samedi 27 février 2010 - par _Ulysse_

Critique du système monétaire

Le système monétaire actuel n’est jamais remis en cause ou critiqué  dans les médias. La situation économique et monétaire actuelle va peut être changer ce fait. Rares sont les personnes a avoir pointé les failles du système ou encore à avoir prédit les difficultés actuelles. Au nombre de ces personnes se trouve Maurice Allais (3), un économiste français presque inconnu du grand public. Il a reçu le prix Nobel d’économie en 1988 (2) et a violemment critiqué le système monétaire et la politique économique des pays riches depuis les années 90. Dans cet article, je vais me concentrer sur le système monétaire, la politique économique fera l’objet d’un autre article. Je présenterais d’abord la critique de Maurice Allais sur le système monétaire de manière succincte. Puis, je développerais quelques points précis et notamment les liens avec la crise économique actuelle.

Cet article fait suite à "Dette publique, monnaie et inflation : de quoi s’agit-il ?" (1) qui est un pré-requis pour l’article qui suit.
 
La critique de Allais (3)
 

 "Le système actuel du crédit, dont l’origine historique a été tout à fait contingente, apparaît comme tout à fait irrationnel, et cela pour huit raisons :

1. la création (ou la destruction) irresponsable de monnaie et de pouvoir d’achat, par les décisions des banques et des particuliers ;

2. le financement d’investissements à long terme, par des fonds empruntés à court terme ;

3. la confusion de l’épargne et de la monnaie ;

4. la très grande sensibilité du mécanisme du crédit actuel à la situation conjoncturelle ;

5. l’instabilité foncière qu’il engendre ;

6. l’altération des conditions d’une efficacité maximale de l’économie ;

7. l’altération de la distribution des revenus ;

8. et enfin, l’impossibilité de tout contrôle efficace du système du crédit par l’opinion publique et le Parlement, en raison de son extraordinaire complexité.

Au regard d’une expérience d’au moins deux siècles, quant aux désordres de toutes sortes et à la succession sans cesse constatée des périodes d’expansion et de récession, on doit considérer que les deux facteurs majeurs qui les ont considérablement amplifiées sinon suscitées, sont :

1. la création de monnaie et de pouvoir d’achat ex nihilo, par le mécanisme du crédit ;

2. le financement d’investissements à long terme, par des fonds empruntés à court terme.

Il pourrait cependant être aisément remédié à ces deux facteurs, par une réforme d’ensemble qui permettrait, sinon de mettre fin aux fluctuations conjoncturelles, tout au moins d’en réduire très considérablement l’ampleur.

Cette réforme doit s’appuyer sur ces deux principes tout à fait fondamentaux :

1. La création monétaire doit relever de l’Etat et de l’Etat seul. Toute création monétaire, autre que la monnaie de base, par la Banque Centrale indépendante des gouvernements, doit être rendue impossible, de manière que disparaissent les « faux droits » résultant actuellement de la création monétaire bancaire.

2. Tout financement d’investissement à un terme donné, doit être assuré par des emprunts à des termes plus longs, ou tout au moins de même terme."

La crise actuelle

Le mécanisme du crédit fait que plus les banques font crédit, plus elles gagnent d’intérêts (1). Ces dernières années, la création monétaire a fonctionné à plein régime. Aidées par des taux bas et avec l’accord des politiciens, les banques ont fait tourner la planche à billet et souvent pour leurs propres placements. Maurice Allais se scandalisait que l’on permette aux banques de "jouer à la Bourse avec leurs fonds propres et, encore pire, avec de la monnaie qu’elles créent pour cela" (5).
En effet, pour une banque il n’est rien de plus simple que de créer la monnaie dont elle a besoin pour ses placements. Pour cela, il lui suffit de créer une filiale qui va emprunter auprès de la société mère pour réaliser les investissements. Ainsi, la banque emprunte à elle-même en ne payant que le re-financement du crédit (1). C’est par ex le cas de Natixis qui est une filiale du groupe BPCE (Fusion de la Caisse d’épargne et de la Banque populaire) (6). C’est ainsi que la masse monétaire de la zone euro augmente de 10% par an ces dernières années (1). Cette création monétaire a alimenté une bulle financière mais aussi une bulle immobilière (voir graphique ci-dessous (15)) ces dernières années. Ces deux secteurs n’étant pas pris en compte dans l’indice des prix à la consommation, il n’y eu pas d’impact sur l’inflation dans l’économie réelle (12).

