jeudi 14 mai 2020 - par C’est Nabum

Le triomphe de l’individualisme

Une formule pas si innocente que cela.

Chacun pour soi et dieu reconnaîtra les siens, à moins que ce ne soit le Grand Capital, nouvelle religion dominante qui elle aussi a ses prédicateurs. La grande différence entre le religieux et l’économie réside sans doute dans la rapidité de modification des paroles sacrées. La récente crise n’a pas été exempte d’une nouvelle liturgie. Il est vrai que l’heure était grave ; le jugement dernier pointait le vilain bout ? de son nez. Il convenait d’agir au plus vite pour relancer la machine à formater les bons consuméristes bêlants.

Le propos est né on ne sait où. Comme bien souvent, il est le fruit du hasard ou des circonstances. Il fleurit et trouve des jardiniers qui le trouvent à leur goût. Il passe ainsi de bouche en bouche, se trouve relayé par les réseaux sociaux, formidable chambre d’écho avant que de trouver la consécration et la sacralisation qui convient dans les médias à la botte des puissances d’argent.

Ils y ont vu une belle occasion d'inséminer à nouveau le basile qui inocule à son tour le désir merveilleux de ne penser qu’à soi. Dans la tourmente, l’humain retrouve instinctivement les réflexes archaïques qui le poussent à s’occuper des autres, à les placer sous son aile protectrice, à prendre des risques pour prémunir les plus faibles,les plus fragiles, les plus pauvres. Tout cela ne doit durer qu’un temps sinon, les bases du système seraient ébranlées.

La parade s’imposant de toute urgence, l’occasion fit le larron. Certains visionnaires s’approprièrent le slogan de l’heure, en firent une rengaine, une litanie reprise en boucle et en chœur par des fidèles qui n’y voyaient pas l’insidieuse pensée subliminale. La foule entière, toujours prompte à se faire gruger la reprit, elle circula comme une traînée de poudre aux yeux.

Le plus extraordinaire fut que les milieux hostiles à la pensée dominante se l’approprièrent, pensant y trouver là le ferment d’une révolte, d’un nouveau monde qu’ils appellent de leur vœu. Qu’ils sont bien naïfs ces chevaliers blancs du monde d’après, ils se sont faits les vecteurs de l’armée adverse, portant haut le terrible message : « Prenez soin de vous ! » et sa version plus familière : « Prends soin de toi ! »

Pas un débat, pas une rencontre, pas un échange épistolaire qui ne s’achève par cette formule de politesse, assénée par humanité mal placée. Les considérations distinguées étaient trop ampoulées, nous avons là le plus basique des messages mais aussi le plus pervers.

Que veut-il nous signifier au juste ? Que seule notre petite personne est sacrée, qu’il convient de se garder de tout et surtout des autres. Elle porte en elle l’exact contraire des préceptes solidaires qui fondent une société confraternelle. Ne trouvez pas plus juste dans cette période de dire à vos amis, à vos voisins, à vos connaissances : « Prenez soin des autres ! » comme justement n’ont cessé de la faire ceux et surtout celles que vous avez applaudis à 20 heures.

Vous effacez d’une formule tout leur travail. Vous retombez dans la monstruosité de l’individualisme forcené qui permet au système le plus morbide qui soit de garder le contrôle pour mieux rebondir et achever son entreprise mortelle sur la Planète. Ils doivent se gausser ceux qui vous ont conduits une fois encore à jouer les moutons de Panurge. C’est si facile de suivre la masse sans réfléchir.

Puisse ce cri du vilain mouton noir ne pas rester inaudible. Changez de paradigme et laissez tomber les vieilles recettes éculées des véritables responsables de la catastrophe actuelle. Prenez soin de vous et de la planète. Merci !

Épitrement votre

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