mercredi 30 avril 2008 - par Jean-Vital de Monléon

Le « ni-ni » de monsieur Colombani

Le rapport Colombani donne un coup de pied dans la fourmilière de l’adoption. En tant que spécialiste de ce domaine, je suis particulièrement touché par le désir de ni banaliser ni stigmatiser.

Le récent rapport sur l’adoption de la mission Colombani (1) parle de la nécessité d’un « ni-ni » : ni banalisation, ni stigmatisation. Ce sont deux pièges dans lesquels il est facile de tomber. Je suis environ 1300 enfants adoptés et j’ai été amené à donner mon avis sur au moins autant de dossiers. Plus je vois d’enfants, plus j’ai envie d’être modeste devant la diversité de chaque histoire. Je suis souvent effaré, et le terme est faible, par les déclarations faites par certains, qui pour suivre quelques enfants adoptés dans leur champ d’activités croient nécessaire de généraliser à partir de cette petite expérience.

Voici trois exemples : On sait, et cette pathologie est à la mode, que certains enfants adoptés souffrent de troubles de l’attachement. Ceci est dû à des souffrances antérieures, chez les enfants qui se sentant trahis ont perdu confiance envers les adultes. Ballotés depuis leur famille de naissance, d’institutions en familles d’accueil, ils manquent de repères. Et, quand arrive enfin une famille désireuse de créer un lien fort avec eux, quelques enfants le refusent. La situation est difficile, parfois dramatique entre des parents déboussolés et des enfants qui les poussent à bout. Une prise en charge précoce permet parfois de recadrer les choses. Mais parler de troubles de l’attachement dès qu’un enfant présente le moindre trouble relationnel est une grave erreur. En l’enfermant dans un diagnostic qui n’est pas le sien, on lui fait perdre, ainsi qu’à sa famille, beaucoup de temps.

Un quart des petites filles adoptées après l’âge de 6 ans développe une puberté précoce. C’est-à-dire qu’après une à deux années de croissance rapide, elles risquent d’avoir leurs règles bien plus tôt que leurs petites camarades du même âge, et surtout que leur croissance va s’arrêter très vite, avec une taille définitive parfois inférieure à 1 m 40. Pour leur classe d’âge, cette proportion est énorme, et ce diagnostic ne doit en aucun cas être méconnu. Mais, tout enfant adopté qui ne grandit pas trop vite ne fait pas une puberté précoce, bien d’autres causes sont envisageables, là aussi un diagnostic précoce et juste sera nécessaire.

Après ces deux exemples qui concernent plus les professionnels de la santé et de l’enfance, mon dernier exemple concerne le grand public, l’homme de la rue, celui qui tombera par hasard sur cet article. Près d’1% des enfants de France sont des enfants adoptés ; doit-on passer à côté d’eux remplis d’a priori à leurs égards ? Est-il utile de parler de « vrais parents » pour nommer les parents biologiques, comme si la loi du sang était la seule vérité ? Est-il indispensable de supposer, comme cela s’entend encore trop souvent, que tout enfant adopté est un enfant volé ou acheté ? Est-il bien fondé de croire qu’il a son pays dans le sang, donc qu’il n’a pas sa place en France ? Est-ce une bonne idée de féliciter ses parents de leur acte généreux (2) ? Est-il vrai de croire que chaque enfant ou adolescent sera obsédé par la recherche de ses origines ? Tout cela c’est de la stigmatisation. A l’inverse, penser que tout va bien parce qu’il est adopté dans une « bonne famille », ou qu’il n’y a aucun souci en relation avec ses origines et son histoire c’est de la banalisation.

Le « ni-ni » de l’adoption, c’est accepter que les enfants adoptés soient avant tout des enfants. Que ces enfants possèdent des problèmes tout à fait particuliers, mais aussi des problèmes communs à leur âge, est une réalité. Mieux connaître l’adoption pour faire la part des choses me semble nécessaire dans le deuxième pays adoptif au monde.

Au-delà de ce meilleur accueil, cette compréhension de l’adoption peut permettre de mieux appréhender la filiation au sens large : Aime-t-on nos enfants pour ce qu’ils sont ou parce qu’ils portent nos chromosomes ?

