mardi 19 mai 2015 - par Sylvain Rakotoarison

Malcolm X (1925-1965) : errare humanum est

Trois mots clefs : islam noir américain.
Trois erreurs : la haine, le racisme et le nationalisme.

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Connaissez-vous Malik El-Shabazz ? C’est le nom musulman de Malcolm Little, alias Malcolm X. Il aurait eu 90 ans ce mardi 19 mai 2015. Il a été assassiné à New York il y a un peu plus de cinquante ans, le 21 février 1965, à 39 ans.

Très brillant intellectuellement, Malcolm X a commencé sa vie aux États-Unis dans les pires conditions : pauvreté, discrimination, orphelin. Au lieu de poursuivre de brillantes études comme il en aurait eu la capacité, il a sombré dans la délinquance en bandes organisées (vols, trafics de drogue, etc.) après avoir fait des petits boulots (il aurait ciré les pompes de Duke Ellington à New York).

Il fut arrêté le 12 janvier 1946 et condamné à dix ans de réclusion criminelle à l’âge de 21 ans. C’est en prison qu’il a commencé à s’instruire par de nombreuses lectures : « Mon confinement est d’une autre nature ; je finis ma quatrième année d’une peine de prison de huit à dix ans… mais ces quatre ans de réclusion se sont révélées être les plus enrichissantes de mes 24 ans sur cette terre et je ressens que "ce cadeau du temps" était un cadeau qu’Allah me fit, sa manière de me sauver de la destruction certaine vers laquelle j’avançais. » (15 février 1950). Il est finalement libéré le 7 août 1952 pour bonne conduite après avoir purgé les trois quarts de sa peine. Sur ces années de prison, Malcolm X expliquait : « Les mois passaient et il ne me semblait même pas être emprisonné. En fait, jusqu’à ce moment-là, je n’avais jamais été aussi libre de ma vie. ».

À sa sortie de prison où il commença à se faire appeler X pour rappeler l’ignorance de son vrai patronyme issu de ses ascendants esclaves, il a rejoint l’organisation militante noire musulmane Nation of Islam (une secte musulmane, pour dire clairement les choses) dont il avait entretenu une correspondance assidue avec le leader (Elijah Muhammad, véritable gourou qui se proclamait prophète) durant ses années de prison (c’étaient ses frères qui l’avaient introduit dans cette organisation). Nation of Islam est une organisation extrémiste qui revendiquait un nationalisme noir (un État américain pour les Noirs) et une haine contre les Blancs.

À partir de 1953, Malcolm X prêchait pour Nation of Islam, à Chicago puis à Harlem. Charismatique, alliant à la fois l’effort et le talent, il a réussi à très rapidement avoir une forte audience auprès des gens. L’écho médiatique l’a hissé à la célébrité nationale en 1959, et il avait ainsi accès à tous les médias des États-Unis au point de susciter parfois de la jalousie chez les autres responsables de son organisation.



Cette perspective clivante et très manichéenne de l’analyse de la société s’opposait aux efforts de non-violence prônés par un Martin Luther King (qui fut lui aussi assassiné à 39 ans le 4 avril 1968) dans le mouvement des droits civiques pour supprimer la ségrégation ethnique aux États-Unis.

On pourrait même oser un parallèle avec le conflit israélo-palestinien : en exacerbant les deux "camps", on empêche toute possibilité de paix durable. Or, c’était bien cela que professait Nation of Islam, une sorte de guerre entre les Blancs (les méchants) et les Noirs (les gentils). Un tel état d’esprit ne pouvait pas encourager ceux qui avaient le pouvoir à se ranger derrière la sagesse d’une égalité de droit et de fait.



Se plaçant dans la ligne des révolutionnaires, Malcolm X a rencontré au début des années 1960 Fidel Castro, également Che Guevara, et de nombreux chefs d’État africains.

Cette haine encouragée par Nation of Islam a même fait applaudir Malcolm X lors du crash d’un avion d’Air France qui transportait des passagers blancs. Il s’opposa à la Marche sur Washington du 28 août 1963 organisée par le mouvement des droits civiques. Pire, lors de l’assassinat du Président John F. Kennedy, Malcolm X prononça une phrase qui pouvait le faire croire heureux de l’assassinat : « Les poulets qui reviennent au perchoir ne me rendent jamais triste, ils me rendent seulement heureux. » (traduction littérale d’une formule anglaise signifiant : "qui sème le vent récolte la tempête"). Cette petite phrase le discrédita aux yeux même du gourou de Nation of Islam qui jalousait par ailleurs sa grande aura médiatique.

