samedi 10 septembre 2011 - par Yannick Nassol

Banque mondiale, une bande d’incapables ?

Retour sur un rapport de la banque mondiale datant de décembre 2000 et visant à faire des prévisions pour la décennie à venir. La décennie étant écoulée, il est temps de revenir sur ce rapport et d'évaluer ces prévisions. Bilan : un poisson rouge attardé n'aurait pas fait pire…

En décembre 2000 la banque mondiale sortait un rapport intitulé « Global Economic Propspects and the Developing Countries » (perspectives économiques mondiales et les pays en développement). La seconde partie du titre étant en petit ce qui contribue à planter le décor… Vous pourrez trouver ce rapport sur le site de la banque mondiale (216 pages et 27 Mo).

Sachant que je n'ai malheureusement pas le temps de lire la prose de la banque mondiale dans son entièreté, il a fallu s'intéresser à un point particulier. Cette décennie a, entre autres, été marquée par une explosion du coût du pétrole avec un prix du baril de Brent ayant atteint son plus haut à 143,95 $ le 3 juillet 2008. Que dit la banque mondiale à ce sujet ?

Le choc actuel « temporaire »

Resituons-nous d'abord dans le contexte de l'écriture du rapport. Après avoir connu un minimum en décembre 1998 (à 9,1 $) le baril de Brent a augmenté durant l'année 2000 pour atteindre son maximum le 7 septembre à 37,43 $. Mais n'éayez crainte, d'après la banque mondiale, cette montée des prix était toute temporaire. Et nos Nostradamus des temps modernes d'expliquer pourquoi « on s'attend à ce que le choc pétrolier actuel soit temporaire  » (p.21). D'après eux la hausse des prix est conjoncturelle (baisse de la production suite au bas prix de décembre 1998) et ne va pas durer d'autant que les «  améliorations techniques soutiennent la production d'énergie  ».

La précision millimétrique de la banque mondiale

Les «  experts  » ayant rédigé ce rapport ne reculent devant aucune prouesse et n'hésitent pas à avancer une fourchette (très fine !) pour le prix moyen du baril dans la décennie à venir : «  On s'attend à ce que les prix du baril de pétrole se situent autour de 18$ à 19$ en moyenne pour le reste de la décennie  » (p.21). Ne craignant en aucune manière le ridicule, les experts proposent même une estimation (pifométrique  ?) à la virgule près… différente de la précédente (p. 29)

On nous prévoit donc maintenant un prix moyen du baril à 20,2$ pour la période 2001–2010. Mais les experts de la banque mondiale sont décidément capables de tout car ils donnent également une courbe de l'évolution du prix du pétrole jusqu'en 2010 ! La voici :

La tentation est évidemment grande de la comparer à l'évolution réelle des prix sur la période. TomTheHand, contributeur sur Wikimedia ayant fait le travail de réaliser une courbe sur les prix réels entre 1861 et 2007 (sous licence CC BY SA), nous avons donc notre base de comparaison. Tâchons de superposer les courbes afin d'apprécier la clairvoyance de l'équipe de la banque mondiale. Pour plus de lisibilité, sur les deux graphiques seule la courbe correspondant au prix du baril en $ courant (c'est-à-dire en dollars de l'époque) est conservée.

Inutile de préciser à partir de quel moment commencent les estimations de la banque mondiale, cela semble assez évident. Nos Pieds Nickelés de l'économie ont prévu un prix du baril tellement absurde que le prix réel n'est jamais passé en dessous (et de loin !) de leurs estimations. Ce qu'ils jugeaient comme « temporaire » était en fait permanent.

Mais alors peut-on les blâmer de n'avoir pas vu venir une augmentation du prix du pétrole ?

L'explosion du prix du pétrole, inattendue ?

En fait, les experts de la banque mondiale auraient pu lire en 1998, un article Scientific American intitulé La fin du pétrole bon marché qui expliquait déjà pourquoi l'ère du pétrole peu cher était terminée. La même année, l'agence internationale à l'énergie a également fait part de la raréfaction du pétrole (à mots couverts).

Que le pétrole se raréfie et devienne plus cher n'était donc pas une surprise, même en l'an 2000, pour des personnes s'intéressant au sujet. Il est donc très étonnant que la banque mondiale ait produit de telles prévisions fantasques. Mais finalement cette erreur est-elle si dramatique ?

Finalement est-ce si grave ?

Le pétrole étant centrale dans nos économies, une explosion de son coût à des conséquences colossales. Le pétrole est bien entendu utilisé pour les transports (terrestres, aériens ou maritimes), pour le chauffage (au fioul), dans l'agriculture (machine-outils, pesticides, engrais), … Une augmentation du prix du pétrole obère le pouvoir d'achat. Plus grave, un prix du pétrole plus élevé rend attractive des énergies alternatives tels que les biocarburants. Aux États-Unis, la majorité du maïs est utilisé pour… faire du carburant, cela conduit à une augmentation des prix alimentaires et à des émeutes de la faim.

Ainsi l'erreur de la banque mondiale ça ne consiste pas uniquement en une courbe largement déconnectée de la réalité mais surtout en toute une série de conséquences qui n'ont pu être anticipées, faute de prévision réaliste.

Quand prendrons-nous réellement conscience de la raréfaction du pétrole et de ces conséquences ?



2 réactions


  • Daniel D. Daniel D. 10 septembre 2011 14:29

    Le vrai problème c’est que nous pourrions produire notre propre pétrole, et sans toucher aux sous sols.

    Le procédé est connu et disponible depuis déjà longtemps, et permet en plus d’agir sur l’environnement en traitant entre autres les déchets ménagers et les boues d’évacuation des égouts.

    Gagner de l’argent avec ce système n’interresse ni les pétroliers, ni AREVA, ni les financiers(que le système actuel engraisse très bien tel quel),ni même l’État qui as choisi ses amis ...

    Pour compléter : le petrole Laigret : http://tristesclones.forumgratuit.fr/t4-le-petrole-energie-en-voie-de-disparition-et-le-procede-du-dr-laigret

    Tous s’allient pour garder leurs profits, et en ajouter, au final ils sont tous main dans la main et c’est le peuple qui se fait dépouiller et qui souffre.

     Ils restent bien gras malgré la crise je trouve, et souhaitent faire contribuer même ceux qui n’ont deja pas assez ! Ils sont devenus une bande de parasites rapaces inconscients !

    C’est triste et pathétique.

    Daniel.


  • RogerTroutman RogerTroutman 14 septembre 2011 08:57

    Très belle trouvaille ce rapport ! Ca me donne envie de refouiller dans d’autres rapports et discours politiques du début des années 2000 et de les comparer avec ce qui est en train de nous arriver. 


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