lundi 31 octobre 2011 - par Catherine Segurane

Argentine : protectionnisme et retour à l’indépendance monétaire ont permis la sortie de crise

Les recettes économiques "populistes" du couple Kirchner ont réussi à l'Argentine : Christina Kirchner vient d'être réélue pour un second mandat, sans même avoir besoin d'un second tour. Avant elle, son époux, le péroniste de gauche Nestor Kirchner était au pouvoir depuis 2003. Le couple Kirchner a donc gouverné le pays de 2003 à maintenant, et il l'a tiré d'une crise cataclysmique.

Cette crise, nous ferions bien d'y réfléchir, car nos eurocrates nous préparent la même, dirait-on. Dans le chaudron du diable : déflation et arrimage à une monnaie étrangère ou partiellement étrangère trop forte (le dollar dans le cas de l'Argentine, l'euro dans notre cas). 

L'Argentine s'en est sortie, à partir de 2003, en prenant le contrepied de ces politiques suicidaires, en retrouvant son indépendance monétaire, en battant monnaie en fonction de ses besoins, et en appliquant un certain protectionnisme. Ce sont les recettes Kirchner.

Apparemment, les Argentins ne s'en plaignent pas.

La crise argentine

Le blog Le bon dosage écrit :

" L'économie argentine n'a fait que préfigurer ce qui allait se passer chez les PIGS une décennie plus tard, mêmes causes mêmes effets. Les causes de la crise de 2001 nous les connaissons bien, libéralisation totale des capitaux et des marchandises, monnaie indexée sur une monnaie étrangère et surévaluée pour l'industrie locale, bulle immobilière, croissance bidon nourrie par l'hypertrophie du secteur tertiaire et l'endettement public comme privé etc... En 2001 les capitaux sont sortie en grande quantité du pays pour fuir l'inévitable, à savoir l'effondrement des expérimentations hasardeuses des économistes néolibéraux, le résultat fut l'effondrement de la monnaie du pays. Un effondrement brutal après plusieurs années d'une surévaluation totalement asphyxiantes pour les industriels du pays. L'Argentine était en quelque sorte un coup de semonce de la grave crise que nous allions connaître en occident près d'une décennie plus tard."

Rappel des faits :

En 1992, sous l'influence de l'école monétariste de Chicago, un nouveau peso est créé, et il est aligné strictement sur le dollar dans un système dit de "currency board". Le but d'un tel système est d'empêcher l'Etat de recourir à la "planche à billets" : la monnaie locale n'est créée qu'en fonction directe des entrées de dollars. Les particuliers et les entreprises peuvent détenir aussi bien des comptes libellés en peso qu'en dollar.

Le système fonctionne assez bien tant que le dollar est faible. Les entreprises étrangères peuvent investir sans craindre les aléas monétaires locaux et conserver leurs encours en dollars. Elles affluent. Le FMI annonce que la communauté financière peut désormais avoir confiance et doit investir en Argentine. On parle de "miracle argentin".

Tout s'écroule en 1998. La brusque remontée du dollar est mortelle pour l'économie argentine. La situation économique empire de jour en jour. Les dollars n'entrent plus assez dans le pays provoquant, par les mécanismes mêmes du Currency board une réduction de la circulation monétaire, un credit crunch et une déflation sévère. Les résistances à cette déflation créent des tensions sociales. Les salaires sont réduits. Les prix intérieurs devraient en théorie fortement baisser, mais des hausses de tarif surviennent quand même.

N'ayant plus la planche à billets à disposition, le gouvernement est paralysé.

Les monnaies particulières, créées par des acteurs locaux, se multiplient. Il finit par y en avoir 200.

L'affaire se finit en cataclysme bancaire, les guichets fermant tout à fait, et en défaut de paiement du pays.

Le PIB recule de 21 % entre 1998 et 2001. Le taux de chômage atteint 23 %. Cinq présidents se succèdent en un an.

