dimanche 11 décembre 2005 - par ÇaDérange

Après Airbus, la fabrication de réacteurs nucléaires en Chine ?

Vous avez vu que pour Airbus, c’est joué. En échange d’une très grosse commande de 150 Airbus, nous avons accepté d’installer une usine de montage d’Airbus en Chine. C’est une première, puisqu’auparavant, ni Airbus, ni Bœing n’avaient accepté de transférer en dehors de leur pays d’origine l’assemblage final des avions. Vous connaissez mes réserves sur le sujet. Seul l’avenir nous dira si nous faisons bien, ou bien si les Chinois vont importer notre technologie et ensuite se transformer en concurrents sur le marché mondial. Je fais néanmoins confiance à ceux qui ont négocié cet accord, même si l’attrait d’un marché aussi énorme peut conduire à des compromis excessifs . La répartition du capital de la société d’assemblage qui opérera l’usine de montage chinois sera déterminante, et indicative de la pensée à long terme des Chinois sur ce sujet. N’oublions pas néanmoins l’avantage compétitif de cette usine chinoise, en coût de fabrication, sur nos usines européennes, et leur système complexe et coûteux de répartition des fabrications entre pays.

Ce même problème se présente pour le grand marché des centrales nucléaires que les Chinois vont installer dans leur pays, dans leur quête d’indépendance énergétique et de réduction de la pollution qui découle de leur système de production d’électricité basé sur des centrales au charbon. Le marché est immense, puisque nous parlons d’une trentaine de centrales nucléaires sur une dizaine d’années, soit l’équivalent de l’effort que la France a produit dans les années 1970 pour installer son système actuel de production. Encore la production de ces 30 centrales ne représentera-t-elle que 4/6 pct de la production totale d’électricité d’origine nucléaire de la Chine à la fin de ce programme. On peut même imaginer, si la Chine voulait monter à un pourcentage de production d’électricité d’origine nucléaire du même ordre de grandeur que celle des pays développés( 16pct), qu’il leur faudrait une centaine de centrales nucléaires. C’est dire l’ampleur de leurs besoins énergétiques, et l’ambition de leurs plans de développement.

Pour l’instant, la Chine a seulement lancé un appel d’offre pour la vente de 4 centrales nucléaires et bien sûr, les 3/4 des acteurs mondiaux dans ce domaine se présentent au coude à coude pour enlever le plus grand marché dans ce domaine depuis longtemps. Areva est en pôle position, du fait de sa présence dans ce pays dès les années 1980 et de son avance technique avec le concept de l’EPR qui est en cours de construction en... Finlande, vous avez gagné. Westinghouse, non présent en Chine pour l’instant, en cours de cession à de nouveaux actionnaires, et dont l’équivalent de l’EPR est bien moins avancé, y est également. Sans compter les Allemands (Siemens) et les Japonais (Mitsubishi), ainsi que toutes les formes de joint venture entre fabricants de la turbine, des chaudières, de l’électronique de contrôle, et les maîtres d’oeuvre et assembleurs de tous ces éléments.

C’est dire si le marché va être disputé. Or, la China national nuclear corporation(CNCC), qui gère cet appel d’offre, a déjà fait savoir, et encore à nouveau lors de la visite du Premier ministre chinois en France, que les propositions reçues était bien trop coûteuses, et surtout que les propositions faites en termes de transfert de technologie n’étaient pas satisfaisantes... alors que Areva propose, d’après eux, un vrai codéveloppement, avec production en Chine, dès le cinquième réacteur.

La China national nuclear corporation joue son jeu normal pour faire passer les fournisseurs sous ses fourches caudines, et nul doute que les Chinois soient de très bons négociateurs dans ce domaine. Quant au problème du transfert de technologie, pour lequel l’offre d’Areva admet déjà la construction d’une usine en Chine, vous connaissez mes réserves sur le danger de la chose. Mais bien sûr, et j’en suis tout à fait conscient, le marché est tellement énorme...

À suivre.



