mercredi 28 mai 2008 - par anna

Révision de la Constitution : un irresponsable peut-il « gouverner » ?


Président de la République. Il ne peut accomplir plus de deux mandats successifs (art. 2). Certaines nominations sont soumises à l’avis d’une commission de parlementaires (art. 4). Le chef de l’Etat peut "prendre la parole devant le Parlement réuni en Congrès ou l’une ou l’autre de ses assemblées. Son allocution peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui n’est suivi d’aucun vote" (art. 7). La prorogation de l’Etat d’urgence au-delà de douze jours doit être autorisée par la loi (art. 14).

Gouvernement. Le nombre maximum de ministres est fixé par une loi organique (art. 3). Le gouvernement n’est plus "responsable de la défense nationale" mais "met en œuvre les décisions prises" par le président de la République (art. 8).

Remarques : l’article 2 est un article qui semble plutôt intéressant car il sous-entend qu’un président n’aura pas à faire l’effort de « durer » lors de son deuxième mandat… Mais en même temps, faute de motivation, cela ne va-t-il pas entraîner l’effet contraire… Un président qui va non pas agir, mais se « reposer » puisqu’il n’y aura plus d’enjeux ? S’ajoute à cela que la France a déjà testé la limite du mandat. C’était en 1848. Le premier président s’appelait Louis Napoléon Bonaparte. A la fin de son mandat, faute de pouvoir se représenter, et en dépit du désir des citoyens de le voir « rempiler », Louis Napoléon Bonaparte n’ayant pas obtenu l’autorisation de faire sauter la limite constitutionnelle, a fait ce qu’on appelle un coup d’Etat. Et si l’on regarde, par ailleurs, ce qui se passe en Russie, on constate que cette limite peut être contournée. Ne faudrait-il, dès lors, pas songer à contraindre le successeur de tout président ayant effectué deux mandats, à ne pas choisir comme Premier ministre, son prédécesseur ?

L’article 8 est aussi intéressant, dès lors qu’il a l’ambition de clarifier le rôle du gouvernement et du président. Là où le bât blesse, c’est qu’une fois de plus, la situation de cohabitation – même si elle semble ne pas pouvoir se reproduire en raison du quinquennat : il ne faut jamais dire jamais. Les citoyens n’étant pas des robots. D’ailleurs, la cohabitation n’était pas prévue dans la lettre de la Constitution de 58 – n’est pas prise en compte. Comment peut-on en effet penser qu’un Premier ministre socialiste pourrait « mettre en œuvre les décisions prises par le président de la République » si le Parlement, composé majoritairement d’élus hostiles à la politique du président, en décident autrement ? S’ajoute à cela que cet article tend à supprimer, en partie, la prérogative gouvernementale du Premier ministre, sur les affaires extérieures de la France… Et donc, paradoxalement, à rendre constitutionnel, le « domaine réservé » si conspué… pourtant… par Nicolas Sarkozy. Etant déjà « chef des armées », le président n’a pourtant pas besoin de l’article 8 pour assurer la légitimité. Mis à part le désir de prendre à son Premier ministre sa mission de « gouverner » dans ce domaine, cet article semble donc assez inutile.

S’ajoute à cela que brandir la réforme du quinquennat, et de l’inversion du calendrier électoral, pour donner un pouvoir d’exécution au président, n’est ni raisonnable ni responsable. La seule justification de l’octroi de compétences supplémentaires, pour n’importe quel élu, c’est le fait qu’il soit encore rendu plus responsable politiquement, mais aussi juridiquement.

Or, cet article 8 vise à donner, rappelons-le, le pouvoir de « gouverner » à un président, qui est, et reste, complètement irresponsable sur le plan politique et juridique. Y compris sur ses « manquements » à ses « devoirs » définis à l’article 5, que le Parlement, par complaisance ou autre, a volontairement laissé flous.