La sortie de crise sous l'égide de Nestor Kirchner

Elu en 2003, Nestor Kirchner (1950-2010) mène une politique de rupture avec les marchés internationaux et de démondialisation avant la lettre. La dette souveraine subit une réduction sévère. L'Argentine perd tout crédit sur le plan international, mais l'économie redémarre, valant à Kirchner, une popularité sans faille ; en 2007, il n'est plus ré-éligible, mais sa femme lui succède, et il est entendu qu'elle est un autre lui-même ; elle vient d'être réélue triomphalement (Nestor Kirchner étant décédé en 2010).

Laurent Pinsolle a fait le bilan pour Marianne 2 de la politique Kirchner, s'appuyant en partie sur le blog Le bon dosage :

  • la croissance est actuellement de 8 % par an
  • le chômage est tombé à 7 % (contre 23 % en 2002)
  • le pays n'a rien emprunté aux marchés financiers depuis 10 ans
  • grâce au protectionnisme, il se remet à produire certaines catégories de produits comme les jouets ou le Blackberry
  • la balance commerciale est en excédent

La France, un futur à l'argentine ?

En tous cas, le blog Le bon dosage y croit, et le souhaite :

"La similitude des situations entre la France ou même les pays latins de l'Europe avec l'Argentine de 2002 est tout à fait flagrante. Notre destin sera probablement une évolution similaire avec je l'espère moins de brutalité car l'effondrement en 2002 fut très difficile pour la population. On peut imaginer qu'une fois que la monnaie unique aura éclaté les pays latins seront traversés d'une forte dévaluation, ce qui produira dans un premier temps une forte inflation sur les produits importés et d'une contraction des importations. Par la suite la production locale prendra le relais et ces pays connaîtrons enfin une hausse plus rapide de leur production industrielle accompagné d'une forte baisse du chômage et des inégalités. Le régime de croissance de cette nouvelle économie sera forcement plus forte, mais aussi plus inflationniste au grand damne des rentiers qui ne jurent que par l'enrichissement sans efforts et sans investissement productif. Nos pays étant latin il connaîtrons une dynamiques assez similaire à celle de nos cousins sud américains. Mais c'est une situation que nous avions déjà connu pendant les trente glorieuse la France avait souvent une inflation à 4 ou 5% sans que cela n'eut empêché la hausse du niveau de vie global, au contraire même."



28 réactions


  • jullien 31 octobre 2011 10:17

    Pal mal l’idée d’un retour au protectionnisme.
    Il a y cependant un problème : l’Argentine avait du soja, du maïs, du blé, du bœuf et du pétrole à exporter. Après toutes ces années de massacre de notre agriculture et nos industries, que pouvons-nous encore exporter ?


    • Ronald Thatcher rienafoutiste 31 octobre 2011 11:03

      votre optimisme ?


    • Croa Croa 31 octobre 2011 14:19

      Mais en quoi serait-il obligatoire d’exporter ?

      Dans les faits il y aura chez nous toujours du bon vin et des séjours pour ceux qui aiment nos vieilles pierres... smiley smiley smiley smiley


    • Jason Jason 31 octobre 2011 17:46

      Mais si, mais si. On exporte, avec des prix soutenus par les subventions. Elles-mêmes payées par les contribuables. Pour la plus grande joie des agences de Genève et de Chicago qui spéculent allègrement sur cette manne.

      Ce sont les lois du commerce « libre » mon bon Monsieur.


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 31 octobre 2011 11:00

    Bonjour Catherine,

    vous dites " La similitude des situations entre la France ou même les pays latins de l’Europe avec l’Argentine de 2002 est tout à fait flagrante " il y a aussi similitude, y compris dans les conséquences, avec les années 30 résumées ici http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/revolution-a-la-bastille-95349

    Nous sommes formatés comme acteurs de la prochaine guerre, d’où ce besoin ancré en vous jusqu’à votre pseudo, de résister depuis bien avant hier.

    Bien à vous. L.S.


  • ZEN ZEN 31 octobre 2011 11:40

    L’Argentine connaît un début de renaissance économique , grâce à une monoculture en extension
    Mais à quel prix !


    • Croa Croa 31 octobre 2011 14:29

      Nous n’avons pas dû lire le même texte !

      Pour ma part ce que j’ai comprit de ce que j’ai lu serait que la renaissance économique de l’Argentine est le résultat de sa nouvelle indépendance économique et monétaire.

