samedi 23 juin 2012 - par
Socrate ressuscité
Socrate, ne l’oublions pas, était une herbe folle dans un jardin dompté. Nous ne saurions le comprendre sans l’associer à un Athènes où chaque rue, chaque place se faisait l’écho du prestige pythagoricien ou de la voix de Parménide… Il faut imaginer que des théories toutes aussi éparses que pertinentes devaient planer dans les airs comme des parfums dormitifs.
Socrate n’était pas du genre à se laisser endormir !
Issu du peuple, rien ne l’oblige alors à inhaler ces drogues pour l’esprit mais c’est avec l’enclin franc et naturel du citoyen qu’il réunira de maître en maître, les morceaux de miroir qui lui permettront de se reconnaître tel qu’il est…
On le disait laid !
« Soit et alors ! » disait-il et déjà Apollon avait maugréé, voyant dans cet affront le signe d’une impiété à demi avouée…
L’opinion ferait le reste…
Homme de la rue passé par la case des maîtres, c’est dans la rue directement qu’il s’oppose aux réflexes induits par l’ignorance…
La raison est le cheval de ballade que promène son esprit dans les dialogues. L’esprit est critique semant le doute chez le disciple par la dialectique, son cheval de bataille. Pas de demi teinte, il suscitait soit l’admiration soit la haine car on ne sortait jamais vainqueur d’un face à face avec Socrate…
Avec un père sculpteur et une mère sage femme, on imagine coquettement qu’il burinait l’enduit de façade de ses détracteurs pour faire apparaître les vices cachés : un accouchement dans la douleur...
« Connais-toi toi-même ! » C’est la grande leçon de Socrate…
Autant dire qu’avec une devise de ce genre, l’opinion a dû se sentir frustrée !
Il condamnait la sophistique en ceci qu’elle en arrivait à justifier toutes les fins, y compris les plus hasardeuses. Paradoxalement, il en fut certainement l’un de ses plus talentueux ambassadeurs…Sans doute, son aversion pour la méthode ne fut qu’un effet de balancier nécessaire pour remettre en place des stylistes qui affaiblissaient la démocratie athénienne en médusant l’opinion.
Socrate, ennemi de son époque pour sûr,
Puisqu’il ne souscrivait ni aux Dieux de la Cité, ni à la démocratie qui orientait les décisions non pas sur la base de la connaissance, fut-elle contraire à l’opinion mais sur la base de cette même opinion majoritaire et parfois déraisonnable.
Sans doute avec le temps, Socrate aurait-il proposé une démocratie du Doute qui aurait appris à se connaître ?
Sans doute était-il l’inventeur d’une nouvelle méthode démocratique ?
Mais les athéniens ne lui ont pas pardonné ses derniers sophismes et ne se sont pas doutés qu’ils étaient en train de créer le premier martyr démocratique de l’histoire…
Trop implicite pour être transmis, son message fut galvaudé et ses disciples n’ont pas su lire entre les lignes. Platon en mettant sur le devant de la scène politique une rationalité de principe introduisit des experts dans l’hémicycle et défigura définitivement la démocratie athénienne. L’opinion était méprisée…
Le coup de balancier opéré par Socrate fut sans doute trop violent et le pendule fut attrapé au passage par l’autre rive…
Athènes ayant tué son analyste s’est retrouvée dans une impasse politique…C’en était fini de cette épopée démocratique. La démocratie fut enterrée vivante dans la fleur de son âge.
Mais aujourd’hui, avec nos yeux de Démiurge qui portent sur l’histoire et sur les Dieux un regard libéré et serein, ne serait-il pas venu le moment que Socrate n’a pas pu attendre ?
Si il est opportun, nous savons où le corps malade fut enterré, nous n’avons qu’à lui insuffler un second souffle de vie…