mardi 15 septembre 2015 - par Michel DROUET

Les Maires dans la rue ?

C’est un rapport, un gros rapport d’information, comme seuls les sénateurs sont capables d’en pondre, qui finira bientôt au fond d’un placard mais qu’il est intéressant de lire tant on voit que les Maires sont manipulés par les sénateurs qui les couvent.

Résultat : une journée d’action des Maires le 19 septembre prochain pour que le gouvernement prennent en compte leurs difficultés face à la baisse des dotations de l’Etat de 15 Milliards d’euros sur trois ans.

Un rapport « scientifique »

Les sénateurs qui ne manquent jamais l’occasion de dénoncer les dépenses de l’Etat font une exception pour les dotations aux collectivités locales, particulièrement les communes qui vont se trouver confrontées à de grandes difficultés si l'Etat maintient ses coupes financières (dixit le rapport).

Ce rapport a été rédigé sur la base d’une enquête confiée à l’IFOP (aux frais des contribuables, donc), ce qui ne serait pas répréhensible si la méthode et le taux de réponses répondaient à des critères hors de tous soupçons.

Sur la méthode qui consiste à établir un questionnaire en fonction des réponses que l’on souhaite ou que l’on ne souhaite pas, on peut difficilement faire mieux, mais il faut remarquer que c’est là pratique courante chez les élus (les conseillers généraux avaient fait de même pour dire qu’ils étaient indispensables).

Ont été « sondés » toutes les communes, les EPCI (intercommunalités), les conseils départementaux et régionaux soit environ 39000 collectivités. Le rapport nous indique que 5000 élus se sont connectés entre le 5 mai et le 1er juin et que 3057 questionnaires valides ont été exploités pour l’enquête, soit à peine 10 % des collectivités ! Un franc succès, comme on peut le constater, sur lequel nos chers sénateurs et l’Association des Maires de France organisent donc leur journée d’action du 19 septembre.

Un rapport orienté

Dès l’avant-propos on met en avant la dégradation des dépenses d’investissement à venir et on y revient régulièrement tout au long du rapport (pages 8, 9, 14, 16, 17, 19, 20, 24, etc., etc.,) et pour le lecteur qui n’aurait pas encore compris on convoque à la rescousse la fédération nationale des travaux publics et la fédération française du bâtiment qui parlent de repli de 12 à 15% de la construction de bâtiments et des travaux publics. Les consultants spécialisés parlent aux de baisse de 25 % d’ici à 201 et de perte de 60000 emplois ! L’apocalypse !

A la fin de la lecture du rapport on pourrait avoir l’impression que les budgets de communes servent exclusivement à l’investissement alors même que ce poste ne représente que 30 % environ de ces budgets, principalement composé de dépenses de fonctionnement (personnel, administration générale, fournitures,…).

Et comme bien sûr, le gouvernement est sensible à l’accroissement des investissements pour faire tourner l’économie, il est de bonne guerre que les élus locaux se plaignent de la baisse de leurs dotations financières et enfoncent le clou là où ça fait mal.

L’investissement, passeport pour la réélection

Quoi de mieux qu’un rond-point, des bacs à fleurs, des réverbères neufs, une salle polyvalente ou de sports, voire une médiathèque pour assurer la gloire d’un élu ? Il faut du visible pour que les citoyens comprennent que le Maire fait quelque chose pour la commune. Ce n’est pas au travers des dépenses courantes de fonctionnement et de personnel qu’il se valorisera, mais bien lors des inaugurations en grandes pompes d’équipements pas toujours utiles et parfois surdimensionnés et qui vont plomber la dette communale pendant 20 ans, mais qui feront la une de la presse locale et du bulletin municipal avec l’incontournable photo de coupage de ruban tricolore avec les personnalités (dont le sénateur, bien entendu).

On comprend donc l’envie irrépressible des élus locaux à investir, mais pas toujours à bon escient. Ils sont aidés (ou enfoncés, c’est selon) en cela par les conseillers départementaux qui leur octroieront des subventions provenant toujours de la même poche, celle du citoyen en oubliant de dire que tout investissement (en particulier dans des bâtiments) génère environ 10 % de coûts induits de fonctionnement par an, ce qui vient grever à chaque fois le budget communal.

Il y a quelques années, en période de croissance des recettes fiscales, le système marchait, ce n’est plus le cas aujourd’hui, où chaque collectivité qui prélève l’impôt dans la poche du seul et unique contribuable (fiscalité directe et indirecte), commence à percevoir les limites du système qui plombe la consommation des ménages.

La conclusion, cerise sur le gâteau !

Le rapport, tout au long de ses 121 pages détaille par le menu les conséquences prévisibles de ces baisses pour les communes et élude poliment la voie des fusions de communes qui est la seule à même de répondre à l’enjeu des économies budgétaires.

Oui, mais voilà, des fusions de communes entre elles ou au sein d’intercommunalités, ce serait moins d’élus, et de cela ils ne veulent pas !

