mardi 22 janvier 2013 - par NICOPOL

Mariage pour tous : sous la polémique, le véritable débat

Puisque le Gouvernement a invité la population française à débattre du projet de loi sur le « mariage pour tous » (bien que rappelant que de toute façon ça ne changerait rien - mais enfin, la démocratie parfaite n’existe pas, ne soyons pas trop exigeant), j’ai décidé de prendre ma plume pour apporter ma modeste contribution à l’édifice. L’objectif principal de cet article n’est toutefois pas d’indiquer si je suis personnellement « pour » ou « contre », mais d’essayer de recadrer un peu le débat qui prend des tournures véritablement détestables qui rappelle les plus belles heures de l’Affaire Dreyfus. Dans les 2 cas en effet, il s’agit d’une affaire qui devrait pouvoir être discutée en termes objectifs et rationnels (y a-t-il des preuves irréfutables contre Dreyfus, oui ou non ; est-il justifié de modifier le mariage civil pour assurer les mêmes droits aux couples homosexuels, oui ou non) ; dans les 2 cas aussi, hélas, le débat a dégénéré en une véritable querelle idéologique qui a divisé la France entière, non pas entre citoyens raisonnables partageant des opinions différentes, mais entre 2 camps idéologiques engagés dans un combat d’une extrême violence (l’accusation d’ « homophobie » remplaçant simplement celle d’ « antisémite »).

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Ils en ont parlé (du mariage pour tous !)
Caricature de Caran d’Ache, retouchée par mes soins

Cadre intellectuel et philosophique du débat sur le « mariage pour tous »

Pour bien comprendre les enjeux-clefs de ce débat sur le « mariage pour tous », ainsi que les positions et réactions des uns et des autres, il faut donc prendre un peu de recul et, comme on dit, replacer les choses dans leur contexte : celui, plus que bimillénaire, qui oppose 2 conceptions fondamentales de l’être humain : être naturel ou être artificiel.

Selon une première conception, en effet, l’homme fait partie intégrante de la nature : s’il y occupe une place indéniablement particulière, il ne la transcende pas ; certes animal particulier, il reste animal malgré tout. La recherche du bonheur consiste dès lors à comprendre en quoi consiste l’identité naturelle de l’être humain, et à adopter des modes d’organisation sociale qui s’y conforment. Il existe ainsi un « ordre naturel  » qui doit constituer la norme de la justice et du droit, et l’organisation et le fonctionnement de la société doivent en dériver sous peine de dérèglements et d’insatisfactions. Mais, selon une conception opposée, l’homme transcende la nature : seul parmi les espèces vivantes à disposer d’un libre-arbitre, il est capable de se libérer de ses contingences biologiques et de décider en toute autonomie ce qu’il veut être. La recherche du bonheur consiste donc non plus à se conformer à un ordre naturel contingent, mais à définir ex-nihilo une identité artificielle de l’être humain, et à adopter des modes d’organisation sociale qui tendent vers la matérialisation de celle-ci. C’est à l’homme d’inventer un « ordre artificiel », et l’organisation et le fonctionnement de la société doivent s’efforcer de se diriger vers cet idéal pour assurer le plus grand bonheur de tous. Selon la première conception, toute modalité d’organisation sociale qui s’est ancrée dans la tradition d’un peuple sera considérée comme naturelle, car produit d’une forme de « sélection naturelle », et donc souhaitable et positive. Au contraire, toute volonté de changement soudain et dirigé « par le haut » sera accueilli avec beaucoup de réticence car ayant de fortes chances d’être contraire à l’ordre naturel, et donc d’écarter la société de son optimum naturel. A l’inverse, selon la seconde conception, tout ce qui peut venir du passé, de la tradition, constitue une entrave de la nature, non souhaitable et négative, et dont il convient de se libérer pour permettre l’avènement du nouvel ordre artificiel défini comme un idéal à atteindre.

