Après Airbus, la fabrication de réacteurs nucléaires en Chine ?
Vous avez vu que pour Airbus, c’est joué. En échange d’une très grosse commande de 150 Airbus, nous avons accepté d’installer une usine de montage d’Airbus en Chine. C’est une première, puisqu’auparavant, ni Airbus, ni Bœing n’avaient accepté de transférer en dehors de leur pays d’origine l’assemblage final des avions. Vous connaissez mes réserves sur le sujet. Seul l’avenir nous dira si nous faisons bien, ou bien si les Chinois vont importer notre technologie et ensuite se transformer en concurrents sur le marché mondial. Je fais néanmoins confiance à ceux qui ont négocié cet accord, même si l’attrait d’un marché aussi énorme peut conduire à des compromis excessifs . La répartition du capital de la société d’assemblage qui opérera l’usine de montage chinois sera déterminante, et indicative de la pensée à long terme des Chinois sur ce sujet. N’oublions pas néanmoins l’avantage compétitif de cette usine chinoise, en coût de fabrication, sur nos usines européennes, et leur système complexe et coûteux de répartition des fabrications entre pays.
Ce même problème se présente pour le grand marché des centrales nucléaires que les Chinois vont installer dans leur pays, dans leur quête d’indépendance énergétique et de réduction de la pollution qui découle de leur système de production d’électricité basé sur des centrales au charbon. Le marché est immense, puisque nous parlons d’une trentaine de centrales nucléaires sur une dizaine d’années, soit l’équivalent de l’effort que la France a produit dans les années 1970 pour installer son système actuel de production. Encore la production de ces 30 centrales ne représentera-t-elle que 4/6 pct de la production totale d’électricité d’origine nucléaire de la Chine à la fin de ce programme. On peut même imaginer, si la Chine voulait monter à un pourcentage de production d’électricité d’origine nucléaire du même ordre de grandeur que celle des pays développés( 16pct), qu’il leur faudrait une centaine de centrales nucléaires. C’est dire l’ampleur de leurs besoins énergétiques, et l’ambition de leurs plans de développement.
Pour l’instant, la Chine a seulement lancé un appel d’offre pour la vente de 4 centrales nucléaires et bien sûr, les 3/4 des acteurs mondiaux dans ce domaine se présentent au coude à coude pour enlever le plus grand marché dans ce domaine depuis longtemps. Areva est en pôle position, du fait de sa présence dans ce pays dès les années 1980 et de son avance technique avec le concept de l’EPR qui est en cours de construction en... Finlande, vous avez gagné. Westinghouse, non présent en Chine pour l’instant, en cours de cession à de nouveaux actionnaires, et dont l’équivalent de l’EPR est bien moins avancé, y est également. Sans compter les Allemands (Siemens) et les Japonais (Mitsubishi), ainsi que toutes les formes de joint venture entre fabricants de la turbine, des chaudières, de l’électronique de contrôle, et les maîtres d’oeuvre et assembleurs de tous ces éléments.
C’est dire si le marché va être disputé. Or, la China national nuclear corporation(CNCC), qui gère cet appel d’offre, a déjà fait savoir, et encore à nouveau lors de la visite du Premier ministre chinois en France, que les propositions reçues était bien trop coûteuses, et surtout que les propositions faites en termes de transfert de technologie n’étaient pas satisfaisantes... alors que Areva propose, d’après eux, un vrai codéveloppement, avec production en Chine, dès le cinquième réacteur.
La China national nuclear corporation joue son jeu normal pour faire passer les fournisseurs sous ses fourches caudines, et nul doute que les Chinois soient de très bons négociateurs dans ce domaine. Quant au problème du transfert de technologie, pour lequel l’offre d’Areva admet déjà la construction d’une usine en Chine, vous connaissez mes réserves sur le danger de la chose. Mais bien sûr, et j’en suis tout à fait conscient, le marché est tellement énorme...
À suivre.