mardi 2 janvier 2018 - par C’est Nabum

Les gardiens du petit matin

Une pensée émue pour ces gens de l’aube.

Il est des jours plus encore que les autres où le monde sommeille, la soirée s’est terminée fort tard, la fête ou les agapes ont battu le plein et le joyeux peuple des fêtards dort d’un sommeil lourd, chargé des débordements de la veille. Certains n’émergeront qu’aux premières heures de l’après-midi, d’autres passeront la journée dans un état comateux. Les rues resteront désertes, un silence inhabituel s’étend dans la cité.

Pourtant, des ombres furtives s’agitent ici ou là, s’emploient à assurer la continuité de la vie, à œuvrer pour le confort et la sécurité des citoyens ou bien la propreté de la ville. Ce sont les gardiens du petit matin, ces travailleurs de l’aube qui en dépit des festivités de la veille, gardent la continuité de nos existences et sont les vigies de la fin de la nuit. Dans les campagnes, les éleveurs eux-aussi, affrontent les brumes du sommeil pour s’occuper de leurs bêtes.

J’imagine aisément le sentiment étrange qui doit les envahir. Jamais ils n’évoluent dans un tel contexte. Ces jours sont si particuliers, ils prennent alors conscience de l’immense décalage qui est le leur. Ils se sont levés alors que d’autres n’étaient pas encore couchés. Ils se sont rendus dans leur ferme, au commissariat, à la caserne, à l’hôpital, à l’entrepôt ou bien dans le fournil, entamant une journée de labeur quand le pays tout entier sombre dans les vapeurs de l’alcool.

Ils ont passé la soirée précédente à se priver, à refuser de trinquer tout en fuyant les joyeuses troupes avinées. Ils se sont couchés quand tous les autres enfilaient leurs habits de lumière. Ils ont cherché le sommeil alors qu’arrivaient jusqu’à eux les murmures de la fête, les coups de klaxons et les décibels des animations. Ils se sentaient en décalage déjà, en se levant ils perçoivent combien leur situation l’est véritablement.

Ils seront en poste pour recevoir ceux qui ont débordé à un moment ou un autre. Ils se rendront sur les lieux d’un accident, ils viendront au chevet d’un buveur déraisonnable, ils recevront les éclopés de la furie collective, ils interviendront pour calmer les algarades du petit matin, ils nettoieront les rues souillées par les excès de toutes sortes.

Les gardiens du petit matin sont ces travailleurs de l’ombre, mal payés, peu reconnus, moqués par les tenants d’un libéralisme forcené qui ne fait la part belle qu’à ceux qui n’agissent que pour leur seul profit. Eux, sont au service de tous, des plus faibles, des exclus, des malades, des isolés, de ceux qui sont en détresse, ils sont pour la plupart fonctionnaires ou bien employés de l’ombre de services à la personne, infirmières ou médecins, pompiers ou bien ambulanciers, gendarmes ou bien agents de sécurité.

Ils méritaient bien un petit hommage quand le discours ambiant ne fait gloire et honneur qu’aux princes de l’avidité et de l’égoïsme, aux rois du CAC 40 et aux requins de la finance. La vie collective ne serait pas supportable sans eux, ils sont le ciment d’une société qui se délite de plus en plus. Ils maintiennent en dépit de leurs chefs, des directives de l’état, de la pensée majoritaire la bonne marche d’une nation bien loin des paradigmes de notre bon président.

Quand vous émergerez de votre sommeil, ils en auront fini, à leur tour ils rentreront chez eux pour bénéficier d’un sommeil réparateur. La vie aura repris ses droits, vous oublierez de les remercier, ignorant ce qui s’est passé alors que vous n’étiez pas en état. Si au moins vous aviez une petite pensée pour eux, un peu de gratitude et beaucoup de considération, vous leur feriez le plus grand plaisir. N’oubliez jamais qu’un monde sans les gardiens du petit matin ou bien sans les veilleurs de la nuit, ne serait pas fréquentable.

Dormez tranquilles braves gens, le petit peuple de l’ombre veille sur votre sérénité Faites-leur un petit signe amical, ils appartiennent à la même humanité que la vôtre.

Reconnaissancement leur.



16 réactions


Réagir