vendredi 18 janvier 2019 - par
10 ans après (2/6) : des inégalités toujours plus fortes
En dix ans, le thème des inégalités est passé des marges du débat économique à une des premières places. Thomas Piketty a fait de ses études fouillées un best-seller mondial, et Joseph Stiglitz a imposé le thème des 1% contre les 99% dans le débat public. Mais dix ans après, non seulement rien n’a été fait, mais au contraire, elles sont accentuées par l’action publique, de Trump ou Macron.
Contradiction totale entre la pratique et la théorie
Pour qui prend un peu de recul, la situation est totalement abracadabrantesque. Il y a dix ans, beaucoup faisaient le parallèle entre le pic d’inégalités de 1929 et celui de 2007, qui avaient précédé l’effondrement des marchés et soulignaient le rôle joué par cette montée des inégalités dans la crise. Las, les politiques mises en place ont complètement oublié les leçons de Roosevelt et Keynes, qui avaient permis la stabilité, la croissance et le juste partage de ses fruits pendant les Trente Glorieuses. Résultat, à peine remises en cause au pic de la crise, les inégalités ont continué à progresser, encouragées par des politiques fiscales les aggravant, aux Etats-Unis, en France et demain au Brésil.
Les chiffres sont pourtant absolument extravagants. Dernièrement, UBS a révélé que 2017 a été une année record pour les milliardaires, dont « le nombre a explosé, tout comme leur fortune ». Le cap des 2000 milliardaires a été dépassé pour la première fois et leur fortune a crû de 19% en une année. Mais ce n’est pas tout, puisque les patrons du CAC 40 ont vu leur rémunération progresser de 14% par rapport à 2016, dépassant le cap des 5 millions en un an, cinq dépassant le cap des 10 millions. Une étude d’AT Kearney montre que les inégalités continuent à se creuser fortement, le 1% le plus riche ayant 45% de la richesse aux Etats-Unis contre 21% pour les 90% les moins riches…
En effet, les contraste au sein de la population sont stupéfiants, l’OCDE ayant souligné que de 2007 à 2014, « les inégalités de revenus sont restées à des niveaux historiques », avec des progressions marquées en Allemagne et en Grande Bretagne, et fortes aux Etats-Unis, en Espagne et en Grèce. L’OCDE souligne que « pendant la reprise, ce sont les ménages aisés qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu du fait d’une croissance inégale des revenus du travail et de variations dans la redistribution », affectée par l’austérité sans doute. D’ailleurs, en France, l’après-crise a été difficile, avec une baisse continue du revenu moyen depuis 2009, comme l’avait souligné l’INSEE il y a deux ans.
Dans les Echos, Jean-Marc Vittori a signé un bon papier s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles les salaires ne progressent pas davantage aux Etats-Unis malgré le faible taux de chômage officiel. In fine, il souligne que le taux d’activité relativise la baisse du taux de chômage, et que le rapport de force reste en faveur des employeurs, notamment dans la nouvelle économie qui emploie des indépendants. Il y a donc des raisons structurelles qui font que les inégalités progressent. Sans avoir peur de la contradiction avec les politiques qu’il recommande, le FMI s’en inquiète et défend une « croissance plus inclusive (pour) réduire les inégalités », s’appuyant sur l’accès à la santé et l’éducation.
Mais ce qui est stupéfiant ici, c’est que ce constat existait il y a dix ans, et que la situation s’est déteriorée alors même que les causes sont claires. Pour paraphraser Stiglitz, les politiques actuelles sont menées par les 1%, pour les 1%, sans que cela n’ait été remis en cause. Pire, les alternances vont vers des personnes qui ne souhaitent pas remettre cela en cause, comme Trump, Macron ou Boslonaro.