mardi 6 mars 2018 - par

Le plouc cet ingrat

Le plouc, d'habitude, depuis déjà très longtemps, obéissait aux exhortations politiques. Il votait comme on lui disait de voter et filait droit de peur de se faire sermonner par les gens qui savent. Dés que l'un d'eux essayait tant bien que mal d'exprimer ses angoisses, ses inquiétudes pour lui et ses proches, il parlait comme au « café du commerce ». Et bien sûr, bien vite, l'on invoquait le populisme. Comme la plupart des observateurs après les élections en Italie qui ont vu la victoire d'une coalition de droite, et réellement à droite, à savoir ni libérale molle, ni libérale libertaire, de droite.

 

Le plouc, Cabu se payait sa tête en dessinant « mon beauf » et les ploucs se croyaient obligés de rire aussi...

 

Voire, depuis quelques temps, les nantis tentaient même de lui piquer ses manières et son langage afin de montrer combien ils sont affranchis et libres de tout préjugés.

 

Le plouc voit des migrants arriver dans son quotidien, des pauvres d'entre les pauvres aidés avant d'autres pauvres d'entre les pauvres mais non exogènes et cela c'est très mal à ses yeux d'ingrat. Il ne peut pas comprendre que notre identité change, que nous sommes maintenant multiculturel, tu vois, multicolore, tu vois, que tous les nantis se disent « citoyens du monde » par vanité. Lui, il aimerait bien qu'on l'aide quand même un peu quand ses fins de mois commencent au 5 de chaque mois. Car en plus le plouc est un matérialiste soucieux des choses terrestres et de ses revenus.

 

Alors que depuis une éternité, enfin une période semblant une éternité, on le somme de ne plus se soucier de rien, tout ira bien s'il laisse les oligarques, les nantis entre eux, qu'il ne cherche pas à remettre en question leur pouvoir, leurs privilèges. On ne lui demande pas grand chose au plouc, on tient surtout à ce qu'il ferme sa gueule.

 

Mais de temps à autres, de manière fort surprenante, le plouc ouvre sa gueule et proteste. Il dit « non » en 2005 à l'Europe ultra-libérale que l'on fait passer un peu plus tard en catimini en changeant deux trois virgules au traité constitutionnel européen. Il faut qu'il suive le mouvement même s'il n'est pas d'accord. Le problème c'est qu'après quelques poussées de colère, il n'ose pas aller plus loin, il se retient. Il retrouve sa timidité, il a peur de déplaire malgré tout, même quand il se dit de droite il n'ose pas encore complètement le dire.

 

D'où les erreurs devenues proverbiales de tous les instituts de sondage à chaque élection. Aucun ne semble envisager que les ploucs n'osent pas dire encore pour qui ils votent.

 

On lui retire même le droit de s'exprimer, à la place quelques fantoches se donnent le rôle de vigies politiquement incorrectes. Ils sont politiquement incorrects, ils sont drôlement audacieux attention ! Ils portent aux nues quelques figures de gouailleurs bien connus mais ne les auraient pas fréquentés de leur vivant, ainsi Boudard qui avait de mauvaises fréquentations sans parler d'Audiard embaumé par eux dans un ou deux films. Bien entendu, cette audace se doit de rester en cercle fermé, et il y a des butoirs, parler de le Pen sans le diaboliser, ça c'est encore et toujours le mal absolu même pour ces pseudo-trublions qui sont issus du milieu le plus privilégié matériellement. Intellectuellement on a des doutes, ils sont pour la plupart tout aussi moutonniers que les autres, ne savent plus penser par eux-mêmes, n'oseraient pas le faire.

 

Contrairement aux ploucs qu'ils dédaignent pourtant...

 

Un jour à force de sermons, de leçons de morale, le plouc en a marre et se rebiffe, mais il faudrait que ça dure un peu plus longtemps qu'une journée ou qu'un commentaire sur Internet.

 

Sic Transit Gloria Mundi, Amen

Amaury – Grandgil

 

illustration empruntée ici




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