Cela a abouti au "divorce" le 8 mars 1964 : Malcolm X quitta définitivement Nation of Islam pour plusieurs raisons dont un désaccord personnel avec Elijah Muhammad (notamment sur son comportement) et surtout, sur sa volonté de rejoindre l’islam sunnite. Il prit le nom de Malik El-Shabazz et renonça à toute forme de racisme après le pèlerinage à La Mecque qu’il fit en avril 1964 : « Il y avait des dizaines de milliers de pèlerins, de partout dans le monde. Ils étaient de toutes les couleurs, des blonds aux yeux bleus aux Africains à la peau noire. Mais nous étions tous les participants d’un même rituel, montrant un esprit d’unité et de fraternité que mes expériences en Amérique m’avaient mené à croire ne jamais pouvoir exister entre les Blancs et les non-Blancs. L’Amérique doit comprendre l’islam, parce que c’est la seule religion qui efface de sa société le problème des "races". ». Il fit aussi un tour en Afrique et en Europe en fin 1964 ; il s’est rendu en France (où il a fait une conférence à la Mutualité à Paris le 23 novembre 1964) et en Grande-Bretagne (conférence à Oxford le 3 décembre 1964).

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À Harlem le 21 février 1965, lors d’un discours devant sa femme, ses enfants et quatre cents autres personnes, Malcolm X fut assassiné par trois personnes membres de Nation of Islam qui ont été reconnues coupables en 1966. Nation of Islam a démenti toute implication dans cet assassinat mais Betty (1934-1997), la femme de Malcolm X, a accusé Louis Farrakhan d’avoir au moins encouragé cet assassinat, parce qu’il avait écrit quelques jours auparavant : « Un tel homme, aussi hypocrite, est digne de mourir. » (ce dernier regretta sur CBS en janvier 2007 « que ce que j’ai dit a causé la perte de la vie d’un être humain » : « J’ai pu être complice en mots. »). Ses obsèques et son incinération ont eu lieu le 27 février 1965 après que plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé devant sa dépouille.

S’il n’y avait pas en cause la vie d’un homme, on aurait eu envie de répondre en miroir à Malcolm X : "Chickens coming home to roost"… Dans son autobiographie, Malcolm X s’était pourtant amendé : « Après ma mort, ils feront de moi un raciste, quelqu’un de colérique qui inspire la peur. (…) Je ne suis pas raciste. Je ne crois en aucune forme de ségrégation. Le concept de racisme m’est étranger. Je n’apprécie pas tous ces mots en "-isme". ».

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Après la mort d’Elijah Muhammad le 25 février 1975, c’est son fils Warith Deen Muhammad qui a repris le mouvement Nation of Islam en rejoignant l’islam sunnite sous d’autres appellations. Quant à Louis Farrakhan (qui a eu 82 ans le 11 mai dernier), il a relancé Nation of Islam en 1981 et a reçu en 1996 …le Prix Kadhafi des droits de l’Homme (!). S’inspirant du nationalisme noir prôné par Malcolm X, Huey P. Newton (1942-1989) et Bobby Seale (78 ans) créèrent de leurs côtés les violentes Black Panthers le 15 octobre 1966 (l’organisation révolutionnaire fut disloquée en 1972). La femme de Malcolm X, Betty a péri le 23 juin 1997 des suites d’un incendie provoqué par son petit-fils Malcolm Shabazz, lui-même assassiné le 9 mai 2013.

Malcolm X aurait pu, peut-être, devenir un Nelson Mandela qui fut longtemps considéré comme un terroriste par de nombreux responsables internationaux lorsqu’il était encore en prison, avec un physique de catcheur qui avait eu la tentation de la lutte armée contre l’apartheid. Et d’une certaine manière, s’il n’avait pas diamétralement changé d’état d‘esprit lors de sa jeunesse mouvementée, Barack Obama, au fort charisme, aurait pu, lui aussi, avoir une destinée à la Malcolm X, alors qu’il s’était choisi Noir bien que métis et élevé dans une famille blanche (mais musulmane).


L’erreur est humaine : Malcolm X n’a fait qu’exercer son talent dans une organisation qu’il a rencontrée par les hasards de ses fréquentations. Nul doute que son talent pour aider à reconnaître les droits civiques de tous les Américains, quelle qu’en soit la couleur de la peau, aurait pu se trouver bien plus efficacement reconnu s’il avait rejeté dès le début cette détestation des Blancs que la secte musulmane considérait comme des "démons". Difficile, dans ces conditions, de savoir ce que sera le jugement de l’Histoire sur cet homme dans tous les cas brillant.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 mai 2015)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
John Kennedy.
Che Guevara.
Nelson Mandela.
Barack Obama.

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9 réactions


  • jacques 19 mai 2015 17:55

    Vous êtes tout petit Sylvain, vous trouverez surement un trou pour vous cacher.


  • Albar Albar 19 mai 2015 22:28

    «  Trois mots clefs : islam noir américain.
    Trois erreurs : la haine, le racisme et le nationalisme.’’ ???? 


    ’’ cette détestation des Blancs que la secte musulmane considérait comme des »démons« .  »,du n’importe quoi !

    Des équations simplistes d’un rat coté hérisson !

  • trobador 19 mai 2015 23:17

    Vous êtes une ordure infâme Rakoto !