Il faut bien rappeler que le président, dans la Constitution telle qu’elle a été conçue par le général de Gaulle, est un surveillant et non un directeur en chef. Tant que ce dernier ne pourra pas être renversé en cours de mandat, il est inadmissible qu’il dirige seul quoi que ce soit. Sa vraie fonction est de vérifier que les pouvoirs publics fonctionnent normalement, conformément à la volonté du peuple et à la Constitution. Il ne doit pas diriger le gouvernement, mais veiller à ce qu’il applique bien la politique voulue par le Parlement et par le peuple. C’est seulement lorsqu’il se produit un dérèglement qu’il peut intervenir, par ses pouvoirs propres (dispensés de contreseing). Ainsi, avec la dissolution et le référendum, il peut faire appel aux citoyens. Etre politiquement responsable, c’est pouvoir être révoqué à tout instant quand on ne fait pas ce que le peuple veut. Il est donc normal, quinquennat ou pas, que le Premier ministre « gouverne » et que le président, lui, fasse ce que la Constitution lui impose : présider.

Cela ne signifie pas que le président doit rester dans son « château » à écouter le bruit des travaux, pendant que son Premier ministre se coltine tout le travail. Cela signifie uniquement que le président, élu au suffrage universel donne une « vision » à son équipe gouvernementale, qui est chargée de « gouverner » le pays, c’est-à-dire de prendre des décisions ayant un impact positif ou négatif, pour le pays. Le président a, de ce fait, la charge de « soutenir » son gouvernement, et le Premier ministre (s’ils sont du même parti). A cela, il faut rajouter que le président doit jouer au VRP pour la France, en signant des contrats, etc.

Son implication dans le domaine politique est normale, mais il ne doit pas empiéter sur le domaine du Premier ministre. Pour une raison simple : le président a pour rôle premier de rassembler les Français. Il doit « incarner » la France, c’est-à-dire se placer au-dessus des partis. Quand il prend trop « parti », il met en cause son image, sa crédibilité. Sans être un roi, le président incarne l’unité du pays, comme la représentation nationale. Il ne lui est donc pas permis de se séparer d’un Premier ministre, qui permet à la France de protéger non pas le président en lui-même, mais bien le régime politique, le contrat social.

Si éventuellement, le Parlement souhaitait rendre plus responsable le président, il pourrait s’inspirer de la IIe République, laquelle rendait le président politiquement et juridiquement responsable. C’est un système présidentialiste. Mais, pour cela, il faudrait un référendum, car les parlementaires n’ont pas été mandatés pour changer de République… Et passer d’un régime mixte à présidentiel, c’est justement modifier la nature, l’essence même de notre texte fondamental.

Rajoutons que, pour l’heure, le système peut fonctionner, car la signature du Premier ministre est obligatoire pour rendre légale une décision du président. En enlevant le contreseing, ce serait permettre, en quelque sorte, l’Empire, sans passer par le coup d’Etat.

A cet égard, peut-être serait-il bon de prévoir que le fameux « bouton » de l’arme nucléaire ne puisse être poussé, sans la signature du Premier ministre. Je ne crois pas que ce soit le cas actuellement. Or, du fait de son irresponsabilité juridique comme politique, le président est et demeure incontrôlable. Imaginons que, par le plus grand des hasards, la France se retrouve avec à sa tête un fou ! (Comme jadis sous la Monarchie : Charles VI), un monstre ! (Comme Hitler) Ne serait-il dès lors, pas utile, de conférer la nécessaire obligation, pour le président, avant d’envoyer à la mort des civils, de prévoir le contreseing, et du Premier ministre, et du ministre de la Défense… Lesquels se verraient contraints d’avertir le Parlement dans les plus brefs délais ?



16 réactions


  • Laurent_K 28 mai 2008 15:03

    Du point de vue operationnel il est illusoire de croire qu’on puisse demander la signature du premier ministre ou de quelqu’un d’autre que le president si celui-ci decidait d’appuyer sur le bouton sur un subit coup de folie (mais pourquoi d’aileurs eprouvons-nous le besoin d’evoquer ce cas de figure ?).

     


  • armand armand 28 mai 2008 17:47

    Comme président fou, il y a bien eu Paul Deschanel... mais le président de la IIIème République n’avait pas beaucoup de pouvoirs.

