mercredi 13 janvier 2010 - par Laureline Amanieux

Un nouvel art de militer

"Le militantisme aujourd’hui est protéiforme", nous déclare Sébastien Porte dès le début de notre interview, mais avec le photographe Cyril Cavalié, ces deux journalistes indépendants ont choisi de suivre des collectifs originaux en montrant leur fonctionnement qui change du militantisme traditionnel.

Double prise de vue donc : par les photos de Cyril Cavalié et par les analyses de Sébastien Porte, pour un livre : "Un nouvel art de militer" par happenings, luttes festives et actions directes ludiques.

Immédiatement, le livre crée une sympathie pour les collectifs présentés. Pas d’injures, de colère ou de violences : au contraire, du rires et du festif. Ce qui incite à les écouter et même à agir à leur suite. Sont rendues visibles pour tous les actions des Désobéissants, de Sauvons les riches, de la Brigade Anti-pub, ou des Planteurs volontaires... Un large panel de pensées donc : tendances de gauche, écologistes ou libertaires pour la plupart, mais aucune appartenance idéologique n’est en général revendiquée.

Certaines actions illégales prônent la désobéissance civile, c’est-à-dire de ne pas respecter une loi considérée comme injuste au nom de principes humains fondamentaux. D’autres effectuent des actions légales comme ces parodies de manifestations dénonçant par l’outrance des propos le réchauffement climatique.

La Brigade Activiste des Clowns reçoit sans doute la palme des inventions les plus visuelles : vêtements militaires accompagnés de masques de clowns, fabrication d’armes caricaturales comme un bazooka nommé "Lance-nonosse", actions multiples de dérision contre le "tout sécuritaire" ou la propagation de l’armement nucléaire en France.

L’humour et le spectaculaire ne font pas oublier la présence d’un message politique de contestation. Comme nous l’explique le photographe Cyril Cavalié : "ce qui m’intéressait, c’était de capter ce qui pouvait faire sens à travers ces actions".

Le texte de Sébastien Porte sait raconter aussi. Pour chaque mouvement, on découvre souvent une détresse transformée en action : drames des "mal logés", errances de stages en stages, ou lutte contre les sectes qui divisent les familles.

Est-ce que ces actions festives sont efficaces ? Oui, dans un rôle d’alerte, d’éveil des consciences afin de modifier nos comportements, et parce que comme le déclare le philosophe Michel Serres, nos plus grandes révolutions se font par l’invention de nouvelles formes de communication. Cependant, Sébastien Porte nous déclare que les grèves et manifestations plus massives "restent le moyen de faire changer, plier une loi". D’ailleurs, il sait dans son livre souligner les limites de ce nouveau militantisme : des slogans qui réduisent la réflexion sur les sujets de fonds, des porte-paroles médiatiques pour certains groupes, une créativité qui peut devenir fin en soi, limitant la possibilité de peser sur le réel. 

Par sa clarté, la pertinence du ton et des images, ce livre parvient à provoquer un réel enthousiasme. Les collectifs présentés nous laissent libres d’agir sur le mode de la "militance zapping". L’une ou l’autre des photographies nous frappe au point de se dire : "ça je peux le faire". Après tout, quoi de plus simple qu’imprimer un des slogans du groupe Vélorution, comme le "Tousse en voiture", et de le placer à l’arrière de son vélo en ville ? Et pourquoi ne pas rejoindre un "cercle du silence" quand une fois par mois des gens de toute génération se réunissent, sans même se connaître, sur une place pour rester en silence pour protester contre les exclusions des Sans-Papiers ?

"Un nouvel art de militer" devient alors un véritable guide pratique de l’engagement non violent.

Laureline Amanieux. 



 



5 réactions


  • Vilain petit canard Vilain petit canard 13 janvier 2010 15:49

    Excellent !


  • Laureline Amanieux Laureline Amanieux 13 janvier 2010 17:12

    Et je signale qu’on peut écouter une vidéo inédite
    avec les auteurs de “Un nouvel art de militer” ici :
    http://www.savoirchanger.org/file/video_art_de_militer.html

     


    • jaja jaja 13 janvier 2010 18:51

      Daniel est parti ce mardi 12 Janvier. C’était un militant, un intellectuel , un camarade, un ami.

