Bouygues à l’Élysée ou le culot d’un prétendant opportuniste
Le 2 mars 2014, le PDG de Bouygues Telecom Martin Bouygues est venu plaider sa cause auprès d’Arnaud Montebourg et de Fleur Pellerin pour le rachat de l’opérateur SFR, déjà convoité par Numericable. Un déplacement qui ne manque pas de culot, et plutôt mal placé. Car l’opérateur ne s’est pas vraiment distingué ces dernières années en matière de patriotisme économique et voudrait maintenant qu’on lui accorde la fiancée qu’il n’a rien fait pour mériter.
Après examen des bons et loyaux services de l’opérateur à l’économie française, nous ne cesserons pas de nous étonner : c’est bien un comble que le Gouvernement ait consenti à prêter l’oreille à ce que l’on peut bien appeler un opportunisme sans vergogne.
Ce n’est pas Bouygues Telecom qui viendra rappeler comment il a fait si peu de cas de l’industrie française ces dernières années. Prenons donc la peine de le faire pour lui. Il saute aux yeux qu’au moment de choisir ses fournisseurs et ses sous-traitants, l’opérateur ne s’est guère embarrassé de patriotisme. C’est simple, c’est tout bonnement l’ensemble de la chaîne de ses réseaux qui a été confié à des industriels étrangers.
Bouygues Telecom : le chantre du « NOT made in France »
Résumons : pour sa box, Bouygues Telecom a eu recours au coréen Samsung, pour son réseau ADSL au chinois Huawei, pour son cœur de réseau mobile au chinois Huawei et suédois Ericsson et pour sa plateforme mobile au japonais NTT Docomo. C’est ce qu’on appelle un opérateur « made in Asia ».
Autant de marchés qui auraient pu être confiés à des acteurs français tels qu’Alcatel, technicolor, SagemCom et les entreprises associées. Plusieurs milliards d’euros dont l’économie française ne profitera pas et qui ne seront jamais convertis en emplois. Martin Bouygues a beau jeu d’évoquer la casse sociale que représenterait le rapprochement SFR-Numericable, lui qui dès qu’il en avait l’occasion délocalisait ses activités sans inclure un seul instant la file des chômeurs pointant à Pôle Emploi dans ses calculs.
Les actionnaires toujours gagnants
La logique prévalant à ses calculs ? Toujours la même : essentiellement actionnariale. S’il fallait autant délocaliser et rogner sur les coûts, c’était pour satisfaire les actionnaires et rien d’autre. Le versement des dividendes de ces 6 dernières années en atteste : 3 milliards d’euros. À cela s’ajoutent les 3,2 milliards générés par les cessions d’actifs. Ce flot de cash façon caverne d’Ali Baba n’a pu se faire qu’au détriment des investissements.
Là encore, un examen attentif des comptes de résultat révèle que le montant des investissements est systématiquement inférieur à 15 % du chiffre d’affaires. C’est moitié moins que ce que les grands opérateurs de télécom réinjectent dans leur business pour rester en pointe sur les innovations technologiques de demain.
Maintenant, Martin Bouygues se permet de venir fanfaronner au Gouvernement pour convaincre de sa légitimité en tant que potentiel repreneur. Il vaut mieux en rire qu’en pleurer. Gageons que les ministres concernés s’accorderont un moment de détente euphorique avant d’expédier cet indésirable et de considérer avec sérieux l’avenir des télécoms français.