1- 1- Colombani JM. Rapport sur l’Adoption. Paris, La Documentation Française ; 2008.

2-2- de Monléon JV. « L’adoption n’est pas un geste humanitaire », La Croix du jeudi 10 avril 2008 (à lire aussi sur mon blog).



8 réactions


  • tvargentine.com lerma 30 avril 2008 11:45

    Pourquoi parlez d’un individu qui se prenait pour un industriel de la presse avec les aides de l’Etat et qui aura mis un grand journal au niveau d’un ’libé du soir’

    Une vrai faillite ,sans parler du trou dans la caisse et de ses indemnités de départs

     


  • La Taverne des Poètes 30 avril 2008 12:40

    Colombani est non seulement incompétent sur la question de l’adoption mais il se fait ,de plus, le servile serviteur du sarkozysme. Comme son maître, son obsession est de jouer sur les quotas (1), d’imiter les Etats-Unis (2), d’attaquer l’administration (3). Rappellons que cet homme fut directeur du journal Le Monde et appela à boycotter le vote pour bayrou à la veille du premier tour des présidentielles, au nom de ses opinions personnelles tranformées pour l’occasion en intérêt national de première importance (il s’agissait de ne pas troubler la démocratie telle qu’il se la figure, c’est-à-dire réservée aux deux camps dominants). Ceci pour éclairer l’honnêteté intellectuelle du personnage, son respect du vote démocratique et son indépendance par rapport au Pouvoir !

    (1) L’obsession des quotas : Colombani reproche à l’Agence française de l’adoption (AFA), de s’être "imposée des quotas sans nécessité dans certains pays où l’on aurait pu réaliser un nombre plus important d’adoptions". Cette obsession des quotas et cette excuse facile ne doit pas faire oublier que la baisse du nombre d’enfants adoptables est due en réalité aux décisions des pays étrangers qui modifient leur législation.

    (2) L’imitation du cousin américain : M. Colombani estime que l’administration française génère des blocages et qu’il faudrait s’aligner sur le système des Etats-Unis, qui accompagnent les procédures d’adoption de projets humanitaires. Pourquoi faudrait-il prendre le modèle américain comme référence unique ? Parce que Monsieur Colombani ne connaît rien en matière d’adoption et que son maître ne jure que par l’Oncle Sam ?

    (3) Attaques de l’administration : M.Colombani dénigre l’AFA mais s’en prend aussi aux départements, coupables selon lui d’être insuffisamment sélectifs pour la délivrance des agréments aux familles. Cette critique n’est pas fondée. Il y a tout simplment de moins en moins d’enfants adopatbles en France (150 000 en 1900, 40 000 en 1960, 20 000 en 1980 et aujourd’hui à peine 3 000 pour 450 0000 enfants suivis) et il faut s’en réjouir car cela tient à la politique efficace de contraception, de suivi mère-enfant. M. Colombani voudrait réduire le nombre d’agréments délivrés en jouant sur la condition d’écart d’âge entre parents adoptants et enfants. Cela sera sans effet car les agréments seront toujours beaucoup plus nombreux que les adoptions effectives. Rappelons que l’agrément ne donne aucun droit opposable à l’adoption. C’est juste une reconnaissance de la capacité à adopter. Pire encore : Monsieur Colombani reproche aux Conseils généraux de trop respecter les familles biologiques ! Il voudrait arracher davantage d’enfants à leurs parents naturels pour atteindre ses précieux quotas. Pour ce faire, la réforme de l’article 350 du Code civil pourrait être envisagée : l’enfant serait déclaré abandonné par le juge dans un délai raccourci (actuellement le délai est d’un an). Très grave dérive si cela se faisait...

     


    • Jean-Vital de Monléon Jean-Vital de Monléon 30 avril 2008 13:07

      On se calme, ne débordons pas du sujet.

      Le thème de mon article n’est pas Jean-Marie Colombani, sa vie, son oeuvre, mais bien de rebondir sur un de ces formulaire pour rappeler combien les enfants adoptés peuvent être maltraités (bien involontairement le plus souvent) dans notre société. Si vous avez des choses à reprocher à Jean-Marie Colombani ne vous servez pas de mon bête titre, ni d’un article qui pose d’autres problèmes !

