lundi 24 octobre 2005 - par Rage

Médias et catastrophes : la solidarité orientée

Du Tsunami en Asie au(x) cyclone(s) en Amérique centrale, en passant par le séisme au Cachemire, la solidarité est une action de plus en plus contrôlée et politisée. Sommes-nous encore maîtres de notre morale ?

Il fallait nous voir de la planète Mars, en ce début d’année 2005, pour contaster à quel point nous étions touchés par le tsunami qui venait de balayer 200 000 vies humaines. Sensibles, dynamiques, réactifs, solidaires... Contrôlés par des médias soucieux de remettre sur pied au plus vite un pays dans lequel ils avaient des actions ou des logements, nous avons vécu la catastrophe en direct.

Images chocs, enfants pauvres à la rue, population décimée, vision de chaos. Du grand spectacle ! Il fallait être un brin naïf, pour croire qu’on nous montrait l’atrocité arrière-pensée. La Thäïlande est une destination de luxe pour bon nombre de personnes de la Jet-Set. Je ne serais pas surpris d’y croiser Claire Chazal et autre David Pujadas. Par conséquent, touchés de voir leur propre lieu de villégiature mis par terre, ils ont mis en place une vaste opération de communication, internationale, au-delà des contraintes militaires et politiques.

Impressionnant, il faut bien l’admettre.

Malheureusement, la solidarité s’arrête là où porte le regard (et les intérêts du porte-monnaie) :

Les faits :

Darfour : guerre civile atroce. Au maximum, 3 h cumulées de reportage sur les chaînes françaises. Aucune aide, aucun soutien, même pas un mot à l’ONU.

Rwanda : reprise des exactions. Rien

Erythrée : black out, tout simplement

Birmanie : black out, mais il s’agit d’un pays de l’axe du mal, alors laissons faire nos amis américains pour y introduire "la" démocratie...

Cachemire : séisme, 60 000 morts et probablement bien plus. Une couverture médiatique importante. Mais pas assez d’images chocs, pas assez d’hôtels de luxe, pas assez touristique en somme. Passons plutôt aux cyclones aux États-Unis, ça coûte plus cher, et c’est plus proche de nous.

Cyclones d’Amérique Centrale : une couverture médiatique maximale, limite un instantané avec commentaires. Des morts, des puits de pétrole, Cancun... Bref tout ce qu’il faut pour faire du sensationnel, mais pas encore du solidaire, puisqu’il n’y a pas assez de morts. Sans parler du fait qu’il s’agit de populations métisses ou noires, surtout à La Nouvelle-Orléans...

Amérique du Sud et Chine (comme chaque année devrais-je dire) : souvent plusieurs dizaines de milliers de morts. 2 minutes d’images, et on passe au sport...

Les commentaires :

Après tout cela, comment ne pas croire que notre solidarité n’est pas dictée par les médias ou par certains puissants lobbies ? Comment ne pas croire, un seul instant, que certains pays soient considérés comme inexistants sur la planète, quand on constate une telle sélectivité des informations et des aides ? Je n’ose remettre en question les cellules de dons, qui ne sortent de leur mutisme qu’une fois par an, lors de la catastrophe jugée la plus "people" du moment...

Je constate tout simplement qu’il existe, en ce monde, des agences de presse qui sélectionnent l’information en fonction de dogmes de sélection. On ne cherche pas à donner des éléments d’informations aux personnes, on cherche à leur vendre des images qui génèrent de l’audimat. On ne cherche pas à instruire, mais à désinformer, par la pré-sélection de l’information et par l’ignorance via le black out. A titre personnel, j’ai beaucoup ri de la fausse compassion du monde au moment du tsunami, je ris aujourd’hui de voir les mécènes d’un jour ne pas s’outrer des catastrophes d’aujourd’hui.

Si la mémoire est sélective (et courte pour certains), une chose est sûre : la solidarité, il n’y en a pas pour tout le monde.

La meilleure preuve en est de constater qu’une canicule suffise en France à tuer 15 000 personnes...

La solidarité s’arrête aux portes de notre égoïsme, et sur ce point, nous avons tous une part de responsabilité.



1 réactions


  • epe (---.---.211.224) 25 octobre 2005 11:13

    L’ampleur d’un drame comme celui du Darfour dépasse de loin, dans l’horreur (c’est l’homme qui en est la cause, pas la nature) et la durée celui du tsunami.

    Et pourtant, décembre 2004, le UNHCR, exsangue, organise lui-même(une première), sans intermédiaire,un concert de charité à Londres, de quoi remplir une petite salle prestigieuse (Royal Albert Hall) en quelques semaines dans l’indifférence quasi générale des médias.(voir lien)

    Un mois plus tard il suffit de trois jours pour remplir un stade (Cardiff) pour le tsunami !

    La solidarité médiatique est d’abord médiatique, c’est du show ! Il ne suffit pas d’un drame, il faut de l’horreur télégénique. Que pèsent des récits de viols ou l’image d’une tente plantée dans le désert par rapport à la vidéo d’une vague monstrueuse ?

    Etre solidaire c’est d’abord ne pas fermer les yeux !


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