    Et puis on peut lui savoir gré d’être l’arrière grand-père d’Emily Deschanel, alias ’Bones’


  • mandrier 28 mai 2008 22:40

    De toutes manières le gouvernement est maintenant "aux ordres" de "Bruxelles"... Puisqu’il a transféré la "souveraineté" à la "Commission"...Il n’y en aurait pas de gouvernement que ce serait pareil....

    C’est la même chose pour les députés qui ne sont qu’une chambre d’enregistrement des directives européennes...

    Dans quelques années d’ailleurs il n’y aura plus besoin de Constitution puisque ce sera la Constitution de Bruxelles qui sera imposée...(discutez en donc avec des "Fonctionnaires" de Bruxelles ! Moi j’en ai parlé avec le député européen de Quimper, et c’est ce qu’il m’a exposé froidement ! 


    • bernard29 candidat 007 29 mai 2008 00:20

      Le député de Quimper, c’est Urvoas ? Celui qui a signé l’appel des 17 socialistes pour la réforme de Sarkosi. bravo. Le débat constitutionnel est l’occasion de poser la question des pouvoirs en France.

      Et là, alors que pense t’il du non cumul des mandats et fonctions, d’une dose de proportionnelle, d’un référendum d’initiative vraiment citoyen, d’une décentralisation enfin responsable. car le cumuls de mandats conduisent aussi à donner plus de poids aux intérpêts du Parti qu’aux intérêts de la Région ou département. 

      C’est un soicaliste qui préfére jouer le cynique ( il n’y a rien à faire etc etc , c’est Bruxelles etc etc, dans leur ville , il disent que c’est la faute à la Région, à Paris ) au lieu d’aller au bout des convictions affichées pourtant dans le projet présidentiel du parti socialiste. C’est jamais de leur faute. C’est la france irresponsable.


  • bernard29 candidat 007 29 mai 2008 00:12

    La chose vraie est que notre constitution rend tout le monde irresponsable. Plus personne ne s’y retrouve. C’est pour celà qu’il y a le cumul des mandats et que tous ces politiques s’y retrouvent bien. On ne sait plus au nom de quelle casquette , ils parlent.

    Sarkosi pond un projet parce qu’il veut présidentialiser sans le dire le régime. Il appelle celà responsabiliser le Président. Mais cette "présidentialisation rampante" de notre régime on la subit depuis la décision sur le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ( législatives juste derrière les présidentielles). La présidentielle est devenue la véritable charpente de notre système. De là découle tout ces problèmes. 

    La seule solution pour sortir du dilemme, c’est d’ établir deux projets constitutionnels, (car on ne pourra plus supprimer l’élection du président au suffrage universel)

    . Donc deux projets qui seraient soumis au peuple aprés une grande période pédagogique et de débats publics.

    • - un, véritablement présidentiel, à l’américaine ( séparation nette des pouvoirs et organisation des contre pouvoirs)
    • - un autre régime parlementaire- primo ministériel ( avec un président qui serait une sorte d’arbitre élu pour 7 ans par ex et qui serait une sorte de reine d’Angleterre en contrat à durée déterminé.

    Sur les deux mandats du Président, vous dites que pour le deuxième mandat , le risque est qu’il puisse se reposer et ne rien faire, parce qu’il n’aurait plus d’enjeux. C’est nier le fait qu’un président est quand meêm issu d’un parti qui n’a peut être pas envie de perdre les élections. Et puis, chacun a sa petite vanité et veut laisser une trace dans "l’Histoire" comme on dit. Enfin , à mon avis, bien que je sois pour, cette limitation n’est pas une grosse avancée démocratique.c’est un peu de la démagogie sarkosienne.

    Aux USA, il y a deux mandats et c’est pas plus mal. De plus, si le Président était vraiment un président tel que conçu à l’origine dans la constitution (représentation et incarnation du pays, responsable du respect des institutions et de l’intérêt public, arbitre) il n’y aurait pas de problèmes . mais aujourdhui, Sarkosy, veut jouer au président , et en même temps au chef d’équipe. Il veut jouer au responsable alors qu’il est irresponsable dans les textes. Et donc , il fait, dit , propose n’importe quoi, intervient n’importe comment et n’importe où. C’est un clown. Il est pathétique. NOUS sommes pathétiques.