7 réactions


  • honnestman (---.---.185.148) 11 décembre 2005 12:09

    Il y a une erreur dans cet article : Airbus n’est pas du tout le premier avionneur occidental qui installe l’usine d’assemblage d’avion en Chine : il y une dizaine d’années, MD (absorbé par Boeing) avait déjà assemblé MD82 à Shanghai.

    C’est bien de voir les choses différemment, mais il ne faut pas jouer l’amalgame non plus, surtout sur des sujets dont l’auteur n’est pas expert.


    • caderange (---.---.34.55) 19 décembre 2005 10:47

      Réponse de CaDérange :

      Dont acte. J’ignorais l’existence de cette usine de montage dont je ne sais si elle existe encore. je faisais allusion au fait que les ventes d’avions de Boeing à la Chine ne me semblent pas être lièes à un transfert de technologie de ce type.


  • (---.---.196.74) 12 décembre 2005 09:42

    Tout ça c’est bien joli, mais faut pas perdre de vue que l’on livre en contre partie à la chine,à l’inde, à la Pologne etc ... nos principaux concurrents économiques de demain notre technologie, durement acquise durant plusieurs décenies !!

    Le jeu en vaut-il la chandelle ??

    Je ne suis pas sûr que tout cela soit dans l’intêret des citoyens, mais des gros actionnaires sûrement ...


    • caderange (---.---.43.231) 15 décembre 2005 20:28

      Réponse de CaDerange :

      En l’occurence les « gros actionnaires » d’Areva, c’est nous puisque la société est d’Etat.Espérons que nous en verrons les dividendes dans les recettes de l’Etat.

      Je crois que c’est plutôt la compétition internationale très dure dans cette activité, l’habileté des Chinois à négocier et à profiter de cette intense compétition et le besoin impératif,irrépressible,que tous les pays occidentaux ont de créer des emplois, qui font que nous sommes pret à tous les compromis pour « avoir le marché ».

      Nous ne saurons malheureusement si le jeu en valait la chandelle que dans 15 ou 20 ans.


  • (---.---.63.53) 19 décembre 2005 17:11

    Bonjour, je suis Yves.

    Un petit mot pour dire que je ne pense pas qu’il y ait danger de perte de savoir-faire.

    Le savoir-faire, en l’occurence l’avance technologique, n’est pas quelque chose de fixe ou d’acquis. Il n’est que le résultat d’un travail permanent et donc sans cesse dépassée.

    Autrement dit, aussi étonnant que cela puisse paraître, la technologie utilisée pour l’Airbus 380 est déjà non pas obsolète, mais dépassé. Et son acquisition (lointaine) par la Chine ne lui permettra pas de concevoir un concurrent pour le futur d’Airbus.

    Il y a quelques années, j’ai entendu les mêmes interrogations à propos de la vente de TGV avec transfert de technologie à la Corée. Or, il ne me semble pas que maintenant ce pays vende de train plus que la France.

    Cordialement,

    Yves.


  • (---.---.20.198) 19 décembre 2005 18:15

    De plus, EADS a un triple pb à règler :

    Le premier concerne son associé BEA spécialisé dans la construction des ailes et qui possède 20% d’Airbus. Cette société anglaise est tentée de rejoindre Boeing. A moyen terme, EADS doit donc penser à remplacer cet actionnaire-fournisseur.

    Le deuxième est un pb d’outil de production. Vu les commandes en cours, EADS va devoir soit fortement renforcer son outil, avec les risques de sur-capacité lors de la baisse du cycle, soit trouver d’autres sous-traitants.

    Le dernier concerne les pbs de change. EADS doit immuniser une partie de ses coûts de production contre les fluctuations Euro/Dollar, pour limiter sa dépendance à la politique de gestion du dollar par les autorités américaines (EADS produit en effet essentiellement en euros et vend en dollars). Produire en Chine résoud en partie ce pb.


  • (---.---.144.219) 20 décembre 2005 20:29

    Si c’est juste pour voir des allusions que vous aviez envie de faire, il suffit d’allumer le télé et zapper sur TF1, France 2...

    Agoravox est un canal pour les gens qui réfléchissent sérieusement, mais pas pour les gens qui se veulent marchand de ses petites idées xénophobe.


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