Cette dialectique entre « ordre naturel » et « ordre artificiel » anime l’histoire de la pensée humaine depuis son origine. On peut en voir les prémisses dans les débats internes de la philosophie grecque entre les « idéalistes » (Pythagore, Platon), selon lesquels la véritable réalité du monde se situe dans une dimension transcendante, métaphysique, d’ordre intellectuel (celle des Nombres, Essences ou Idées), et les « matérialistes » (Démocrite, les Sophistes, les Epicuriens…) selon lesquels la seule réalité est au contraire celle de la matière et de la nature phénoménale, à laquelle il est souhaitable de se conformer pour atteindre le bonheur. On en suit l’actualisation entre les philosophes chrétiens puis Descartes, pour lesquels l’homme est la seule créature dotée d’une âme et d’un libre-arbitre, et des penseurs monistes comme Spinoza qui voient une forme d’ « esprit » jusque dans la matière inanimée. On la retrouve ensuite entre Kant et son « monde nouménale », et Nietzsche, qui brise les idoles de tous ces « arrières-mondes » métaphysiques, de Platon à Schopenhauer. Sur le plan politique, on la retrouve en particulier à l’époque de la Révolution française, lorsque les Philosophes des Lumières, de Rousseau à Robespierre, se feront les hérauts d’une « table rase » et de la construction d’un « homme nouveau », projet révolutionnaire auquel s’opposeront au contraire les partisans de l’ordre traditionnel « naturel » de l’Ancien régime. Sur le plan psychologique, enfin, on la retrouve tout particulièrement dans la fameuse « Théorie du Genre », issue des milieux féministes d’extrême-gauche américain des années 60, selon laquelle l’identité sexuelle d’une personne n’est pas définie par la biologie, mais peut être choisie librement par chacun en fonction de ses propre « orientations ». 

Les termes du débat sur le « mariage pour tous »

Ce cadre général étant posé, comme s’y inscrit le débat sur le « mariage pour tous » ? Résumons d’abord les termes du débat : une partie de la population revendique l’ouverture du mariage civil à des couples du même sexe, tandis qu’une autre partie y est opposé. Quels sont les arguments des uns et des autres ?

Pour les partisans du « mariage pour tous », le mariage est avant tout l’union de 2 personnes qui s’aiment et souhaitent inscrire leur engagement amoureux dans un cadre juridique qui leur assure un certain nombre de droits (réduction fiscale etc.) et protections (partage des biens en cas de décès ou séparation…), ainsi qu’aux éventuels enfants de l’un et/ou l’autre des conjoints (héritage…). Cette définition ne dépend en aucun cas du sexe des conjoints : 2 hommes ou 2 femmes sont tout autant capable d’éprouver de l’amour l’un envers l’autre qu’un homme et une femme, tout autant désireux de s’engager l’un envers l’autre, et tout aussi capable d’élever des enfants pour fonder une famille harmonieuse. Dès lors, le fait de limiter le mariage civil à l’union de 2 personnes de sexes différents constitue une inégalité de traitement sans autre motif que l’orientation sexuelle des demandeurs, c’est-à-dire de nature discriminatoire. Il convient donc, pour corriger cette situation de discrimination et d’inégalité injustifiable, de permettre le mariage civil de 2 personnes du même sexe.

Pour les opposants du « mariage pour tous », le mariage est avant tout l’union d’un homme et d’une femme qui souhaitent fonder ensemble une famille naturelle, c’est-à-dire issue de leur procréation. Le mariage civil constitue un cadre juridique offert par la société qui leur accorde un certain nombre de droits et protections centrées principalement sur la question de la filiation et de l’héritage. Ces droits ne sont toutefois que la contrepartie d’un engagement pris devant la société, qui est de donner naissance à des enfants pour contribuer au renouvellement des générations. Or, seules 2 personnes de sexes opposés peuvent procréer : seul un couple hétérosexuel peut donc prendre l’engagement de fonder une famille naturelle, et donc seul un tel couple peut bien évidemment se voir octroyer les droits et protections qui en constituent la contrepartie. Dès lors, il est parfaitement juste que les couples du même sexe ne puissent avoir accès à ce contrat : il ne s’agit en aucun cas d’une inégalité ou d’une discrimination, mais d’une différence de traitement due à une différence de situation. 

Le mariage civil est l’expression du droit naturel

Or, que dit la loi française du mariage ? Eh bien, sans ambiguïté, elle définit le mariage civil comme l’union d’un homme et d’une femme souhaitant fonder une famille naturelle, c’est-à-dire procréer (1). Ceci a été en particulier rappelé de façon particulièrement motivée par l’Arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux confirmant l’annulation du mariage civil entre 2 hommes célébré en 2004 à Bègles par Noël Mamère. Cet Arrêt contenait en particulier les arguments suivants (je souligne) :

« La spécificité, et non pas discrimination, provient de ce que la nature n’a rendu potentiellement féconds que les couples de sexe différent et que le législateur (cf Discours Préliminaire sur le Projet de Code Civil) a désiré prendre en compte cette réalité biologique et “déterminer ses formes” en englobant le couple et sa conséquence prévisible, les enfants communs, dans une institution spécifique appelée mariage, choix législatif maintenu dans le temps. […] Certes les couples de même sexe, et que la nature n’a pas créés potentiellement féconds, ne sont en conséquence pas concernés par cette institution. En cela leur traitement juridique est différent, parce que leur situation n’est pas analogue. »

Cette analyse démontre ainsi pleinement que le mariage civil nait bien de la volonté de conformer l’ordre social à l’ordre naturel, ou du moins de tenir compte de la réalité biologique pour définir l’ordre social  : c’est parce que les couples hétérosexuels sont biologiquement différents des couples homosexuels en matière de procréation qu’il est normal et légitime d’adopter un traitement juridique différent entre ces 2 catégories de couples. Le mariage civil apparaît également comme une « institution », c’est-à-dire une modalité d’organisation sociale correspondant aux attentes spontanées de la population et de ce fait « maintenue dans le temps », comme le souligne l’Arrêt.