Ils abordent timidement les mutualisations de services entre communes, qui elles, auraient le mérite de conserver les mandats en faisant éventuellement des économies sur le personnel et les dépenses de fonctionnement, mais de cela, on n’est jamais sûr, étant entendu qu’il faudra créer de nouvelles structures de gestion et que le précédent de la création des communautés de communes qui aurait dû se faire à effectifs constant s’est traduit par une inflation de créations de nouveaux postes de fonctionnaires territoriaux.

En fin de rapport, on est tout de même surpris qu’après cette description apocalyptique des conséquences de la baisse des dotations de l’Etat, les auteurs du rapport, n’en demandent pas le maintien, mais l’établissement d’un calendrier de la baisse : comprenne qui pourra !

Ils sont inquiets

Les élus locaux sont inquiets, enfin c’est ce que nous dit le rapport au travers de son échantillon interrogé, à peine représentatifs et ils le feront savoir le 19 septembre en manifestant avec leurs écharpes tricolores, mais au fait, si les élus se mettent en scène, qu’en pensent les citoyens ? Si on leur expliquait que l’investissement ne doit pas être là juste pour faire plaisir aux élus et donner du travail aux entreprises, mais qu’il doit répondre à des besoins réels, si on leur disait que cette course effrénée à l’investissement leur coûte cher, qu’il peut être préjudiciable à d’autres politiques moins connues (action sociale, associations, lien social, culture,…), ne se poseront ils pas les bonnes questions en demandant à leurs maires de se calmer un peu sur l’investissement ?

Et si on dit à ces citoyens que la fusion des communes au sein des intercommunalités ne changera rien pour leur quotidien, que cela coûtera globalement moins cher et que la proximité pourra toujours être assurée par quelques élus seulement, interlocuteurs privilégiés des habitants et non courant d’une réunion à l’autre et insaisissables comme actuellement ?

Il faut arrêter de prendre les citoyens pour ce qu’ils ne sont pas en essayant de les manipuler aux seules fins pour des élus locaux et des sénateurs de garder leurs mandats. 



6 réactions


  • leypanou 15 septembre 2015 09:36

    " Si on leur expliquait que l’investissement ne doit pas être là juste pour faire plaisir aux élus et donner du travail aux entreprises, mais qu’il doit répondre à des besoins réels " : c’est le genre de propos qu’ils n’aiment pas du tout entendre.

    Qui n’a jamais entendu parler de travaux disproportionnés par rapport à la capacité financière d’une commune et laisse la commune endettée sur plusieurs années ? Ou encore de ces fameux ronds-points dont on se demande quelle est vraiment leur utilité ? Ou encore de travaux non faits car leur réalisation n’apporte pas grand-chose à la publicité de la majorité municipale (par contre, juste avant les élections, on a vu beaucoup de travaux en suspens réalisés très rapidement) !


    • Michel DROUET Michel DROUET 15 septembre 2015 10:29

      @leypanou
      Jusqu’à présent les « investissements » suivaient le rythme des mandats et la fiscalité locale était adaptée en conséquence. C’est un peu moins vrai aujourd’hui parce que les élus se sont rendus compte qu’ils ne pouvaient plus indéfiniment tondre le contribuable. Le début de la baisse des dotations de l’Etat les a rendu prudents et c’est bien.
      La question de l’endettement mérite également d’être posée et on constate aujourd’hui que de plus en plus de communes sont dans le rouge.
      Enfin, la question que vous posez est celle de l’utilité de certains investissements. J’y souscris pleinement.


  • zygzornifle zygzornifle 15 septembre 2015 10:03

    « Les sénateurs qui ne manquent jamais l’occasion de dénoncer les dépenses de l’état » .....

    Le train de vie indécent de nos chers sénateurs... : les 26 sénateurs qui forment le bureau du Sénat ont substantiellement amélioré le statut des fonctionnaires à leur service. D’un trait de plume, ils ont allongé de 6 ans la durée pendant laquelle un fonctionnaire peut travailler en dehors du Sénat sans perdre le droit d’y revenir. Portant ainsi ce qu’on appelle la « disponibilité » à 18 ans. Un confortable parachute. Cette décision ne doit rien au hasard puisque le premier bénéficiaire n’est autre que Bernard Rullier, conseiller parlementaire de François Hollande et membre du prestigieux corps des administrateurs du Sénat.
    http://www.challenges.fr/economie/20140918.CHA7897/l-indecent-train-de-vie-de-nos-chers-senateurs.html

  • zygzornifle zygzornifle 15 septembre 2015 15:40

    Quand je vois mon maire déambuler j’ai honte pour la rue


    • Michel DROUET Michel DROUET 15 septembre 2015 16:00

      @zygzornifle
      J’ai vu ce midi aux infos un Maire d’une commune sinistrée par les inondations apporter un pack d’eau à une personne âgée.

      N’y a t-il personne d’autre dans cette commune (CCAS, ou personnel municipal) pour faire ce genre de livraison qui s’apparente surtout à une belle opération de com ?


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