samedi 5 décembre 2009 - par Michel DROUET

Les élus locaux sont-ils des irresponsables ?

Pas un jour où l’on ne parle de dépenses somptuaires d’élus pour la construction de « palais » régionaux ou départementaux, des indemnités que se votent et se versent des élus d’intercommunalités, de l’augmentation exponentielle du nombre de fonctionnaires territoriaux, le tout aboutissant à qualifier de « folie fiscale » les décisions prises par ces élus en matière d’impôts locaux. Qu’en est-il exactement ?

La face cachée du discours

Nous serions enclins bien sûr à penser que tout cela est vrai, tant les impôts locaux ont augmentés ces dernières années, si notre attention n’était pas attirée par le fait que tout cela émerge dans un contexte de réforme des collectivités territoriales dont le moins que l’on puisse dire est que le principal but poursuivi par cette réforme relève davantage de basses manœuvres politiques que d’une volonté réelle de simplification administrative.

Nous serions d’autant plus attentifs aux reproches et aux messages délivrés par le pouvoir sur la « folie fiscale » des élus, si celui ci n’était pas l’organisateur des plus beaux cadeaux fiscaux faits depuis longtemps à certaines catégories sociales (bouclier fiscal, baisse de la TVA sur la restauration, suppression annoncée de la Taxe Professionnelle), sans compter l’augmentation constante de la dette et des déficits publics qu’ils faudra bien payer un jour.

Une fois le nuage de fumée dissipé, intéressons-nous quand même aux dépenses des collectivités locales pour voir si les reproches formulés sont fondés ou bien si ceux ci ne relèvent que d’une politique de communication destinée à les affaiblir, et intéressons-nous également à des pratiques qui ne sont jamais citées mais qui mériteraient notre ressentiment.

La construction de « palais »

Collectivités de plein exercice depuis peu, les Départements et Régions on cherché à couper le lien avec l’Etat avec lequel elles cohabitaient au sein des Préfectures et autres services déconcentrés de l’Etat, en construisant leurs propres locaux dénommés le plus souvent fort injustement « Palais ».

Le seul tort de ces investissements immobiliers récents a été d’être visibles et d’apparaître comme somptueux, car neufs, d’où questionnement des contribuables.

Beaucoup de Départements et de Régions n’ont pas fait ce choix et on continué à cohabiter avec les services de l’Etat, au détriment de la visibilité de la décentralisation et de leur propre efficacité et ont, pour faire face à l’extension de leurs compétences, loué des bureaux, parfois fort cher, sur le marché de l’immobilier.

Sur la durée, le coût des loyers s’avère plus dispendieux que la construction ou l’achat d’immeubles, mais l’essentiel n’est pas là : ces collectivités ont pratiqué l’enfumage et personne ne saura qu’elles ont dépensé plus que celles ayant investi dans ces fameux « palais ».

Les indemnités des élus

C’est vrai, certaines collectivités exagèrent, non pas sur le montant des indemnités, qui sont réglementairement plafonnées, mais parfois sur le nombre de vice-présidents qui peuvent les percevoir, notamment dans certaines intercommunalités (Agglomération de Metz, par exemple). Là aussi, ces situations sont montrées du doigt et participent à décrédibiliser les élus dans leur totalité, alors même que la majorité des fonctions électives dans notre pays sont bénévoles, les conseillers municipaux ne percevant aucune indemnité. A méditer !

La croissance « exponentielle » du nombre de fonctionnaires territoriaux

Sur cet aspect des choses, il convient d’être prudent, même si certaines embauches – rares – peuvent relever d’une stratégie de maintien au pouvoir de la part de certains élus peu scrupuleux.

L’augmentation du nombre de collaborateurs de cabinets semble davantage répréhensible et d’une pratique plus générale dans les collectivités d’une certaine taille, de même que les embauches de personnels par les intercommunalités sans que cela n’influe, à la baisse, dans les communes.

Encore faut-il être prudent, et noter que la croissance des effectifs s’accompagne le plus souvent d’une augmentation des services à la population et des capacités d’expertise de ces collectivités et que ces embauches pallient l’insuffisance des transferts de personnels de l’Etat pour la réalisation de compétences nouvelles.

N’oublions pas tout de même que l’Etat, qui a transféré beaucoup de compétences aux collectivités, ne s’est pas toujours pour autant comporté en gestionnaire scrupuleux de ses effectifs en conservant des fonctionnaires d’Etat pour des missions qu’il ne réalise plus.