Les couples homosexuels ont-ils les mêmes droits que les couples hétérosexuels, et si non comment faire pour y remédier ?

Le même arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux souligne le fait suivant (je souligne) :

 « [Il existe aujourd’hui] de multiples possibilités d’organisation de vie en couple, avec ou sans enfant, la loi assurant une égale protection pour tous, avec jurisprudence adaptée, droits égaux pour les enfants, si bien que la cour ne découvre aucune discrimination dans le droit de fonder un couple, de vivre en couple, de même sexe ou de sexe différent, ni de fonder une famille librement choisie naturelle ou légitime, avec possibilité d’adoption […]. Mais [bien que ne pouvant se marier civilement, les couples du même sexe] disposent par ailleurs du droit de voir reconnaître leur union dans les mêmes conditions que tous les couples de sexe différent ne désirant pas se marier, si bien que la distinction résultant de cette spécificité est objectivement fondée, justifiée par un but légitime, et respecte un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens utilisés et le but visé. »

Il semble donc, selon cette analyse, que dès aujourd’hui les couples homosexuels disposent déjà des mêmes droits que ceux accordés aux couples hétérosexuels qui ne se marient pas. Dès lors, l’éventuelle « inégalité » ou « discrimination » ne se situerait qu’au niveau de certains droits prévus dans le mariage civil, et donc accessibles aux couples hétérosexuels, mais pas dans les autres modalités d’union prévues par la loi, et donc non accessibles aux couples homosexuels (qui ne peuvent par définition pas se marier) ou aux couples hétérosexuels qui ne souhaitent pas se marier. Admettons effectivement que les contrats actuels accessibles aux couples homosexuels ne confèrent pas tout à fait les mêmes droits que ceux accordés aux couples hétérosexuels mariés, et admettons qu’il est justifié d’accorder tout ou partie de ces droits aux couples homosexuels (mais tout aussi bien aux couples hétérosexuels non mariés). Deux solutions sont logiquement possibles : d’une part, renforcer les modes d’union existants déjà pour les couples homosexuels, voire créer un nouveau type d’union ; d’autre part, modifier les conditions d’accès au mariage civil pour permettre aux homosexuels d’en bénéficier.

La première solution pourrait paraître intuitivement comme la plus logique, et la plus simple également : elle permettrait d’assurer une véritable égalité des droits entre couples hétérosexuels et homosexuels, sans toucher à l’institution du mariage civil décrite ci-dessus. Elle répondrait aux attentes des couples homosexuels souhaitant fonder une famille sociale, tout en conservant dans la loi française une modalité d’union spécifique pour les couples hétérosexuels souhaitant fonder une famille naturelle. Il y aurait ainsi 2 modalités d’union différentes, qui se justifieraient par l’existence de 2 situations biologiques différentes, celle des couples hétérosexuels pouvant fonder une famille naturelle, et celles des couples homosexuels ne pouvant que fonder une famille sociale. Le dispositif juridique garderait finalement un certain lien avec l’ordre naturel et biologique en maintenant la reconnaissance de l’existence d’une différence entre « famille naturelle » et « famille sociale »

Ce que réclament finalement véritablement les militants du « mariage pour tous »