      Né en 1946, il aura mis sa vie au service de la défense des idées marxistes révolutionnaires.

      Il avait été un des fondateurs des JCR et de la Ligue communiste révolutionnaire.

      Animateur du mouvement de Mai 68, il était de ceux qui avaient un sens très sûr de l’initiative politique. Il avait été un des animateurs du mouvement du 22 mars. Saisissant la dynamique des mouvements sociaux, en particulier le lien entre le mouvement étudiant et la grève générale ouvrière, il était aussi un de ceux qui avaient compris la nécessité de construire une organisation politique, d’accumuler des forces pour la construction d’un parti révolutionnaire.

      L’intelligence de Daniel, c’était d’allier théorie et pratique, intuition et politique, idées et organisation. Il pouvait, dans le même temps, diriger un service d’ordre et écrire une œuvre théorique.

      Ce fut un des inspirateurs d’un combat qui conjuguait principes, délimitations politiques et ouverture, rejet du sectarisme. Ses convictions politiques chevillées au corps, Daniel était toujours le premier à rechercher la discussion, à essayer de convaincre, à échanger les positions, et à renouveler sa propre pensée.

      Participant de la fin des années 60 au début des années 90 à la direction quotidienne de la LCR, il avait joué un rôle décisif dans la construction d’un projet, d’une orientation qui lie activité quotidienne et tension révolutionnaire. Une bonne partie de son travail théorique et politique sera centrée sur les questions stratégiques, sur les leçons historiques des principales expériences révolutionnaires.

      Daniel était profondément internationaliste. Il aura un rôle clé dans la construction de la LCR espagnole, à l’époque du franquisme. Lors de ces années, Daniel jouera un rôle majeur au sein de la IVe Internationale, suivant particulièrement la situation en Amérique latine et au Brésil. Il contribua beaucoup à actualiser notre vision du monde, à nous préparer aux bouleversements historiques de la fin des années 80.

      Des années 90 à nos jours, tout en poursuivant son combat politique, il se concentra sur la réflexion et l’élaboration théorique : l’histoire des idées politiques ; « le capital » de Karl Marx ; le bilan du siècle et de ses révolutions, dont, en premier lieu , la révolution russe ; l’écologie ; le féminisme ;les identités et la question juive ; l’élaboration d’une nouvelle politique pour la gauche révolutionnaire face à la globalisation capitaliste. Il suivait, régulièrement, les forums sociaux mondiaux du mouvement altermondialiste.

      Daniel aura assuré la continuité historique d’un marxisme révolutionnaire ouvert, non dogmatique et l’adaptation aux changements de la nouvelle époque, avec toujours pour horizon, la transformation révolutionnaire de la société.

      Frappé par la maladie, il la surmontera durant des années, en pensant, en écrivant, en travaillant ses idées, sans refuser ni voyage, ni meeting, ni simple réunion. Daniel s’était donné comme tâche de vérifier la solidité de nos fondations et de les transmettre à la jeune génération. Il le fit de tout son cœur, de toutes ses forces. Ses interventions, à l’Institut international d’Amsterdam, dans les universités d’été de la LCR puis du NPA ont marqué des centaines de camarades. Passeur de l’expérience de la LCR pour le NPA, Daniel avait décidé d’accompagner le lancement de notre nouvelle organisation, en relançant la revue Contre temps et en constituant la société « Louise Michel », cadre de débat et de réflexion de la pensée radicale.

      Daniel, c’est tout cela. Et, en plus, il était sympathique, chaleureux, convivial. Il aimait la vie.

      Alors que nombre d’ex –de 68 ont tourné casaque, ont abandonné les idéaux de leur jeunesse, Daniel n’aura rien lâché, rien abandonné. Il est là, présent !

      François Sabado


  • Stupeur Stupeur 13 janvier 2010 23:37

     
    Bonjour Laureline,
     
    Des brigades de clowns désobéissants qui sauvent les riches mal logés, c’est cool !
     
    Merci, ça donne envie de se déguiser en clown pour chatouiller du CRS
     
    === smiley === smiley === smiley ===
     


  • loco 13 janvier 2010 23:44

    Question : s’engager ou déconner ? Bensaïd, qui la connaît, ne vous donnera plus la réponse.


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