Alors, dérives des dépenses ou non ?

Oui, mais pas là où on veut bien nous l’indiquer gracieusement pour vilipender les élus en oubliant de dire que les économies à réaliser sur ces points sont minimes et auront un impact quasi nul sur la fiscalité. L’essentiel est ailleurs, dans des dépenses qui profitent en premier lieu les entreprises bien introduites et parfois en situation de quasi monopole sur les marchés et délégations de services publics des collectivités ainsi qu’à certaines associations.

Le fromage des collectivités locales

Constructions de bâtiments, de routes, aménagements urbains, restauration collective, eau et assainissement, transports, voilà quelques exemples de fromages pour des entreprises privées qui ont su s’adapter en éliminant autant que faire se peut la concurrence pour faire la pluie et le beau temps en matière de prix et de tarifs payés par les collectivités territoriales, parfois en pratiquant des ententes. Résultats : des prix exagérés et des marges juteuses pour les actionnaires, la sous-traitance, largement utilisée, ne récoltant que des miettes pour tout juste survivre.

Le must dans ces domaines : la réalisation d’études préalables par les collectivités pour la réalisation du cahier des charges, par des bureaux d’études dont les actionnaires sont parfois les entreprises qui gagneront les marchés ou les délégations.

Et bien évidemment le chantage à l’emploi et le rappel des montants de taxe professionnelle versée pour exercer d’amicales pressions sur les collectivités qui seraient tentées de limiter leurs dépenses ou de retenir une entreprise ne « jouant pas le jeu ».

Les associations profitent largement du financement des collectivités locales et parmi ces associations, celles qui exercent pour le compte de la collectivité des missions de service public, dans le domaine du social notamment.

Créées à une époque où il était de bon ton de déléguer certaines tâches relevant des collectivités à des associations, pour des raisons idéologiques mais également pratiques (cela évitait de recruter des fonctionnaires) ces quasi entreprises se sont transformées au fil du temps en contre pouvoirs redoutables pour les collectivités soumises à d’amicales pressions et de chantage à l’emploi en cas de non versement des sommes demandées. Résultats : des prestations parfois plus onéreuses que si elles étaient réalisées par les services des collectivités et quelquefois des sommes improductives placées en bons de caisse auprès des banques pour pallier l’excès de trésorerie.

Des élus avec des réflexes d’élus, finalement…

Hormis la gestion des affaires locales, tâche dont beaucoup d’élus s’acquittent avec sérieux et compétences, il ne faut pas oublier que la vocation de l’élu c’est de pouvoir être réélu la prochaine fois, surtout dans les grandes agglomérations, les Départements et les Régions. L’enjeu est de gagner des sièges pour le parti et donc de présenter le meilleur candidat aux élections, le cumul des mandats étant le corollaire du système.

N’attendez donc pas que les élus se mettent à dos les entreprises et associations prestataires des collectivités en remettant en question le système de prix et de subventions en place.

L’exécutif local qui aurait des velléités dans ce domaine serait assuré de prendre une veste lors des élections suivantes car le système repose sur cet « équilibre de la terreur » dont les contribuables sont les seuls à faire les frais.

N’essayez pas de me faire dire que c’est seulement exclusivement dans des collectivités de gauche ou de droite que ce système fonctionne : c’est partout, et l’on voit lors d’alternances politiques des exécutifs nouveaux se fondre dans les pratiques des anciens et inaugurer les mêmes ronds points, déviations et aménagements urbains coûteux et reconduire des subventions au nom d’un pragmatisme politique qui fera gagner les prochaines élections mais certainement pas au nom de la bonne gestion des finances publiques locales.

Les vraies questions sont là et non pas dans les miettes médiatiques que l’on veut bien distribuer aux braves citoyens peu au fait des arcanes de la gestion des collectivités territoriales



14 réactions


  • jmv59 5 décembre 2009 12:08

    Je souscris totalement à l’analyse qui lutte contre la désinformation et la démagogie ambiantes.
    Je suis d’autant plus désolé de voir la pléthore de vice-présidents qui prête effectivement le flanc à une critique de l’intéressement des élus locaux. Ma is je relève une erreur qui n’enlève rien à l’analyse parce que le rôle d’un conseiller municipal n’est pas négligeable : il existe une indemnité pour le CM de base dont le plafond est fixé à environ 225€ mensuel.