Pourtant, c’est la deuxième solution qui est réclamée par les partisans du « mariage pour tous » : permettre aux couples du même sexe de se marier à la Mairie. Or, cette solution ne peut être appliqué qu’en modifiant la définition même du mariage civil (à savoir « l’union d’un homme et d’une femme souhaitant fonder une famille naturelle ») : car du simple fait de cette définition, les couples homosexuels, qui ne peuvent fonder une famille naturelle, en sont bien évidemment exclus. Il faut donc supprimer de la définition du mariage toute référence à la « famille naturelle », pour remplacer cette dernière notion par celle de « famille sociale ». Pourra alors se marier civilement tout couple désireux de fonder une « famille sociale », c’est-à-dire une cellule parents + enfants dans laquelle le lien de filiation biologique qui structurait le mariage civil actuel serait remplacé par un lien de filiation social ; mais la fondation d’une telle famille sociale n’étant plus conditionnée à la procréation, et donc à la différence de sexe des parents, il n’y aura plus aucune raison d’en réserver la reconnaissance juridique à des parents de sexes différents : voilà enfin, par simple changement de définition, le « mariage pour tous ». Les parents mariés d’un enfant ne seraient plus ses « parents biologiques », mais ses « parents sociaux » : le mot « parent » lui-même ne résulterait plus d’une réalité biologique (parents géniteurs) mais sociale (personnes à qui la société reconnaît le rôle de tutelle et d’éducation). Bien entendu, dans cette optique, les mots de « père » et « mère » ne seraient plus vraiment nécessaires, ou alors pourraient être également définis sans référence à une contingence biologique (l’identité sexuelle biologique des 2 parents), mais seulement en fonction d’un choix social (l’identité sexuelle que chacun des parents s’est librement choisie vis-à-vis du reste de la société). « Parent », « enfant », « Père », « Mère », deviendrait ainsi des termes juridiques définis sans aucun rapport avec la biologie (un homme plus une femme qui engendrent ensemble un enfant), mais exclusivement par convention sociale (2 adultes qui élèvent ensemble un enfant) ; la « famille » elle-même ne serait plus le cadre naturel de conception et d’éducation d’un enfant, mais le seul cadre social d’éducation d’un enfant dont l’origine de la conception naturelle n’aurait plus aucune véritable importance. Le dispositif juridique n’aurait finalement plus aucun lien avec l’ordre naturel et la biologie en supprimant toute référence à l’existence d’une différence entre « famille naturelle » et « famille sociale » (l’existence d’une telle différence biologique étant supposée pouvoir être dépassée par l’être humain autonome).

Au bout de cette analyse, on voit que finalement la revendication du « mariage pour tous » ne peut se justifier que dans la perspective de la Théorie du Genre. En effet, a moins de refuser de reconnaître toute différence entre « famille naturelle » et « famille sociale », il n’y a aucune raison de ne pas considérer comme acceptable la première solution consistant à maintenir le mariage civil en l’état et à renforcer les autres modes d’union accessibles aux couples homosexuels, c’est-à-dire d’assurer une égalité de protection entre famille naturelle et famille sociale tout en reconnaissant la différence biologique qui existe entre elle. Ceci montre bien que la véritable revendication derrière le « mariage pour tous », ce n’est pas l’égalité des droits (qui pourrait être obtenue sans modifier le mariage civil), mais la suppression dans la loi de toute référence à la nature et à la biologie. Il ne s’agit pas tant de construire une modalité de protection de la « famille sociale » qui assurerai l’égalité avec la « famille naturelle » encadrée par le mariage civil, mais de déconstruire toute modalité de famille faisant référence à la nature.

Cette conclusion, obtenue par la réflexion, est confirmée par les faits : en effet, les principaux leaders médiatiques et « théoriciens » du « mariage-pour-tous » se revendiquent précisément de la Théorie du Genre, c’est-à-dire, plus largement, de la philosophie de l’ordre artificiel. Citons en particulier, pour les plus présents sur la scène médiatique, Clémentine Hautain (qui a déclaré que «  la théorie du genre, ça fait partie du socle des valeurs  »), Caroline Fourest (qui nous explique la « théorie du genre pour les nuls ») et Najat Najaut-Belkacem (qui souhaite appliquer cette théorie dès la crèche), ou encore Pierre Bergé et Elisabeth Badinter. Pour ces idéologues, l’objectif est bien de construire un nouvel ordre social ou sociétal purement artificiel, déconnecté de toute contingence naturelle : telle est précisément cette «  réforme de civilisation  » qu’appelle de ses vœux Christine Taubira : le passage de l’ordre naturel à l’ordre artificiel. Toute référence à la nature, à la biologie, doit être supprimée, éliminée, effacée, par l’organisation sociale ; tout doit fonctionner comme si les déterminations biologiques n’existaient pas ou n’avaient aucun impact sur la libre volonté de l’être humain de choisir librement ce qu’il veut être. Ainsi en est-il de déterminations aussi fondamentales que le sexe ou la parenté : tout ceci doit être effacé de la loi, au profit d’une définition purement conventionnelle, constructiviste, selon laquelle la société décide d’accorder à chacun le titre d’ « homme », de « femme », de « père » ou de « mère » en fonction de ce qu’il en aura décidé lui-même.  

