasse dont il peine à sortir. Bien que des milliards d’euros soient engloutis dans l’éducation nationale, la situation semble se dégrader d’année en année. Christian Montelle postule, dans : La Parole contre l’échec scolaire que ces difficultés trouvent leur origine dans une omission importante : on n’enseigne pas une langue orale suffisamment soutenue à tous les enfants. L’idée principale de cet ouvrage peut s’exprimer ainsi : Si vous ne reconnaissez ni ne comprenez un mot en l’entendant, vous ne le comprendrez pas en le lisant. Cela implique qu’un élève qui ne possède pas, dans sa tête, une langue orale riche de lexique et de structures est incapable de lire autre chose que des textes très sommaires ; de plus, il ne comprend qu’une infime partie de ce que ses maîtres lui transmettent. Pour que l’école redevienne démocratique et sereine, il s’avère donc indispensable de transmettre à tous les enfants ce que l’auteur nomme une « haute langue orale », la langue de la culture et de l’accession aux savoirs. La langue est l’outil de la pensée. À langue pauvre, pensée pauvre : • d’une part, parce que nous ne pouvons connaître rationnellement que ce que nous pouvons nommer ; la seule perception émotionnelle ne permet pas d’organiser un savoir et laisse impuissant devant le monde ; • d’autre part, parce que penser, c’est établir des rapports entre les objets du monde et que cela requiert la maîtrise des structures grammaticales et des figures de style. Beaucoup d’enfants sont de plus en plus démunis dans ces secteurs : leur langage appauvri les stigmatise et leur interdit l’accès à l’ascenseur social que l’école devrait offrir à tous. De plus en plus d’établissements deviennent des champs de bataille et les maîtres se désespèrent de ne pouvoir réaliser l’impossible : enseigner à des enfants démunis de l’outil indispensable à la compréhension et à l’accès aux savoirs : une langue orale de haut niveau. Quand celle-ci est en place, lire et écrire ne posent guère de problème ; par contre, si on se concentre trop précocement sur ces apprentissages, on bloque d’innombrables enfants dans des positions d’échec et de refus.


  • Fabounet (---.---.247.53) 28 octobre 2006 11:11

    DW c’est le troll local ? Il est partout ...

    Quant à « Taverne » votre courage médiatique vous décrédibilise, vos articles exposent sans discuter et sont très incomplets. Si vous souhaitez rester dans l’informatif pur (ce qui est impossible ne serait-ce que par votre sélection de sujet) soyez plus empathique pour ceux qui recherchent des infos (mon cas). Financement, calendrier, moyens de contrôle et d’évaluation, quoi de neuf depuis la politique de la Ville, intérêt politique des acteurs ???


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