      Et là dessus je serais plutôt d’accord avec l’auteur.

      La monoculture est un autre choix, bien moins heureux, mais ce n’est pas le sujet.


  • Traroth Traroth 31 octobre 2011 12:12

    Le problème de Ségurane, c’est qu’elle imagine réellement que Le Pen instituerait une politique protectionniste si elle était élue. Mais qui peut le croire ? Le Pen ne va pas appauvrir Saint-Cloud et Neuilly !

    Une bonne vision du protectionnisme, c’est d’instituer un indice de proximité sociale, fiscal et environnemental pour chaque pays susceptible de vouloir exporter vers la France, et de fixer des barrières douanières en fonction de cet indice. Des barrières douanières faibles, voire inexistantes pour des pays comme la Suède ou le Japon, des barrières très fortes pour la Chine ou les Philippines.


    • Lisa SION 2 Lisa SION 2 31 octobre 2011 13:24

      le problème de Traroth, c’est qu’il n’a pas conscience non plus de la défiguration de « Saint Cloud », en train de se noyer dans les projets où sont détruites des villas entièrement fabriquées en matériaux nobles récupérés et revendus très cher avec leurs jardins souvent magnifiques, tout ça pour le bonheur de l’ogre Bouygues...Mais peut être est il lui même client ou complice de ces fossoyeur ?

      Mieux que la loi sru, la décentralisation.


    • Traroth Traroth 31 octobre 2011 13:50

      Où est le rapport avec ce que j’ai dit, exactement ? Et où voyez-vous que j’approuve les magouilles immobilières de Bouygues ?

      Le sujet, c’est l’Argentine, je vous rappelle.


    • DSKprésident 31 octobre 2011 14:03

      Parisot, patronne du MEDEF, du patronat et des grands patrons, tape trivialement sur M Le Pen, avec la méthode habituelles des gauchistes-sionistes-stalinistes, c’est à dire en faisant appel au fachisme, nazisme, ... et toutes ces « vieilleries » entretenues par un certain lobby pour faire du communautarisme victimaire...

      Parisot ne tape pas sur Mélenchon, ni ur Sarko, ni sur Hollande.

      On voit donc bien qui est du côté des Patrons bourgeois, et qui représente un danger pour eux !

      L’Argentine en 76 était aussi le laboratoire vivant des nouvelles théories de Milton Friedmann, économiste, monétariste de l’école de Chicago, prix Nobel en 76, mort en 2006.
      C’est lui qui a inspiré le tournant ultra-libéral avec Reagan et Thatcher. On voit aujourd’hui le résultat...

      L’Argentine en 76 avait déjà vécu avec Videla des heures noires... Ils ont remis cela il y a environ 10 ans. Ils sont désormais sur la bonne pente, même si c’est pas facile...ils sont loin des idées et de la monnaie de singe des Yankees.


    • Traroth Traroth 31 octobre 2011 17:48

      Parisot, cette gauchiste-staliniste... smiley


    • Lisa SION 2 Lisa SION 2 31 octobre 2011 19:16

      «   Où est le rapport ce que j’ai dit, exactement ? » Où est le rapport avec Le Pen dans l’article ?

      « Et où voyez-vous que j’approuve les magouilles immobilières » je pose la question, personnelle certes.


    • Traroth Traroth 2 novembre 2011 10:57

      « Où est le rapport avec Le Pen dans l’article ? » : Il est facile de répondre à votre question. J’espère donc qu’une fois que je l’aurais fait, vous répondrez à la mienne, quand je cherchais à savoir quel était le rapport entre l’article et la question immobilière à St-Cloud.

      L’auteur de l’article, Catherine Ségurane, ne fait guère mystère de sa proximité avec le FN et Le Pen. Cette dernière se fait depuis peu le chantre du protectionnisme (là où son père, fondateur du même parti, se définissait comme le « Reagan français »). Cet article est un article dont le sujet est justement le protectionnisme.
      Si ces éléments ne vous permettent pas de comprendre que l’article est en fait un tract pour le FN, je ne peux rien faire pour vous !

