Les gendarmes ont besoin de chefs, pas de héros ...
L’actualité nous propose des télescopages étonnants, et moi qui ne crois jamais aux hasards, je me demande si quelqu’un quelque part ne s’amuse pas à nos dépens.
D’un côté, le gangster Monmon le Lyonnais fait son entrée sur la scène médiatique à l’occasion de la sortie du film « Les Lyonnais ». C’est le pote de Neyret, Olivier Marchal qui nous propose l’histoire de ce gang qui fit les beaux jours de la pègre de la capitale des Gaules. Il y aurait beaucoup à dire sur ces projections dans notre paysage, sur la publicité faite à l’occasion de la sortie de ce film, sur l’arrivée de Momon dans les médias, mais au fond, il ne faut y voir qu’une histoire de voyous comme une autre, mise en scène pour nous distraire.
Mais je ne passerai tout de même pas sur le sourire que m’inspirent les frissons ressentis, jusqu’à leur intimité la plus secrète, par les bourgeoises approchant le crime à bon compte, par les bourgeois s’encanaillant par procuration.
Héros par procuration.
Voilà l’autre événement du télescopage dont je vous parlais.
Autre événement médiatique, la sortie du film « L’ordre et la morale » qui fait grand tapage dans la presse et où bizarrement Michel Lefèvre est absent.
Matthieu Kassovitz, le réalisateur du film, nous fait cadeau d’une histoire qui veut réconcilier des citoyens de la République. C’est une bonne nouvelle, dans tous les cas. Ouvéa, c’est une histoire d’hommes et forcément les témoignages divergent. Le pardon a été accordé pour la paix publique. Il ne faut pas revenir dessus et se jeter les horreurs à la figure.
Mais Matthieu Kassovitz, c’est aussi celui qui fut mis au ban pour de simples interrogations à propos de l’attentat de 11 septembre. Rappelez-vous comment il avait été traité ! Mardi le tribunal correctionnel de Paris lui a donné en partie raison. Chronologie surprenante !!!!!
Ce n’est pas le réalisateur qui nous intéresse, mais l’officier de gendarmerie qui l’accompagne dans la présentation du film.
Il n’est plus possible de parler d’officier de gendarmerie sans se référer à la définition qu’en donne le Général Cavallier dans son discours d’adieux aux armes au mois de septembre dernier. Un discours qui a marqué, je vous l’assure.
« …………….A chaque niveau, depuis l’unité élémentaire, le chef s’impose. Un chef qui écoute, qui parle, qui décide, qui agit devant. Un chef, qui en définitive, est seul, responsable……. »
Je vous prie de bien vouloir m’excuser de ne vous donner que l’opinion de quelqu’un qui a fait la plus grande partie de sa carrière en tant que sous-officier.
Lorsque je lis le témoignage de Michel Lefèvre, je me dis qu’il a dû y avoir quelque part une erreur de casting au GIGN.
Il semble bien pourtant que les supérieurs de Legorjus s’étaient rendu compte qu’il n’était pas l’homme de la situation. La hiérarchie qui l’avait muté dans une très belle affectation dans le sud de la France avait dû avaler son chapeau, retirer l’ordre de mutation, et le conserver au GIGN.
Je crois bien que tout le problème est là. Aussi, je ne veux pas blâmer l’homme qui a vécu un moment extrêmement difficile et qui doit aujourd’hui vivre et revivre inlassablement son départ de l’unité qu’il commandait au moment de l’assaut et finalement son échec.
A sa décharge, la négociation avait déjà payé lors d’une prise d’otage dans une prison de l’Est de la France quelques semaines avant Ouvéa. Il croyait sans doute pouvoir négocier avec les canaques et obtenir leur reddition sans avoir à user de la force. C’est tout à son honneur.
Mais les négociations étaient terminées, le pouvoir démocratique, le chef des armées, le président de la République l’avaient décidé et notre capitaine devait assumer son devoir. Il n’y avait plus à s’interroger, il fallait obéir. Tenter de jouer une partie différente est une défaillance qui interdit tout commentaire a posteriori.
Le jugement tombe de la bouche de Lefèvre, celui qui a assumé à la place de son chef absent : « « Je suis curieux de voir ce film, car je pense que le Capitaine Legorjus n’a pas assumé son rôle sur le terrain d’être à la tête de ses hommes »
Quelle partie voulait jouer Legorjus ? Le débat actuel nous l’apprendra sûrement et il semble bien que l’arrivée de Prouteau dans l’arène nous éclairera davantage.
Toujours est-il que les gendarmes n’ont pas besoin d’hommes qui jouent une partie séparée, pour ne pas dire personnelle, de héros médiatiques, mais ils ont besoin à leur côté, devant eux, de chefs.
Les héros sont dans les cimetières me répétait mon père lorsqu’il m’expliquait pourquoi il n’allait jamais à ces commémorations où il ne reconnaissait personne de ses compagnons d’arme.
Alors pour répondre à Monsieur Merchet qui s’interroge sur Legorjus, je lui réponds que le héros est celui qui fait son devoir de serviteur de la nation. Le héros est le chef qui reste avec ses hommes pour être au rendez-vous du regard interrogateur et lui apporter une réponse, pour rassurer d’un coup de tête celui qui a peur et hésite, pour donner la plénitude de sa compétence dans les moments les plus difficiles.
Jacky Mestries - Directeur de publication d' armee-media.com
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