    • Michel DROUET Michel DROUET 5 décembre 2009 13:54

      Merci pour cette précision.
      Cette indemnité ne permet pas cependant de vivre du « métier » d’élu, ce qui fait que c’est plutôt du bénévolat.
      C’est davantage du défraiement pour ces élus désintéressés.


  • elec 42 elec 42 5 décembre 2009 12:15

    l’incompétence des coléctivitées locales n’a d’égale que celle de l’état,on a augmenté les échelons,mairies,cantons,départements,régions,états,europes,sont venues se gréffées la dessus l’intercommunalitée,les communautées d’aglommération,avec à chaque fois des nouveaux fonctionnaires qu,ils faux rémunéré avec l’argent du contribuable.ses gens sont incapables de gérer les comptes public,ils dépenssent sans compter,ils votent un budjet sans savoir se qu,ils auront comme recettes,ont marche sur la téte !!!!!


    • Laury 5 décembre 2009 15:51

      Oui elec 42 mais cela est possible parce que le sommet de leurs hiérarchie en fait de même
      il n’y a qu’a voir ce qui ce passe a la tête de l’état et de l’Europe !!!
      Mais le plus grave combien de tout ses profiteurs sont des « élue du peuple » ???? 


  • Rough 5 décembre 2009 12:36

    La réponse est dans la question !

    Si doute il y a alors voir les experts que sont le couple de repris de justice balkany, l’affreux jojo frêche, boucheron l’escroc d’angoulême, ou le faux naïf dalongeville d’henin beaumont...


    • Michel DROUET Michel DROUET 5 décembre 2009 13:58

      Intéressant !!!
      Finalement, on va arriver à découvrir des choses que les médias traditionnels ne nous disent pas....


    • Laury 5 décembre 2009 15:58

      Franck2012 vous avez de la chance a Angers !
      Au niveau de l’Europe des autoroutes Polonaise sont construite avec des subventions de l’Europe par des Chinois qui en plus ont aussi investie 100 000 euros dans le marché et nous
      ramène des centaines de Chinois qui ne retournerons pas dans leurs pays !!!!
      Vive l’Europe !


  • pragma 5 décembre 2009 15:42

    Il est évident que les élus locaux ont un pouvoir ( qu’ils recherchent quand ils sont candidats), et qu’ils font tout ce qu’il faut pour le conserver.
    Les distributions de subventions à des associations « copines » sont monnaie courante, et se font en toute impunité, la loi ne prévoyant pas d’obligation de transparence des comptes. Quand on ne parvient pas à faire embaucher un parent ou un bon copain dans la fonction territoriale, on le fait rémunérer par le biais d’une asso ! C’est banal !
    Les élus braillent, par principe.
    Mais ce sont eux qui décident, en fait, du fromage qu’ils vont se partager (leur couleur politique n’a, à ce niveau, aucune importance...)
    Quant aux palais... ce sont souvent effectivement des palais et des gouffres !


  • zelectron zelectron 5 décembre 2009 16:53

    prescription du remède souverain de la meilleure efficacité qui soit.

    - petite décimation (économiquement parlant) : petite purge de députés tout partis confondus pour leur faire toucher du doigt la réalité du terrain (un député sur dix viré au hasard sans indemnités)
    - posologie : prendre tous les élus, président de la république en tête, bien mélanger en tous sens, puis les aligner en rang d’oignon et faire prendre la sortie à 1 sur dix d’entre eux.
    - en cas d’insuffisance du traitement renouveler l’opération autant de fois que nécessaire
    (si il n’y a plus d’élus, recommencer les élections afin d’en avoir un nouveau stock)

    remarques :
    - il ne peut pas y avoir de jaloux puisque tous les partis y seraient soumis.
     - et les romains quand ils ont cessé de prendre ce « médicament » on vu leur empire décliner : comment croyez vous que les chinois « tiennent » 1,3 milliard de « sujets » ?


  • georges 5 décembre 2009 17:27

    ah bon denoncer le gaspillage et la gabegie des elus ne fait plus de nous des jean pierre pernaud ? des demagos/fachos/droitistes/liberaux ?
    et ben , quelqu un qui serait tombé dans le coma ya 3 ans se serait reveillé aujourd hui trouverait que ce pays a drolement evolué ! 