Courbe de Friggit

Comme toute bulle spéculative, celles-ci ont éclaté (avec les fameux "subprimes"). La chute de l’immobilier aux USA entraînant avec lui les bourses du monde entier et les autres marchés immobiliers. La monnaie mobilisée en bourse et en immobilier a alors commencé à quitter ces deux secteurs pour aller pour une partie dans l’économie réelle. Cela a déclenché une explosion de l’inflation à partir de l’été 2007 comme on le voit sur le graphique ci-dessous (7).

Indice des prix en france


Le système bancaire s’est alors trouvé confronté à une inflation galopante qui a pour effet de ruiner les créanciers dont les banques font partie. En effet, si les intérêts perçus restent les mêmes, leur valeur en biens réels diminue. Nous avons vu dans le précédent article (1) que la monnaie est créée lors du crédit et détruite lors du remboursement. Pour limiter cette inflation, les banques ont donc voulu réduire la masse monétaire dans l’économie réelle. Pour cela, le meilleur moyen est de fermer le crédit aux entreprises et aux particuliers. Ainsi, les remboursements des emprunts en cours ont réduit la masse monétaire dans le circuit réel pour compenser l’afflux de monnaie provenant du dégonflement des bulles spéculatives. On voit sur le graphique ci-dessus que l’inflation a été rapidement maîtrisée et ramenée à un taux très faible. Ce n’est que vers la fin de l’année 2008 que les banques ont recommencé à prêter aux entreprises.
Le blocage du crédit opéré par les banques a maîtrisé l’inflation mais il a aussi mis un coup d’arrêt brutal à l’économie. C’est ce blocage qui a de manière directe plongé l’économie mondiale dans la récession. De plus, nous connaissons maintenant une inflation nulle voire négative ce qui a pour effet de mettre en difficulté de nombreuses entreprises.
En effet, l’inflation a pour effet d’augmenter le chiffre d’affaire des entreprises et donc de réduire le poids relatif de leur dette. Si l’inflation deviens négative alors le chiffre d’affaire des entreprises diminue ce qui menace leur solvabilité et peut provoquer la faillite.

Portez la croix, je me charge des clous

Comme nous l’avons vu dans le précédent article (1), les états européens ont abandonné leur pouvoir de création monétaire. Ils se financent donc en empruntant auprès d’entités privées contre le versement d’intérêts. Cet état de fait a réduit leur capacité de financement au fil des années. Les dettes publiques des divers états européens ayant globalement augmenté de plus de 100% depuis 1980 (8), les intérêts représentent désormais plusieurs points de PIB.

Avec la crise actuelle, les pays européens connaissent des déficits très importants en 2009 et il en sera de même en 2010. Par ex la France va voir sa dette publique passer de 1350 Mds d’euros à 1700 Mds en l’espace de 3 ans. La situation est analogue pour la large majorité des pays occidentaux et, on peut dire que tous ces pays sont d’ore et déjà en faillite. En effet, ces états ne peuvent plus investir, voir sont obligés d’emprunter pour couvrir les dépenses courantes. C’est une situation de faillite, où la dette ne peut qu’augmenter de manière géométrique.
On entend souvent parler de plans de rigueure pour rembourser la dette mais cela n’est pas réaliste. Prenons le cas de la France, avec 1700Mds de Dette et 50Mds d’intérêts voyons ce qu’il faudrait faire pour rembourser en l’espace de 20ans.

