Comment faire passer les géants d’internet à la caisse ?
A l'heure où la dette française et son service se creusent dangereusement, que l'on traque les exilés fiscaux, les grands industriels et plus encore, les entreprises du numérique ne versent q'un impôt symbolique. La rapport sur la mission d'expertise Collin et Colin dresse un état complet de la sitation et propose une révolution copernicienne : la taxation des données personnelles des internautes.
Face à une dette fin 2012 de 1 833,8 milliards d’euros réprésentant 90,2% du PIB ( source : Insee), la France doit rapidement demander une juste contribution aux entreprises qui échappent largement au fisc. Soit, la tâche parait insurmontable face aux géants Total ou Eads qui, par le jeu des prix de transfert entre filiales et autres outils d'optimisation fiscale, ne s'acquittent que d'un impôt sur les sociétés de 12% alors que les PME réalisant plus de 38.000 € de bénéfices paient un taux de 33%. Pour les entreprises du numérique, la situation est aujourd'hui idyllique. Google, Facebook ou Amazon ne s'acquittent que d'un ridicule 0,38 % de leur chiffre d'affaire (chiffres 2011) ! et leurs véritables bénéfices sont exfiltrés vers des paradis fiscaux ( îles Vierges, etc.). Le copieux rapport de mission sur la fiscalité du numérique rédigé par Pierre Collin conseiller d'Etat et Nicolas Colin inspecteur des finances s'oriente vers des propositions intéressantes dont la plus novatrice porte sur la taxation des données personnelles (commentaires, conseils d'amateurs avisés, etc) fournies gratuitement par les internautes. Twitter vend les données personnelles issues du trafic des abonnés, 7 jours après leur publication. Précisons que les données impersonnelles ont également une grande valeur puisque une entreprise du numérique française, souhaitant rester anonyme, s'est vue proposer 10.000 €/ mois, pour la simple fourniture des comportements de navigation sur son site (parcours des visiteurs sur le site, analyse du processus de commande, etc.). Cela situe la valeur commerciale des données personnelles et non-personnelles issues du travail gratuit des internautes. Une valeur qui prendra à court terme une importance croissante du fait de l'amélioration des outils de Data Mining (exploitation des données informatiques). Aujourd'hui limités à l'étude de la relation client, à la maintenance préventive, en passant par la détection de fraudes ou encore l'optimisation de sites web, les futurs outils dotés de fonctions puissantes d'analyse sémantique comprendront le sens des billets, messages échangés et autres subtilités du langage humain. Ce qui ouvrira des perspectives encore irréalisables à ce jour.
Evaluer le véritable rôle des données personnelles
Il nous semble prématuré d'envisager aujourd'hui la taxation des données personnelles, pour au moins 2 raisons :
1) Il faudrait d'abord harmoniser la fiscalité classique ( IS et TVA) au niveau européen. Même s'il ne faut pas renoncer à la faire, il s'agit d'un obstacle très difficile à surmonter face à des sociétés bénéficiant d'une part de lobbies très influents au niveau de l'UE à Bruxelles et d'autre part, face à une armée d'experts de l'optimisation fiscale jonglant en permanence avec des pays européens pratiquant le dumping fiscal. Sans oublier, bien entendu, les paradis fiscaux toujours impunis malgré les déclarations martiales des chefs d'Etats européens et de l'OCDE.
La matière fiscale est identifiée pour Google. Il s'agit simplement des factures émises par la firme de Mountain View pour l'essentiel des revenus publicitaires qui représentent plus de 90% de son bénéfice. Pour Facebook, Amazon ou Apple, un régime fiscal "classique" peut être appliqué. Les outils existent, reste à les utiliser !
2) L'acceptation par les firmes de la grande nouveauté d'une nouvelle taxe assise sur l''utilisation des donnée personnelles.
Les difficultés à recouvrir un impôt IS et TVA "classique", comme expliqué au point précédent, augurent fort mal de l'acceptation d'un impôt supplémentaire dont l'assiette et les contours sont aujourd'hui entièrement à définir et à appliquer au niveau européen, seule échelle efficace de taxation. Il ne faut pas pour autant jeter aux orties la piste d'une taxe sur les données personnelles. Elle permettrait de rémunérer la contribution essentielle, aujourd'hui gratuite, des millions d'internautes en Europe et dans le monde qui sont un des moteurs de l'industrie et de la future économie numérique encore en gestation. Mais si tant est que cela réussisse, le chemin sera long avant d'y parvenir...
Sur le rapport de la mission Collin et Colin sur la fiscalité de l'économie numérique, voir sur mon blog ici.