      Quelques comentaires à la réaction de la taverne des poètes :

      Pour le 1 : c’est effectivement sans doute la baisse du nombre d’adoptions qui a motivé la commande du rapport Colombani. Baisse pour laquelle les postulants à l’adoption demandaient une explication aux pouvoirs publics.

      Pour le 2 : pour avoir entendu J-M Colombani à propos des comparaisons entre pays adoptifs, ce ne sont pas les USA qu’il prend en exemple (notamment pour le coté aide humaintaire) mais des pays bien plus proche comme l’Italie.

      Pour le 3 : L’agrément est bien comme vous le dites plus une capacité qu’un droit à adopter.

      Mais pour la fin de votre article, je pense tout comme ce rapport que trop d’enfants restent des années (bien plus de l’année légale dont vous parlez) oubliés de leurs parents biologiques dans des foyers de l’aide sociale à l’enfance et que certains d’entre eux seraient sans doute mieux dans une famille adoptive. Mais ce n’est pas tant aux conseils généraux qu’il faut le reprocher, mais plus à notre société à part entière qui privilégie trop souvent le maintien des liens à tout prix. Relisez pour cela la dernière phrase de mon article.


    • La Taverne des Poètes 30 avril 2008 14:31

      Il n’aurait pas été honnête d’éluder la question du rôle de la personnalité particulière de Colombani dans la gestion de la réforme de l’adoption alors que ledit Colombani est le président de la commission sur la réforme, qu’il dirige cette réforme, et qu’il a fait allégeance à Sarkozy.

      Certes, le modèle américain que je cite n’est pas la seule référence : Espagne et Italie sont aussi citées. Mais pensez-vous que Sarkozy et ses disciples aient ces deux pays en admiration ?

      Les cas que vous citez des enfants qui ne trouvent pas de parents adoptifs une fois le délai légal écoulé et l’abandon judiciaire prononcé, sont des enfants à particularité (autistes, trisomiques, personnalités psychotiques, enfants trop âgés pour s’adapter à une famille, etc.). La procédure n’est pas ici en cause.

       


  • Voltaire Voltaire 30 avril 2008 13:13

    Bonne analyse, qui résume bien la complexité du sujet, et les nombreuses idées préconçues que se font nombre de citoyens sur l’adoption, comme on peut le voir de la part de personnes qui n’ont sans doute jamais touché de près l’adoption, mais aussi dans de nombreux services sociaux.

    A ma grande surprise, j’ai trouvé ce rapport Colombani de très bonne facture. Y sont identifiés la plupart des problèmes actuels de notre système. Ma seule réserve sur ce rapport touche à un âge limite pour les parents adoptifs ; Mr Colombani n’a pas pris en compte la possibilité d’adoption par des parents ayant déjà des enfants (adoptifs ou biologiques). S’il est logique de fixer par exemple un écart d’âge maximal de 40 ou 42 ans entre les parents et l’enfant adopté, la présence d’enfants existants devrait accroitre de quelques années cet âge (il ne serait pas inconcevable de permettre à des parents de 43 ou 44 ans d’adopter un enfants de 1 an s’ils ont déjà un enfant ; nos familles actuelles ont aussi des enfants biologiques souvent tardifs).

    Pour le reste, les problèmes liés aux idées préconçues de bien des services d’adoption, comme les insuffisances de l’AFA, ont été bien expliqués, et des solutions justes proposées. Il est paradoxal que l’élement essentiel de l’adoption, à savoir l’intérêt de l’enfant, soit si souvent occulté par des idées préconçues non étayées par les faits ou les statistiques, et que bien des règles occultes et le non-dit président encore à l’attribution des agréments. Comme l’auteur l’indique, tous les cas sont particuliers, et c’est bien l’intérêt de l’enfant qui doit présider.

    Quant à votre dernière remarque, il est tout à fait surprenant de constater que la plupart du personnel des services d’adoption considère toujours que la filiation s’établit d’abord de façon biologique, et que penser le contraire est une cause majeure d’avis négatif...


  • Dogen 30 avril 2008 18:28

    Je suis moi meme pere d’une petite fille et en cours de procedure pour adopter un garcon.