Conclusion et opinion personnelle

Nous arrivons donc à la conclusion suivante  : l’égalité des droits entre homosexuels et hétérosexuels n’est qu’un prétexte, car le véritable projet derrière le « mariage-pour-tous » est d’ordre idéologique : le remplacement d’un ordre naturel, incarné par le mariage civil actuel, par un nouvel ordre artificiel, basé sur la Théorie du Genre, et remplaçant le « mariage naturel » traditionnel par un « mariage social » conventionnel.

Bien entendu, je ne prétends pas que l’ensemble des quelques 50% de français qui se déclarent en faveur du « mariage pour tous » sont des adeptes de la Théorie du Genre : la grande majorité estime sans doute sincèrement que le mariage n’est qu’une affaire d’amour et que, dès lors, la loi française est aujourd’hui bel et bien discriminatoire envers les couples du même sexe en ne leur accordant pas la possibilité de se marier alors même qu’il s‘aiment. Or, nous l’avons vu, le mariage civil n’a rien à voir avec l’amour, mais seulement avec la procréation biologique ; d’autre part, il est tout à fait possible de renforcer les autres modes d’union existante pour accorder de facto les mêmes droits et protections aux couples du même sexe, y compris dans le cas où l’adoption leur serait ouverte. J’estime pour ma part que si on expliquait clairement cela à la population française, une bonne partie de ceux qui réclament le « mariage pour tous » se satisferait pleinement d’une union civile renforcée ou toute autre modalité juridique qui assurerait de facto l’égalité des droits, quand bien même dans le cadre de contrats aux noms différents. Mais aujourd’hui ces quelques faits élémentaires ne sont hélas tout simplement pas mentionnés dans le débat médiatique, ou à la marge, de la part d’individus immédiatement taxés d’ « homophobie » ouverte ou latente.

Mais ceci est bien simple à comprendre : car les militants inconditionnels du « mariage pour tous » savent bien que, devant ces arguments sommes toutes simples à comprendre, la majorité suivrait probablement la solution de bon sens, à savoir renforcer les droits offerts dans le cadre des unions civiles accessibles aux couples homosexuels (à ceci s’ajoute sans doute le fait qu’une partie de nos dirigeants actuels, bien que peut-être pas tout à fait adeptes de la Théorie du genre, voit dans cette revendication idéologique la possibilité de vendre un supposé « progrès sociétal » qui permet de faire oublier leur impuissance persistante en matière de progrès économique…). Or, l’objectif de ces militants est bel et bien la suppression dans la loi de toute référence à un ordre naturel dont ils veulent s’émanciper, de toute reconnaissance implicite ou explicite que la parenté ou la filiation biologique, ce n’est PAS la même chose que la parenté ou la filiation sociale. La seule solution, dès lors, pour forcer l’adhésion, c’est de manipuler et instrumentaliser la revendication légitime d’une partie de la population pour la détourner de son véritable objectif, qui est l’égalité des droits, pour la diriger vers le véritable objectif idéologique, qui est la destruction de toute référence au « mariage naturel » dans la loi. Et, quand bien même l’adhésion deviendrait trop fragile, de « passer en force » au nom de l’ « éthique » (pour reprendre le terme utilisé par notre Ministre de la justice) ou d’un « progrès » qu’il serait justifié d’imposer contre l’avis même de la majorité. 

A titre personnel, je suis farouchement opposé à la philosophie constructiviste de l’ « ordre artificiel ». Je considère que cette idéologie de la « table rase » et de l’ « homme nouveau », qui était celle des Jacobins, des Bolchéviques et autres Khmers Rouges, est à l’origine des principaux mouvements totalitaires de l’histoire humaine. J’estime donc que le projet constructiviste de la Théorie du Genre, celui de la construction d’un « homme nouveau » détaché de toute contingence naturelle, est d’essence totalitaire, et je m’y opposerais viscéralement tant qu’il sera possible. Etant arrivé à la conclusion que la revendication du « mariage pour tous » n’était rationnellement défendable qu’à condition d’adhérer à un projet idéologique de nature totalitaire, je ne peux que m’y opposer radicalement  !

Nota Bene

Cette analyse n’a bien entendu rien à voir avec une quelconque « homophobie » de ma part. Elle ne dépend même pas de la position que l’on peut avoir sur le bien-fondé ou non de l’adoption par des couples homosexuels (qui est un tout autre débat que je ne souhaite pas soulever ici, car impossible à trancher objectivement en l’état de la connaissance scientifique). Sa conclusion reste en effet valable quand bien même le droit d’adoption serait accordé aux couples du même sexe. Dit en d’autres termes : dès lors que, si ce droit leur était accordé, il serait possible de garantir la même protection de l’enfant adopté que celle accordée aux couples de sexe opposé sans avoir besoin de toucher au mariage civil actuel, l’acharnement à vouloir détruire la référence au biologique dans le mariage civil ne pourrait s’expliquer que pour les mêmes motivations d’ordre idéologique.