      C’est pour cette raison que je me suis permis d’attaquer le programme de Le Pen justement sur ce sujet-là, le protectionnisme. Vous remarquerez que mon propos ne concerne pas le FN en général, mais seulement sous cet angle-là.


  • Mmarvinbear Mmarvinbear 31 octobre 2011 12:25

    La situation de l’économie argentine est loin d’ être rose...


    L’inflation reste élevée, à plus de 9 %. Ce chiffre est même contesté par certains analystes qui pensent que le taux réel approche des 20 %.

    La situation de l’emploi ne s’améliore pas. Le gouvernement a mis en place une structure permettant de sortir certains chômeurs des statistiques. Le taux réel est de 11 %.

    Les investisseurs étrangers ne se bousculent plus : l’effacement de la dette n’a en fait que déplacé le problème, car les banques européennes détenaient une bonne partie de cette dernière. La dette annulée en grande partie, ces banques ont perdu leurs avoirs et pour maintenir leurs activités, elles se sont retournées vers leurs clients. En bref, NOUS avons payé pour l’ Argentine...

    Le taux de pauvreté reste élevé : plus de 20 %. La situation ne s’améliore plus, et la popularité du gouvernement actuel vient du fait que ce taux était de 60 % à son arrivée au pouvoir. Un chiffre élevé du fait de la situation exceptionnelle.

    L’ économie tourne avant tout grâce à la demande intérieure. Mais le pays n’a attire plus assez d’investisseurs, échaudés par le crise précédente. L’industrie tourne encore mais le rythme de modernisation a fortement ralenti du fait du manque d’investissements. A terme, la compétitivité du pays en souffrira.

    • Traroth Traroth 31 octobre 2011 13:52

      Mais au moins, les gens ne mangent plus l’herbe des squares de Bueno Aires. Quand les gens le font, puis cessent de le faire car ils ont à nouveau de la vraie nourriture, personnellement, ça me parait un bon indicateur de progrès social...


    • Mmarvinbear Mmarvinbear 31 octobre 2011 23:50

      Le problème est de savoir combien de temps cela va durer avant que l’ inflation ne rattrape les capacités de consommation des argentins. Sans débouché extérieur, l’ économie du pays est voué à une nouvelle faillite.


      Augmenter à nouveau les salaires ? Cela ne fera que miner encore plus la compétitivité du pays. Ceux qui auront un travail gagneront plus, oui, mais les autres n’auront pas de travail du tout.

      En économie, il faut raisonner à court, moyen et long terme. Le gouvernement argentin ne pense actuellement pas au long terme.

      Dès lors, une nouvelle catastrophe économique, puis sociale, est inévitable.

    • Basepam 1er novembre 2011 07:59

      La fuite des capitaux a commencé.

      Si c’est le modèle Le Pen, ils devraient revoir leur copie...


  • Traroth Traroth 31 octobre 2011 14:01

    En Argentine, c’est un parti de gauche qui mène cette politique. On cherche à nous faire croire qu’en France, l’extrême-droite mènerait la même si elle arrivait au pouvoir. Cet article s’adresse vraiment à des naïfs !


  • jullien 31 octobre 2011 20:11

    Pendant que nous débattons sur Agoravox, l’Histoire continue son chemin : le premier ministre grec M. Papandréou a apparemment annoncé un référendum il y a deux heures à peu près sur l’accord de la semaine dernière. Voilà qui serait intéressant.


  • Guy Raynaud 31 octobre 2011 21:18

    L’Argentine c’est surtout la culture intensive du soja OGM, les déforestations du « Grand Chaco, l’ expulsion des indiens de leurs terres ancestrales, destruction de la biodiversité comme au Brésil et dans d’autres pays sud-américains. Mais de tout cela on s’en fou, les problèmes liés au »fric sont bien plus important !!!


  • reveil reveil 1er novembre 2011 02:39

    Je reviens d’Argentine que j’ai assez parcouru en long et en large pour vous dire que je vous trouve résolument très optimiste. 


    • Catherine Segurane Catherine Segurane 1er novembre 2011 07:56

      Je ne sais pas si c’est moi qui suis optimiste ou si c’est les Argentins.


      Je me contente de constater que Mme Kirchner a été réélue triomphalement.

Réagir