  • cistus 20 mai 2015 01:43

    @Sylvain


    Donc selon vous, l’Islam aurait donc libéré Malcom X de la mafia puis de cette organisation nazi qui se croit une Nation of « Islam » ?

    L’Islam est tout de même une religion de guerre, je mettrai un bémol.
    Mais il est vrai que cette organisation n’est pas reconnue comme musulmane par les milieux musulmans.

    Les seuls à se revendiquer de cette organisation extrémistes et racistes et qui défendent becs et ongles Nation of Islam sont des socialistes principalement anti-racistes. Le socialisme à la mode dans la haute société ultra libérale.

    Étrange pour une organisation que l’on nous dit encore anti-système.

  • Le p’tit Charles 20 mai 2015 09:24
    Délinquance

    Après avoir quitté Boston, Malcolm vit quelque temps dans le Michigan. En 1943 il emménage à New York où il travaille de nouveau brièvement pour la New Haven Railroad. Il trouve même un travail de cireur de chaussures dans le Lindy Hop Nightclub. Dans son autobiographie, il affirme avoir ciré les chaussures de Duke Ellington et d’autres musiciens noirs célèbres. Peu de temps après, à Harlem, où il est alors appelé « Detroit Red », il prend part à des activités de revente de drogue, de jeu, de racket et à des cambriolages. Entre 1943 et 1946, Malcolm voyage entre Boston et New York à trois reprises. Il est arrêté en 1946 àDetroit pour cambriolage et est mis en prison.

    Durant la Seconde Guerre mondiale Malcolm est examiné pour l’enrôlement dans l’armée, les médecins militaires le réforment pour le motif « 4-F » (« mentalement inapte au service militaire »). Il expliqua dans son autobiographie qu’il dût jouer un rôle pour être réformé, et soutenir au médecin militaire qu’il était impatient de s’organiser avec les autres soldats noirs et mettre la main sur une arme afin de « tuer quelquescrackers », c’est-à-dire des Blancs. Dans son dossier établi par le FBI apparait une lettre dans laquelle il se désigne comme communiste et où il explique certaines raisons de son vœu d’être réformé : « J’ai toujours été un communiste. J’ai essayé de m’enrôler dans l’armée japonaise, pendant la dernière guerre, maintenant ils ne m’enrôleront ni ne m’accepteront jamais dans l’armée américaine. Tout le monde a toujours dit... Malcolm est fou donc il n’est pas difficile de convaincre les gens que je le suis. » Or l’armée japonaise n’a jamais été communiste.

    Au début de 1946, il retourne à Boston. Il y est arrêté le 12 janvier pour avoir essayé de voler à nouveau une montre de près de mille dollars US qu’il avait laissée dans une bijouterie pour la faire réparer. Deux jours plus tard, il est également poursuivi en justice pour port d’arme. Le 16 janvier, il doit faire face aux charges de vol caractérisé et d’entrée par effraction. Il est condamné à dix ans de prison (il n’en fera que sept) dans la prison d’État du Massachusetts à Charleston, dans laquelle il arrive le 27 février. Ses relations sexuelles avec des femmes blanches (il y en avait deux dans sa bande, dont sa maitresse) faillirent lui valoir en plus une condamnation pour viol, mais elles refusent de l’accuser malgré les incitations de l’instance judiciaire. De plus, Malcolm est accro à la cocaïne, qu’il avait commencé à consommer lorsqu’il était dans la pègre....Un voyou rien de plus..pas une grande perte.. !


  • morice morice 20 mai 2015 12:07

    étonnant : voilà le fan de Pasqua et de Jorg Haider qui adoube Malcom X....


    trop drôle.

  • Esprit Critique 20 mai 2015 15:21

    Un violent, un taré haineux, raciste, sectaire abruti, etc...

    Je ne vois pas l’intérêt d’évoquer ce type.....

    Surtout comparativement à Martin Luther King , lui Intelligent Humain, qui a laissé des écrits magnifique, et une œuvre, les droits civiques.


  • Norbert 20 mai 2015 17:20

    "Cette perspective clivante et très manichéenne de l’analyse de la société s’opposait aux efforts de non-violence prônés par un Martin Luther King (qui fut lui aussi assassiné à 39 ans le 4 avril 1968) dans le mouvement des droits civiques pour supprimer la ségrégation ethnique aux États-Unis.« 

    Sauf qu’il n’y a jamais eu autant de noirs assassinés que »sous" Luther King. Dans le monde réel, hélas, se défendre parfois en usant de violence peut être plus efficace.

    La haine et la violence ne sont pas inscrites dans l’Islam où dans n’importe quelle autre idée et cette façon de voir, conséquence d’un idéalisme vaseux est anti scientifique ; La violence trouve son origine, à mon avis, dans la structure de classe du capitalisme et dans son État policier. Bien sûr ce dernier point pourrait être en théorie raisonnablement contestable, cependant l’actualité récente ne pousse pas vraiment dans ce sens.


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