Nota bene 2

Echaudé par l’expérience d’un article précédent, je ne répondrai pas aux commentaires laissés sous cet article, sauf en cas de besoin de précision, clarification ou complément de l’un ou l’autre des points d’analyse qui y sont exposés, ou pour répondre à un contre-argument courtoisement avancé. Inutile donc de m’insulter et de me traiter d’ « homophobe », « réactionnaire », « intolérant », « catho » ou « de droite » (je ne réponds du reste à aucun de ces qualificatifs) : I won’t feed the trolls.

Notes

(1) Dans ce cadre, je considère à titre personnel qu’il est anormal d’accorder le mariage civil à un couple ne désirant ouvertement pas avoir d’enfants, ou bien à une femme ménopausée. Le cas d’un couple stérile est plus compliqué, car ils voudraient concevoir un enfant, mais ne peuvent hélas pas ; dans ce cas, je suis d’avis que l’adoption est légitime, et que le mariage l’est également pour protéger l’enfant adopté.



315 réactions


  • Rosemarie Rosemarie 27 janvier 2013 13:01

    le mariage pour tous permet de légaliser une situation qui existe déjà (homo en couple, avec enfants) en donnant des droits et des devoirs aux membres de ces familles.
    Donner des droits à des personnes qui n’ont pas la même sexualité que moi ne me retire rien et je ne vois pas en quoi je m’opposerai à ce que d’autres personnes n’aient pas les mêmes droits que moi.
    Je ne vois pas pourquoi les hétéros décrêteraient que seules leur façon de concevoir la famille est bonne.
    Le slogan de la France n’est il pas liberté, égalité ?


    • Aldous Aldous 27 janvier 2013 18:04

      non c’est faux. Cette situation est fantasmée par les pseudo parents.


      Aucun de ces enfant n’est né d’une relation homo.

      Chaque enfant prétendument d’homo a un pére et une mère.

    • Rosemarie Rosemarie 27 janvier 2013 18:25

      bien sûr que tout enfant nait d’un père et d’une mère.
      Néanmoins ce ne sont pas toujours le père et la mère qui l’élève, il y a des mères seules, des enfants adoptés, des enfants élevés par les grands parents, etc etc.
      encore une fois légaliser une situation de fait revient surtout à donner des droits et des devoirs aux parents et aux enfants.


    • Luxum Luxum 27 janvier 2013 23:12

      Je présume que dans un futur pas si lointain « père » et « mère » seront des mots vulgaires à bannir de notre vocabulaire.


      — Mon père !
      Ce mot (car « père » n’était pas tant obscène — en
      raison de la distance que ce terme impliquait par
      rapport aux secrets répugnants et immoraux de
      l’enfantement — que simplement grossier, c’était une
      inconvenance scatologique plutôt que pornographique),
      ce mot comiquement ordurier provoqua un
      soulagement dans ce qui était devenu une tension
      absolument intolérable. Des rires éclatèrent, énormes,
      quasi hystériques, en rafales successives,
      comme s’ils n’allaient plus s’arrêter. « Mon père »,
      et c’était le Directeur ! « Mon père ! » Oh ! Ford, oh !
      Ford. Cela, c’était véritablement par trop énorme !
      Les hoquets et les tempêtes de rire se renouvelèrent,
      les visages paraissaient être sur le point de voler en
      éclats, les larmes ruisselaient. Six nouveaux tubes de
      spermatozoïdes furent renversés. « Mon père ! »

      Blême, les yeux hagards, le Directeur jetait alentour
      des regards ébahis, souffrant le martyre de
      l’humiliation abasourdie.
      « Mon père ! » Les rires, qui avaient semblé vouloir
      s’apaiser, éclatèrent de nouveau, plus vigoureux
      que jamais. Il se couvrit les oreilles de ses mains et se
      précipita hors de la pièce.

      Le meilleur des mondes


  • NOJ71 27 janvier 2013 17:43

    A l’auteur,

    Il serait temps que les personnes, même celles qui se disent incroyantes, se libèrent du poids de l’Eglise sur leurs esprits. Ainsi deviendront-elles respectables.

    • Aldous Aldous 27 janvier 2013 18:05

      il serait temps que vous appreniez a respecter les gens en dépit de leur différentes fois.


  • Hijack Hijack 27 janvier 2013 20:54

    ...

    Hum ... aux prochaines élections, supposons que le président soit homo heu ... marié ... à son adversaire politique du camp adverse ... comment les français feront ????
    .