  • Algunet 29 mai 2008 00:59

    Censuré par agoravox.....


  • 1984 29 mai 2008 11:07

    Il y a effectivement censure sur agoravox !!!

    Dire que le président est un pervers est censuré... et pourtant elle tourne ;

    "L’adulte est dit pervers s’il impose au dépend de l’autre une situation qui le satisfait lui. Les traits caractéristiques de ce mécanisme de defense sont donc la manipulation et le refus des envies et besoins de l’autre au profit des siens. La perversion sexuelle n’en est qu’une expression, alors pour éviter l’amalgame induit par le sens courant, on parle aussi de perversion morale."

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Perversion


    • 1984 29 mai 2008 11:20
      Perversions des valeurs morales

      Leur manque d’état d’âme, de remords ou de problème de conscience peut être si extrême, qu’au début de leur relation avec elles, leurs victimes ne peuvent y croire. Ce manque de scrupules les déroute, les estomaque ou les abasourdit.

      En fait, ils ont un total mépris pour toutes lois ou contraintes morales. Leur morale est, le plus souvent, celle de la morale ou la loi du plus fort et/ou du plus rusé, du plus retors. Il y a le plus souvent, dans leur comportement, la banalisation du mal, une certaine « relativisation » de la morale, dans le cadre d’un nihilisme opérationnel, qui peut même être militant. Ils n’ont du respect que pour les gens plus forts qu’eux, ayant plus de pouvoir et de richesse ou plus combatifs qu’eux. Faire preuve d’humanité, de sensibilité est souvent vu par eux comme l’expression d’une forme de naïveté ou de sensiblerie qui n’a pas lieu d’être. Seuls les résultats comptent : « la fin justifie les moyens ».

      Le pervers narcissique n’éprouve donc aucun respect pour les autres, qu’il considère comme des objets utiles à ses besoins de pouvoir, d’autorité ou servant ses intérêts. Il fait des promesses qu’il ne tiendra pas, sachant que « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient ».

      http://fr.wikipedia.org/wiki/Pervers_narcissique


    • 1984 29 mai 2008 11:30

       

      "Le pervers narcissique est toujours, intérieurement, dans la peau d’un autre, il n’est jamais sincère, toujours menteur. Il peut aussi bien dire la vérité que mentir avec aplomb, d’une façon jusqu’au-boutiste (comme un « arracheur de dents »). Le plus souvent, il effectue de sensibles falsifications de la vérité, qu’on ne peut pas vraiment qualifier de mensonges, et encore moins de constructions délirantes. Mélanger le mensonge, la sincérité et la franchise - ce qui est, pour l’autre, très déstabilisant - fait partie de son jeu.

      Derrière cette attitude de mensonge jusqu’au-boutiste, qui paraît parfois suicidaire, se cache, le plus souvent, une attitude de défi à l’ordre social, une façon de montrer qu’il est toujours le plus fort et qu’il contrôle toujours la situation... Même quand il le faudrait, il ne reconnaîtra jamais rien, ni ses mensonges, ni ses torts, même dans les moments cruciaux lors d’un interrogatoire policier, voire d’un procès d’assises.

      En revanche, il pourra reconnaître éventuellement un mensonge mineur s’il n’a pas grand chose à y perdre. Mais même l’aveu de ce petit mensonge sera toujours difficile à obtenir de sa part."

      http://fr.wikipedia.org/wiki/Pervers_narcissique


    • 1984 29 mai 2008 11:32

      "Le pervers narcissique est en général apprécié au premier abord car il paraît extraverti, sympathique et séduisant. Assez fin psychologue, il a souvent un talent pour retourner l’opinion en sa faveur et emporter l’adhésion à ses idées, même les plus contestables."

      http://fr.wikipedia.org/wiki/Pervers_narcissique


    • 1984 29 mai 2008 15:55

      Pervers n’est absolument pas une insulte !


    • 1984 29 mai 2008 16:27

      Si tu sais mieux que moi ce que je dis la conversation ne mène nul part !

      En parlant d’insulte publique qu’en est-il du "casses toi pauvre con" de ton héros ????????????????


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