lundi 9 octobre 2017 - par

Très chers parisiens

Quand j'étais jeune j'étais très naïf. Je croyais que si quelqu'un disait quelque chose, c'était forcément vrai. Je ne comprenais que l'on puisse mentir ou déformer son vécu. Ainsi quand certains de mes camarades d'université se prétendaient fauchés et sans le sou, je les croyais. Je découvrais régulièrement que l'un vivait dans un appartement de 80 mètres carrés dont il ne payait pas le loyer dans un arrondissement chic, que tel autre changeait régulièrement de studio au gré de ces caprices et petites amies.

Il existait déjà de ces privilégiés très privilégiés. Les quartiers anciennement populaires se peuplaient progressivement de nouveaux riches ou de parvenus fichant dehors toutes les autres catégories sociales. Les fameux "loyers de 48" n'étaient bien entendu jamais reconduits. Ne parlons pas des logements dits sociaux de la ville de Paris toujours et encore réservés aux copains et aux copines, à la clientèle électorale de la mairie...

A Paris comme dans tout le reste de la France, les riches sont de plus en plus riches et le reste de la population de plus en plus précaire. Ces milieux favorisés relèguent progressivement les autres populations à l'écart de la capitale, vers la France dite "périphérique" qui est essentiellement rurale. De temps en temps ils consentent du haut de leur supposée grandeur à louer à ces gueux des logements minuscules pour des loyers immoraux n'ayant pas l'air de les choquer même quand ils se disent soucieux des valeurs z-éternelles de la France, la République etc... (barrez la mention inutile).

Ils conservent néanmoins près d'eux "leurs" pauvres à savoir des populations "issues de la diversité". De temps en temps Cela leur donne l'impression trompeuse quand ils vont dans les quartiers où ces communautés se regroupent de revivre leurs dernières vacances au Maroc ou en Inde : les parfums, les épices, les couleurs, les costumes locaux, les musiques ethniques etc...

Et puis ces endroits sont bien pratiques pour que leur progéniture se fournisse en herbe à peu de frais...

Ils ont dans les faits une vision raciste et ethno centrée de la diversité considérée sous un angle extrêmement caricatural. Et ils continuent tout comme leurs ancêtres à persévérer dans un paternalisme évident. Ils ont ces dernières années trouvé ce qu'ils pensent être la parade ultime contre ces gens leur rappelant leurs privilèges. Etre bourgeois ne serait qu'un état d'esprit, un sentiment et non une situation objective. Ils ne se sentent pas bourgeois, ils ne le sont pas affirment-ils, surtout quand ils se prétendent de gauche.

Ce n'est pas parce que l'épithète de "bobo" devient l'excuse des ignorants pour se justifier que cependant ce genre là de bourgeois pédagogues n'existe pas...

Le centre de Paris devient donc un conservatoire de bourgeois objectifs où l'entre-soi n'est même plus questionné. Que l'on soit un privilégié de gauche, de droite, du centre, croyant, bouffeur de curés, communautariste ou identitaire, l'on demeure malgré tout un privilégié de facto. Et tous s'entendent au moins sur un point : ils n'ont aucune envie de partager leur magot et désirent en profiter au contraire au maximum en jouissant tant qu'ils peuvent. Ils ont fréquenté les mêmes écoles, ils ont eu le même mode de vie dans leur enfance, l'ont toujours et ont tous la même vision de la sexualité à quelques hypocrisies près.

Leur idée de la fête est qu'elle doit forcément avoir un sens citoyen et, ou civique, qu'elle ne se suffit pas à elle-même. La convivialité se doit de mettre en valeur non les autres mais leur propre vanité et leur certitude d'être à l'avant-garde la population. Et curieusement de par le refus de supporter toute autre conception plus simple des réjouissances, immédiatement judiciarisée, Paris se provincialise curieusement, dans ce que le provincialisme peut avoir de plus péjoratif.

Fort heureusement, pour le moment, ils n'ont pas encore totalement réussi à défigurer Paris. Quelques endroits bien cachés, hors des sentiers balisés leur échappent encore...

 

Sic Transit Gloria Mundi, Amen

Amaury - Grandgil

illustration prise ici




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