    S’il y a une guerre et que les 2 soient appelés (je pense aux pays où l’armée est tjrs obligatoire) ... plus personne au foyer !
    Et ... merde ... s’ils ont adopté des gosses ... qui s’en occupera ???


  • alinea Alinea 27 janvier 2013 21:17

    Je n’arrive pas à comprendre pourquoi la plupart pense qu’on se marie pour fonder une famille ! Se marier est une convention que beaucoup depuis longtemps dédaignent. Les seuls exemples que j’ai autour de moi de gens mariés, l’ont fait à cinquante ans passés, pour « protéger » le conjoint en cas de pépin ; d’autant plus que certains d’entre eux ont des familles recomposées. En ce sens, je me fiche éperdument que les homos se marient ; le mariage est une question de fric, de biens et de « protection ».
    En revanche, et pour tout type de couples, je suis farouchement contre la PMA et les mères porteuses ; je n’irais pas manifester pour ça mais c’est le comble de la décadence : effectivement l’homme qui défie la nature, qui veut la dominer, puis maintenant la nier. Mais tout ceci n’est pas grave parce que ce n’est pas parce que l’homme veut nier la nature qu’il y parviendra !


    • Luxum Luxum 27 janvier 2013 23:04

      « Mais tout ceci n’est pas grave parce que ce n’est pas parce que l’homme veut nier la nature qu’il y parviendra ! »

      Foi optimiste que j’aimerai partager mais je crains que l’homme n’ait développé des techniques susceptibles de vaincre la nature en de nombreux domaines, notamment la procréation.


    • Hijack Hijack 27 janvier 2013 23:49

      Le problème est que la nature vaincra tjrs ... et le fera payer aux hommes ...
      .
      Cela peut paraître un peu ringard ...mais juste de la logique !
      Rappelez-vous la vache folle ... bcp disaient que c’était l’évolution, modernisme ou je ne sais quoi ... pourtant, la vérité est qu’il était débile de faire manger de la viande à des animaux non carnivores ... *Résultat = les animaux et les hommes vivant des animaux ont payé ... chèrement !
      Pourtant ... l’homme est tjrs vivant ... car ce n’était qu’un avertissement ... la vache folle ...
      .
      La nature se venge tjrs... quand on la contre ... et pas par méchanceté, par mal compréhension ou quoi que ce soit ... juste qu’elle suit un cheminement naturel ...
      L’homme devrait apprendre à écouter la nature ... (il se dit de plus en plus bio en paroles et dans les faits ... fait exactement le contraire) ...
      .

      Je ne suis pas un messie ni oiseau de mauvaise augure ... et je souhaite sincèrement me gourrer ... mais si nous continuons dans cette voie ... l’homme finira par payer ces conneries ...
      L’homo est certes né naturellement ... mais il est une exception ... et doit le rester ...
      D’ailleurs, si j’avais été homo ... m’enlever mon exception m’aurait fait plus de mal qu’autre chose ...
      .
      Enfin ... la preuve qu’ils se trompent ... bcp disent que c’est de l’homophobie ... alors que c’est juste de l’amour de la nature ... que nous a légué ... disons la nature ou pour les croyants ... Dieu !!!


  • Terrecendre Terrecendre 28 janvier 2013 09:40

    Voici tout à fait le type de méthode que j’attendais et souhaitais entendre pour ce « débat », mais c’est malheureusement bien trop complexe pour nos défenseurs des lit-beurre-thé à priori, n’oublions jamais que le diable se cache dans les détails.

    Un grand merci à l’auteur.


  • occitania occitania 23 avril 2013 20:25

    L’article est très intéressant et les argumentations convaincantes. Le point essentiel dans « le mariage pour tous » est son caractère déviationniste.

    Fondamentalement, le mariage est l’union sacrée entre une homme et une femme, union qui est la conjugaison - le yoga - entre les énergies yin de la femme et l’énergie yang de l’homme.

    Comme le précise l’article, s’opposer au mariage pour tous ce n’est pas s’opposer à l’homosexualité en tant que telle - celle a toujours existé dans toutes les cultures et à même souvent été reconnue, voir plébiscitée - c’est s’opposer au caractère déviant de cette loi qui va dénaturer le mariage.

    En cette époque de dégénérescence accrue, cette loi, sous le couvert de rendre une plus grande justice, va contribuer plus encore à détruire l’ordre de la Tradition.

    Mais cela n’est pas une surprise en soit, les forces négatives l’ayant, en apparence, emporté sur les forces positives. Car ainsi va le Kali Yuga.

    Occitania


  • mops 22 octobre 2016 08:44

    Bien vu, je pensais déjà la même chose.....