    Il est sur que les mentalite francaise font la part belle a la filiation du sang. Sur le plan des procedure, certes, mais bien plus encore sur le plan des mentalites. Personnellement, je ne percois pas de difference entre ma fille naturelle et un enfant que je pourrais adopter. Ils seront tout deux mes enfants a part entiere, et je trouve que le sang a bien peu a y faire.

    Combien de fois ai-je entendu : Ce sera ton fils, mais pas vraiment ton fils... C’est pas pareil...

    Je pense que quand des parents ne veulent/peuvent plus s’occuper d’un enfant, il faut donner a ce dernier la chance d’avoir une famille stable, et que le plus tot est le mieux.

    La filiation genetique est finalement un concept que je trouve tres "animal". Notre conscience et notre empathie ne peuvent-elles pas nous mettre un peu au dessus de cela ?

    PS : Bravo pour votre decision d’adopter un enfant noir. Nous y pensons avec ma femme, mais je dois avouer avoir assez peur d’elever un enfant noir dans une societe ou le racisme a encore de tres beau jour devant lui.

     


  • isa57 1er mai 2008 12:51

    il ne me semble pas qu’on aille pour une revendication du droit à l’adoption, la question n’est pas là. Le rapport colombani a été surtout demandé pour y déceler les dysfonctionnements et poser une évaluation globale de l’adoption internationale et nationale et sortir des idées reçues ou aux conclusions hâtives

    Il peut déranger certes mais il a le mérite d’être objectif en aucun cas ce rapport a été fait dans le but de déstabiliser l’adoption, au contraire.

    Tout commence par la demande d’agrément et ce qui me laisse perplexe c’est qu’il y a des agréments qui sont donnés alors qu’il aurait mieux valu parfois ajourner pour certaines personnes pour laisser le temps de murir le projet. En effet cela sert à quoi de donner un agrément dont les avis des travailleurs sociaux sont réservés et la comission les accorde quand même pour éviter les sempiternelles démarches au tribunal administratif !.. Dans ce cas les candidats ont leur agrément donné du bout des doigts mais lorsqu’ils s’agira de déposer un dossier dans un pays ils verront des portes se fermer parce-que leur agrément contiendra non seulement les evaluations mais aussi l’obtention de cet agrément par recours.

    La colombie ou la thailande ou la chine encore et le viet-nam refusent ce genre de dossier. C’est aussi une façon d’éliminer un nombre de candidats de plus en plus nombreux je pense des pays eux-mêmes qui somme toute gardent la pleine souveraineté des decisions. Autrement dit s’ils decident du jour au lendemain de fermer les portes à l’adoption international c’est leur droit.

    Le rapport colombani en fait cas et contrairement à ce qui s’est dit ici dans certains messages ce n’est pas l’exemple americain qui est pris mais celui de la Suède, de l’Italie et de l’Espagne qui ont servi de reférences non seulement pour l’aide humanitaire apportée aux pays où on adopte mais aussi dans la manière dont les parents sont accompagnés tout au long de la démarche pour évaluer et prendre conscience de la réalité de l’adoption.

    Il ne semble pas anormal que les candidats à l’adoption supportent les frais (et pourquoi pas proportionnellement à leurs revenus pour ceux à revenus modestes) pour financer des intervenants qui dispenseraient des formations obligatoires pour les candidats à l’adoption.

    L’adoption est avant tout un désir, un désir d’enfant certes mais qui entraîne avant tout un cheminement et un devoir envers cette demarche.

    Moi-même je suis en attente depuis deux ans d’une proposition et je déplore qu’il n’y ait pas suffisament d’accompagnement et de propositions au niveau régional en Italie par ex c’est ce qui se passe les candidats ont des formations régulièrement.

    Il faut esperer qu’une chose, bien que cela ne se fera pas du jour au lendemain c’est que ce rapport colombani puisse être pris comme une aide à améliorer ce qui ne va pas aussi bien chez les candidats que l’administration

     


  • koanzench koanzench 5 mai 2008 09:52

    encourager l’adoption nationale.

    Mobiliser les réseaux diplomatiques français, mieux informer les parents, encourager l’adoption nationale : telles sont les principales propositions du rapport sur l’adoption.

    Plus : http://abandon-adoption.hautetfort.com/archive/2008/03/25/le-rapport-colombani-veut-encourager-l-adoption-nationale-fr.html


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