mercredi 6 décembre 2017 - par
Bitcoin, marchés financiers : l’extravagante bulle en marche
Plus de 10 000 dollars, une valeur décuplée depuis le début de l’année : le bitcoin bat tous les records, alors même que Joseph Stiglitz prône son interdiction. Dans le même temps, les entreprises phares du digital sont sous le feu des critiques sur leurs pratiques en marge de la légalité, sous les applaudissements des marchés, qui continuent de battre des records. Qu’en penser ?
1929-1987-2001-2008-bientôt ?
Quand on prend du recul sur les oscillations délirantes des marchés financiers, stoppées temporairement par les règles mises en place après la crise des années 1930, les chiffres donnent le tournis. Le Dow Jones avait atteint un point haut de plus de 14 000 points en 2007, avant de perdre plus de la moitié de sa valeur, tombant à 6 500 points début 2009. Le rebond avait été rapide, l’indice retrouvant ses plus hauts quatre ans après. Cette semaine, il a dépassé le cap de 24 000 points, 70% de plus que le point haut d’avant la crise des subprimes, un bond d’un tiers depuis septembre 2016 ! Difficile de ne pas y voir une preuve inquiétante de l’énorme bulle financière qui gonfle sous nos yeux.
Trois raisons majeures à cela. D’abord, les taux très bas ont rendus bien des placements peu intéressants, poussant par ricochet les fonds à se déplacer sur des placements plus rentables. Les seuls dividendes des grandes entreprises peuvent rapporter plus d’argent que les obligations, augmentant la demande d’actions, et donc, in fine, leur cours. Puis, il faut reconnaître que les grandes entreprises n’ont gagné autant d’argent, en proportion de la richesse nationale, justifiant une valorisation supérieure. Mais on peut également penser que les esprits animaux des marchés sont aussi à l’œuvre, poussant certaines valeurs totalement au-delà du raisonnable, que ce soit pour une entreprise comme Uber ou le bitcoin.
Georges Ugeux affirme que « les crypto-monnaies ne sont pas devises mais des jetons de casino ». Tout indique qu’il s’agit d’une folie, mais le caractère moutonnier des marchés ressurgit, d’autant plus fascinés qu’il y a une révolution technique et que les Etats laissent faire, malgré ses nombreux côtés obscurs. Dommage que nos dirigeants n’écoutent pas Joseph Stiglitz qui en prône l’interdiction. Le grand n’importe quoi sévit aussi avec les licornes : Uber, qui perd 2 milliards par an mais vaudrait plus que General Motors, Airbnb, qui met en place une carte de crédit qui permet d’échapper au fisc. On peut également mentionner la recrudescence des opérations de fusions-acquisitions.
Tous les signes d’une bulle sont là et les signaux d’alerte apparaissent, comme la déconfiture précipitée d’Altice, dont l’action a perdu plus de 60% de sa valeur depuis juin. Les périodes de bulle sont propices à de telles histoires, Patrick Drahi réunissant les excès de ce monde financier prêt à des opérations à la taille totalement délirante, et le caractère destructeur des coupes de coûts. Début 2009, j’avais imaginé un nouveau krach en 2017. Aujourd’hui, j’imagine que nous aurons encore un peu de répit et que le prochain krach pourrait encore tarder, juste avant ou après la prochaine décennie. Les extravagances financières actuelles pourraient gonfler dans un contexte si favorable.
En revanche, difficile de croire que Macron restera un président de temps calme. Nourrissant la bulle par sa politique ultra-oligarchique, il met la France sur la même trajectoire délétère du capitalisme fou étasunien. Et son impopularité dans des circonstances pourtant très favorables laisse penser que son château de carte politique sera bien fragile quand les circonstances seront plus difficiles.