    Je voulais juste ajouté quelques petite remarques qui sont je pense prospectives !

    L’histoire d’abord ne s’arrête jamais, même lorsqu’on n’y prête plus attention. Ces « progrès » sont clairement l’oeuvre de groupe de pression, qui ayant réussit ne s’arrêteront pas là !

    Depuis quelques années, (deux je crois), à la condamnation par la CEDH d’Etat comme la France, l’Italie, et d’autres sur leur refus d’enregistrer sur les actes d’état civils, la naissance d’enfant né par GPA dans les pays de l’Est comme la Russie.

    Il y a eu d’autre précédent comme les affaires de changement de sexe.... Ce qui a contraint les Etats dans leur majorité à accepter le changement d’état civil pour les personnes ayant physiquement changer de sexe, sans pour autant avoir véritablement changer de sexe. XX XY pour certain c’est du vodoo, pour moi c’est de la biologie !

    Pour en venir au fait qu’un jour où l’autre nos représentants nous annonceront la larme l’oeil que c’est la méchante CEDH qui les obligent à accepter les GPA pratiquée à l’étranger.
    Une fois les choses stabilisées, normalisées, acceptées nous en viendront à nous interroger sur le bien fondé de laisser aux Russes le soin de prendre 10 000 euros pour concevoir les futurs français !
    On acceptera de fait, que les GPA soient pratiquées en France, car nous auront dès lors l’assurance que les choses soient faites dans les règles de l’art sans enrichir les mafieux Russes etc....
    Tout cela pour dire quoi ?
    Que c’est fichu les gars ! On se prend la tête pour rien, les dégénérés de la théorie du genre and co on gagnés, ils ont tellement gagner qu’on se retient souvent de dire dans notre société qu’on est contre parce que nos valeurs, chrétiennes, juives, musulmanes ou autre nous commandent d’interdire ce genre de pratiques....
    Parce que dès que Caroline Fourest insultera un contradicteur d’islamo faciste, d’islamo gauchise, ou de fondamentaliste catholique notre raison disparait et fait place à l’émotion et bien souvent on tombe d’accord avec celui qui est loin de partager nos valeurs et contre celui qui épouse les nôtres !

    J’ai mener ma propre expérience sociale, (Je suis musulman) J’ai dis à plusieurs amis, qui me connaissent bien, avec qui je n’ai jamais eus de problème, de toute confession, voir d’aucune, je me suis amusé à leur expliquer par A+B que j’étais salafiste et que cela ne leur posait en rien un problème, que ce n’est ni synonyme de terroriste, ni synonyme de fondamentalisme ! Pourtant, j’ai vu dans leurs yeux au mieux de l’incompréhension comme si je leur avait proposer une pilule bleue ou rouge, ou alors de la véritable crainte.

    Donc ils ont gagné parce que la majorité de nos semblables sont soit trop bêtes, soit trop fainéant pour s’arrêter deux minutes et réfléchir à ce qu’on leur dit à longueur de temps.

    Pour ceux que ça intéresse, essayer de savoir en quoi le salafisme se rapproche du protestantisme, ou à l’exégétique !


    • NICOPOL NICOPOL 24 octobre 2016 17:42

      @mops

      Merci de ce commentaire. Globalement d’accord avec vous, bien qu’un peu moins pessimiste que vous ! Je préfère l’idée orwellienne, reprise par Michéa, de « décence commune », selon laquelle il existe une sorte d’inertie morale du peuple qui le rend très difficilement perméable, sur le long terme, aux idées progressistes (le peuple est conservateur, comme disait Napoléon III). Il est vrai que l’actualité rend de plus en plus difficile une telle profession de foi...

      En ce qui me concerne, je suis personnellement contre la GPA en privé, mais je suis surtout publiquement contre pour des raisons démocratiques (en tenant compte du fait qu’actuellement une majorité du peuple français, dont je fais partie, est sans doute contre).

      L’idée que le salafisme se rapproche du protestantisme ne me choque pas, elle me paraît même assez naturelle - même rigorisme et fondamentalisme, même retour à une forme de pureté religieuse... Du reste, les deux se rapprochent eux-mêmes du judaïsme - on sait que le protestantisme marque une forme de retour à l’Ancien Testament, contre le catholicisme du Nouveau Testament). Il n’y a par ailleurs qu’à voir les alliances qui se sont tissées entre l’Amérique puritaine, l’Etat Juif israélien et les monarchies salafistes du Golf pour voir que tout ce petit monde, lorsque l’essentiel (selon leur point de vue) est en jeu, se retrouve sans difficulté...

      Bien à vous,


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