    • Michel DROUET Michel DROUET 5 décembre 2009 17:49

      C’est tout simplement la différence entre populisme et citoyenneté.
      Les premiers bouffent du fonctionnaire à tous les repas, les seconds essayent de réfléchir en démontant le système pour faire avancer le débat.


  • paul 5 décembre 2009 21:06

     Il y a le clientélisme et parfois la gabegie dans les collectivités territoriales ,mais quid du
    contrôle de légalité ? L’État a t-il les moyens de réaliser sa mission auprès de ces collectivités ?
    Je ne le crois pas puisque avec la politique actuelle, il se désengage de plus en plus et réduit ses moyens d’intervention .


    • Michel DROUET Michel DROUET 5 décembre 2009 22:08

      Dans les exemples que je cite, notamment les marchés ou les délégations de services publics les plus importants, le rôle du contrôle de légalité se borne à vérifier que la procédure à bien été suivie dans le respect du Code des Marchés Publics et que toutes les délibérations ont bien été prises par les organes délibérants des collectivités.
      Il n’existe pas de contrôle sur le montant des marchés et donc les entreprises qui sont en situation de quasi monopole ou les entreprises qui s’entendent fixent les prix qu’ils veulent (c’est la pseudo loi de l’offre et de la demande), d’où des marges parfois très importantes et justifiées seulement par l’objectif de rentabilité financière des actionnaires.
      La Direction de la Concurrence et de la Consommation, seule administration qui pouvait enquêter sur les prix, est en cours de démantèlement, ce qui veut tout dire.


  • Internaute Internaute 6 décembre 2009 13:18

    Une fois que la machine est lancée, il est bien difficile d’en corriger les excès. Prenons un exemple, l’amiante comme isolant dans les bâtiments. L’amiante est cancérigène. On peut discuter des heures pour savoir s’il vaut mieux porter un filtre respiratoire ou des gants en caoutchouc. La seule solution a été d’interdire une fois pour toute l’amiante dans la construction et on ne s’est pas préoccupé de savoir si Eternit allait faire faillite.

    Il en est de-même avec les élus locaux. La régionalisation a créé une pléthore de couches administratives supplémentaires où chacun essaye de faire son boulot. Il y a des escrocs, des profiteurs c’est vrai, mais les plus dangereux sont encore les honnêtes gens. Ils arrivent chaque matin à leur bureau avec la conviction qu’il faut faire quelque-chose pour la communauté, qu’il faut faire des projets, prendre soin des vieux, des jeunes, des clochards, des PME, des trottoirs, des chiens, des toîts qui sont mouillés par la pluie, de l’enfance heureuse et de l’enfance malheureuse, des piétons et des moineaux. Les bandes blanches sur la route sont repeintes quand elles sont encore en bon état. On passe son temps à poser des obstacles sur la voie pour empêcher les gens de circuler.

    Ce système est complètement pourri à la base car il a deux conséquences inéluctables . La première est la disparition des libertés individuelles parceque les milliers d’élus ne font que s’immiscer un peu plus dans la vie privée des gens.

    La seconde est une augmentation sans fin des taxes car tout nouveau projet, même complètement inutile ou ne profitant qu’à 1% de la population, coûte énormément.

    Dans mon département nous payons environ 5.000 euros par an et par famille pour soutenir le Conseil Général. Combien d’heures de travail faut-il pour économiser 5.000 euros en une année ? Je parle bien d’économie c’est à dire une fois que tout le reste est payé.

    Est-ce que vraiment les gens ont envie de gaspiller ces 5.000 euros dans le Conseil Général ? En retirent-ils un bénéfice correspondant ? J’ai des doutes.

    Peu à peu on sombre dans l’esclavage. Les gens étant sur-taxés sont de plus en plus pauvres et ont de plus en plus besoin des aides ou des services soit-disant gratuits de l’état. Je vous rapelle que n’importe quel employé de la classe moyenne est taxé à hauteur de 65% du fruit de son travail, toutes taxes confondues. L’élu s’engraisse sur notre dos.

    La régionalisation est une grave erreur qu’il faut corriger par un référendum.

    La seule solution est de supprimer une fois pour toutes ces fourmilières de parasites et de revenir à une gestion centralisée pour l’essentiel, décentralisée pour le reste dans les actuelles préfectures. Etre proche de l’habitant ne signifie absolument plus rien à l’heure de la déclaration de revenu ou de chômage par Internet. De toute manière, essayez de rencontrer vos élus et vous m’en direz des nouvelles.


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