mardi 20 mars 2018 - par

Que signifie de restreindre les marges d’expression ?

Aux USA, la premier amendement pose la liberté d'expression - inconditionnellement. Cela nous choque, Européens, quand on sait ce qu'un tel amendement permet de dire : des outrances de Donald Trump aux mouvements néonazis. On peut toutefois s'interroger sur le sens de notre censure humanitarite, au point de comprendre qu'il s'agit de se faire peur soi-même, désormais.

 

Paradoxe humanitaire

Les limites imposées à la liberté d'expression (contrant l'antisémitisme, le racisme, l'homophobie, le négationnisme, etc.) sont humanitatistes : humanisme dégénéré aux bons sentiments, sans plus de considération pour l'édification méritoire de soi. Charité consensuelle de nos (petits, moyennes, grandes) affaires économiciennes, politiciennes et médiaticiennes ...

Mais ces limites ont vocation à empêcher la diffusion - donc l'influence - de certains discours jugés dangereux, car haineux. Or, cela se passe jusqu'à la haine de la haine, paradoxalement : c'est la « misomisies » et la « phobophobies » des discours légitimes ... ! Or, l'honnêteté psycho-sociologique oblige à reconnaître que tous les antisémites, les racistes, les homophobes, les négationnistes, etc. ne sont pas rageurs de haine.

En fait, les rageurs semblent bien plus souvent leurs opposants légitimés par les lois restreignants les marges d'expression : c'est-à-dire que « misomises » et « phobophobes » se font un malin plaisir de rager contre les discours illégitimes selon la loi, au point d'en devenir parfois eux-mêmes des trolls et des haters - ce qu'on appelle sur Internet des SJW, Social Justice Warriors.

 

Exemples

Prenons le cas de l'antisémite. Dans sa Réflexion sur la question juive, Jean-Paul Sartre estime brillamment que l'antisémite se paye de supériorité en conspuant les juifs à bon compte. En effet, minoritaires, ces « bêtes noires de l'antisémite », lui servent de « petites bêtes », très confortablement, afin de se sentir meilleurement bienheureux dans son style de vie à lui, lui l'antisémite (style de vie tout de paresses intellectuelles et de compromissions affectives). Eh bien, c'est moins la haine qui anime l'antisémite, que la sottise. Or, dérisoirement, les Social Justice Warriors peuvent faire preuve de la même sottise, puisqu'ils se payent de supériorité sur ceux qu'ils ostracisent ! ...

 

Déductions logiques

Pour le dire avec une formule : du racisme bête et méchant jusqu'à - tragiquement - la brutalité (néanmoins quasi-absente par nos contrées) ou de l'ostracisme veule et vilain jusqu'à - comiquement - l'asocialité (et l'on parle bien là, de l'ostracisme de tous les haineux de la haine) la différence est maigre. En effet, puisque la brutalité des racistes est quasi-absente en nos contrées, elle se transforme paradoxalement en asocialité-monstre, de la part des ostracistes ! (Ostracistes qui ostracisent le racisme et toute espèce de stigmatisation, au point d'en devenir eux-mêmes stigmatisants !) ...

Alors, naturellement, les ostracistes ne brutalisent personne. Du moins, si l'on s'en tient à la violence des corps. Car moralement, ils font preuvent d'une violence-monstre, surtout en une époque où la réputation compte autant. Tout se passe comme si la cruauté était passée dans « le camp du Bien », et que ce camp du Bien mettaient ses propres « bêtes noires, petites bêtes » au pilori médiatique, moyenâgeusement ...

Au JT de France 2, peu après le passage de la loi sur le mariage pour tous les couples, un couple homosexuel était interviewé. L'un des partenaires disait que « désormais, on sait qui est dans le Bien, et qui dans le Mal » mais c'est singulièrement nous rejouer l'inquisition ecclésiale, en prenant l'Etat pour Dieu ! à mourir de pleur-rire, quand même le passage de cette loi nous en a touché une sans faire bouger l'autre ... (Hélas, à l'époque, les médias avaient - comme d'habitude - insisté sur les extrémistes dans les mouvements, puisque les anti-MPT, s'ils contenaient leurs homophobes, les contenaient autant qu'une manif dite « de gauche » contient de casseurs surmédiatisés : chacun s'applique le filtre idéologique qu'il préfère, sottement).

 

Alors, que signifie de restreindre les marges d'expression ?

Après tout, les lois sur la protection physique des personnes devraient suffire pour vivre, le reste ressortant de luttes sociales ouvertes et libres, non ? ...

Eh bien, ce que signifie de restreindre les marges d'expression - comme avec les inquiétudes devant les fake news, d'ailleurs - c'est qu'on ne fait pas confiance à la société civile, voire qu'on la craint, donc qu'on se craint soi-même comme membre de la société civile, tout en s'aliénant follement au droit, au point d'en devenir plus droit que le droit, à se croire plus adroit que tous les maladroits tout uniment renvoyés à l'illégimité, sans distinction, mais dans une ostracisation terrible confinant aux stigmatisations pourtant conspuées, de ce que - conséquentiellement - on stigmatise soi-même autrui, auquel on ne laisse plus aucune chance. Saviez-vous qu'il existait en Afrique, un racisme inter-noirs ? et en Asie, inter-bridés ? et aux Maghreb et Moyen-Orient, inter-mats ? etc. Eh bien, voici le racisme inter-blancs, sottement, où l'on n'a pas compris que l'Euro-Amérique était pourtant une exception mondiale, à ce niveau de la protection des personnes.

Et chaque ostraciste/raciste inter-blancs, d'être devenu·e un·e  Judge Dredd à soi tout seul, par le même plaisir sadique que ceux qu'il·elle condamnait. Car « si tu regardes suffisamment longtemps dans l'abîme, l'abîme regarde en toi. » (Friedrich Nietzsche) ... de quoi se faire ses petits films d'horreur bien à soi dans sa tête, son cinéma égocentrique de militance confortable. Humanisme dégénéré, donc, en humanitarisme ...

Quittons donc ces foires, avec toutes leurs maisons hantées : les fantômes n'existent qu'apophéniquement, où l'on se fait des ennemis imaginaires comme on peut avoir des amis imaginaires (et, ce, pour toutes les bonnes causes, qui décidément n'ont pas toujours raison).

Mal' - LibertéPhilo

 




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