jeudi 3 mars 2022 - par C’est Nabum

Tête de linotte

 

Nous sommes tous des passereaux

 

À l'instar de ce charmant passereau granivore, nous avons la mémoire qui flanche à bien des égards, oubliant scrupuleusement les enseignements de l'Histoire. Il est vrai que l'adage affirme avec un sérieux qui confine à la pensée magique que jamais l'actualité ne repasse les mêmes plats et qu'il ne sert à rien de vouloir comparer ce qui ne peut se reproduire à l'identique.

Pendant ce temps, la linotte ne cesse de sautiller sur le sol pour quérir sa nourriture, indifférente aux dangers qui la menace. Non décidément, nous n'avons rien en commun avec ce petit oiseau insouciant Tant que nous avons quelque chose à nous mettre sous le bec, nous fermons les yeux sur les menaces lointaines.

Nous sommes confits dans notre train de vie de privilégiés, refusant d'admettre que tout ceci se fait sur le dos d'autres peuples qui ont eu le malheur de ne pas naître sous notre bonne étoile. La linotte quant à elle, malgré les prédateurs qui rôdent autour d'elle, installe son nid sans se soucier de le dissimuler. Elle est persuadée que rien de fâcheux ne peut lui advenir et en cela, elle est en parfaite sympathie avec nous autres.

L'oiseau a gagné dans le langage courant l'honneur insigne de symboliser l'étourderie, l'insouciance et la légèreté, autant de qualité qui nous collent aux basques et nous poussent à penser que tout finira par s'arranger, qu'il n'est aucune raison de se faire du mouron ; cette fleur comestible vendue jadis par les marchands ambulants afin de faire la soupe ou d'amuser les enfants qui précisément en distribuaient aux oiseaux.

La boucle est bouclée, nous revenons sur nos pattes pour toujours mieux sautiller comme le prétendait le Grand Charles qui n'avait quant à lui par la métaphore aviaire. Que l'on soit veau ou bien linotte, la comparaison n'est guère en notre faveur et devrait nous rester en travers du jabot. Hélas, nous sommes si pleutres que ce n'est pas demain la veille que nous nous secouerons les plumes pour prendre le taureau par les cornes. Remarquez que si la linotte peut se poser sans encombre sur les cornes du redoutable bovin, le veau restera prudemment à distance de son géniteur.

D'autres, ceux-là même qui aiment à nous manger la laine sur le dos ont étonnement la curieuse manie de nous traiter de mouton, précisant que nous bêlons à longueur de temps, précisément comme je le fais actuellement. Le propos mérite cette fois analyse plus fine car dans le troupeau, nombreux sont ceux qui aiment à choisir un bouc émissaire pour se dédouaner de leurs difficultés de l'heure.

Dans notre zoologie lexicale, nous quittons hardiment notre bergerie pour crier au loup, en espérant secrètement que les chiens et le berger se chargeront de les éloigner. Il n'est pas question d'affronter bille en tête, la terrible menace, il convient de déléguer, de se cacher derrière un tiers qui fera la salle besogne.

Nous bouclerons la boucle, quand prenant la plume ou la parole, nous hurlerons notre indignation. La linotte se contente de joyeux trilles, nous pouvons largement la surpasser en défilant à la queue leu-leu, pour manifester notre solidarité avec eux qui sont en première ligne. Notre emblème national, le coq, ne dépareille pas dans ce délicat contexte. Il se contente d'un cocorico tonitruant, perché là où vous savez.

La linotte ne prendra pas la tête des cohortes outragées, des veaux, vaches, cochon, moutons et toute la ménagerie qui se placeront tous sous la protection du Pygargue à tête blanche. Prenons bien garde cependant que l'ours des Carpates ou bien le terrible rapace ne viennent avaler le malheureux oiseau sans défense. De passereau à étourneau, il est aisé de faire nouvelle confusion.

À contre-exemple.

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