Le patriotisme économique au service de la France
La mondialisation à donné aux Français le sentiment aigu d’être dépossédé de leur outil de production et donc menacés de perdre le contrôle de leur destin. D’où les appels répétés du gouvernement au « patriotisme économique ». Seul problème. Comme d’habitude, notre cher Etat veut tout régenter, et une fois de plus il ne veut pas faire appel à la nation. Avant de se faire David devant Goliath, monsieur de Villepin aurait mieux fait de relire les paroles de l’Assemblée constituante, invitant les citoyens à s’armer contre l’ennemi, et surtout à protéger la patrie.
La question essentielle à se poser ici est de savoir pourquoi il y a des délocalisations. La réponse, tout le monde la connaît : la mainmise de plus en plus des fonds de pension étrangers sur nos entreprises. Par conséquent, ce n’est pas en donnant plus d’aides à nos entreprises, pour qu’elles restent en France, qu’on va vaincre le fléau de la délocalisation. Quand on s’attaque à quelque chose, il faut chercher la tête. Quand la police cherche à démanteler un réseau de drogue, elle « remonte » la filière, pour trouver le maillon fort... Elle ne se contente pas d’arrêter les intermédiaires. Quand on soigne une personne, on regarde bien sur son corps, mais on veille à ce que la personne ait la volonté de guérir. Ici, c’est très exactement la même chose. Si on veut que nos entreprises restent en France, et donc conservent des emplois, il convient de s’attaquer à l’élément principal du problème, et non à ses affidés. Par conséquent, il faut redonner une voix française dans nos entreprises. (Cela ne signifie pas que les patrons français auront plus de sollicitude pour la France, mais si la plupart des actionnaires sont français, on a plus de chances de voir ces derniers favoriser l’implantation en France, plutôt que si ce sont des investisseurs étrangers, qui eux, ne verront jamais les problèmes sociaux que cela peut provoquer).
Comment ? En incitant les Français à acheter des actions dans leur entreprise, ou dans les entreprises françaises en général, ceci pour, sinon prendre la tête de l’entreprise, tout au moins s’assurer de la non hégémonie des fonds de pension étrangers dans le processus décisionnel. Pourquoi est-il urgent de le faire ? Non seulement, ainsi, on conservera nos emplois chez nous, mais en plus on évitera que les fonds de pension s’approprient les technologies, les brevets, les innovations de nos entreprises. L’Etat peut faire jouer la golden share dans le cas d’entreprises jugées très stratégiques, il ne peut cependant pas toutes les protéger... Le citoyen a donc un rôle important à jouer ici.
D’ailleurs, mettre le citoyen au service de l’entreprise, et cette dernière au service du citoyen, permettra de souder les entreprises françaises et les Français, au lieu de constamment les opposer. Où trouver l’argent ? Dans l’épargne française, qui est, et de loin, bien plus importante que l’américaine. (Les Français ayant tendance à être plus fourmis que cigales... Ce qui en soit est une bonne chose)
Comment le mettre au service des citoyens et des entreprises ? Actuellement, l’épargne des ménages français (et notamment la fameuse assurance vie plébiscitée par les Français) est en partie détournée des actions pour être orientée vers le financement de la dette publique (on comprend mieux ainsi le cercle vicieux : l’Etat trouvant toujours des créanciers disponibles, il n’a pas lieu de vouloir diminuer la dette...Même si cependant on peut trouver appréciable qu’une partie des Français, du fait de leur position de créanciers, soient ainsi paradoxalement capables d’assurer une certaine indépendance financière de la France).
En France, les professionnels de la gestion de l’épargne achètent beaucoup moins d’actions que leurs homologues américains ou anglais. C’est aussi l’Etat qui fait tout pour encourager l’épargne de court terme à rendement faible mais sûr (livret A, Codevi, PEL, etc.) sans dire, évidemment, à ceux qui préfèrent ce type d’épargne que les sommes collectées sont surtout destinées à financer la dette publique... En clair à augmenter encore les dépenses de fonctionnement ! Et les déficits !
A cet égard, le « patriotisme économique » le plus efficace consisterait à faire appel aux épargnants français pour qu’ils reprennent le contrôle de leurs entreprises ! Vu le volume de l’épargne française, ce serait facile et, en même temps, rentable pour les épargnants dans la mesure où, en longue durée, le placement en Bourse est le meilleur des placements.
Les Français, des capitalistes cachés ? Quand on parle de la France, on a souvent tendance à croire que ses habitants, fidèles soutiens de la cause intermondialiste, sont des soviétiques qui s’ignorent. La réalité est toute autre. Ainsi, en 99, la France pouvait se vanter que la part des actions détenue dans le patrimoine financier des ménages des Français étaient de 38%... Contre 22% aux USA, 18% au Royaume-Uni, et 16,5% en Allemagne ! En 1982, 1,7 million des Français possédait des actions dans des entreprises cotées... En 2006, ils sont 7,2 millions (soit une hausse de 323,53% !)
Les Français (c’est-à-dire au moins les autres 7,8 millions de travailleurs du privé, mais aussi les 5,5 millions de fonctionnaires qui sont peut-être bien plus « libéraux » qu’on ne pourrait le croire de prime abord) sont-ils prêts à investir leur épargne dans les actions, ne sont-ils pas « frileux » ?
Contrairement à ce qu’on peut penser, beaucoup de ménages français utilisent les capacités des marchés financiers pour arrondir leur fin de mois, de manière plus ou moins conséquente. Par ailleurs, les Français trouveront une motivation à la fois économique (mon intérêt à moi) et social (l’intérêt collectif) dans l’achat d’actions d’entreprises françaises... Or, sachant les succès enregistrés par des entreprises associant valeurs économiques (faire du profit) valeurs sociales, et maintenant environnementales, on peut dire que le penchant généreux des Français favorisera ces investissements.
Enfin, les Français ont montré il n’y a pas si longtemps leur intérêt pour la grande machine boursière. N’y a-t-il pas eu un succès considérable lors de la pénétration en Bourse de EDF ? Faire des citoyens les propriétaires de leur économie, n’est-ce pas la forme la plus élaborée du « patriotisme économique » ?