Au taux moyen de 2,93% (50/1700), le coût du crédit est de 548Mds d’euro (je vous fait grâce du calcul). On a donc un total de 2248Mds à rembourser ce qui fait (2248/20 = 112,4) 112,4 Mds d’euro par an. Cela ne suffit pas car il faut aussi réduire le déficit à 0. Or, celui-ci est élevé : 140Mds . Il faut donc économiser sur le budget de l’état 140+112 = 252Mds d’euros.
Mais cela ne suffit toujours pas car réduire les dépenses de 252 Mds aura entre autre pour effet de réduire les recettes de l’état. En effet, lorsque l’état verse des salaires et fait des dépenses dans l’économie réelle, il récupère une partie de ses dépenses par le biais des prélèvements obligatoires. La somme économisée de 252Mds sera versée aux créanciers de l’état. Ces créanciers étant en général des institutions financières, cet argent retournera dans le circuit financier où il échappera en grande partie aux prélèvements. A cela s’ajoute le fait que la dette de l’état est possédée en large partie par des étrangers (9). En première approximation, on peut considérer que sur les 252Mds de réduction des dépenses les prélèvements obligatoires seront perdus. En France, ceux-ci sont de 44% (13) on a donc 252*0.44 = 110,9 Mds d’euro de recette en moins qu’il faudra donc économiser en plus sur le budget. Mais cela ne s’arrête pas là puisque les 110,9 Mds d’économies réduirons aussi les recettes de 0.44*110,9 = 48.8Mds et ainsi de suite. Il s’agit d’une suite géométrique de raison 0,44 dont la limite vaut (1/1-0.44)*252 = 450 (14).
Pour rembourser sa dette en 20 ans, l’état français devrait donc réduire ses dépenses d’environ 450 Mds d’euro.
Le PIB de la France étant de 1950Mds d’euros en 2008 (11), cela représente 450/1950 = 23% de celui-ci.
Une telle réduction des dépenses est totalement irréaliste. Un pareil prélèvement briserais l’économie française sans parler des conséquences politiques et sociales. On voit donc que l’on ne peut pas rembourser la dette, la seule chose éventuellement faisable serait de la stabiliser mais pour cela, il faudra sortir de la crise actuelle.

Drapeau européen

Pour conclure cet article, parlons de l’euro. Tout le monde a en tête la crise grec mais celle-ci n’est que l’arbre qui cache la forêt. En effet, la situation des divers pays de la zone est proche voir tout à fait similaire à celle de la Grèce. Et, avec la crise qui se poursuit l’endettement des pays de la zone euro pourrait rapidement devenir insoutenable. Les dettes seront alors annulées d’une manière ou d’une autre. Pour cela je distingue globalement trois scénarios possibles :

1) On modifie les accords européens pour permettre aux états membre d’emprunter auprès de la BCE. Les états rembourserons alors toute leur dette avec les emprunts centraux ce qui augmentera la masse monétaire. Les intérêts versés seront utilisés pour financer la BCE et divers budgets européens bref, tout se passera comme si les états ne versaient plus d’intérêts.

2) L’Europe persiste dans sa volonté de rembourser les dettes sans toucher au système, les premiers états touchés se voient alors dans l’obligation de quitter la zone euro sous peine de subir un effondrement économique et social. Ceux-ci rétablissent leur monnaie nationale qu’ils dévaluent en remboursant leur dette par de la création monétaire.

3) Les états se déclarent en cessation de paiement (annulation pure et simple des dettes et intérêts) .

Au vu de la situation actuelle, il est évident que l’euro et sa zone tel que nous les connaissons vont subir des changements radicaux dans un proche avenir. Pour l’heure c’est la seconde solution qui se dessine avec la volonté affichée de l’Europe de ne pas aider la Grèce. La solution d’exclure la Grèce de la zone est même suggérée en Allemagne.


Références :

(1) Dette publique, monnaie et inflation : de quoi s’agit-il ?

(2) Maurice Allais

(3) "La crise mondiale d’aujourd’hui : pour de profondes réformes des institutions financières et monétaires", Ed. Clément Juglar, Paris, 1999

(4) "La Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance : l’évidence empirique", Ed. Clément Juglar, Paris, 1999

(5) "Le commerce des promesses : Petit traité sur la finance moderne" Pierre-Noël Giraud

(6) Natixis

(7) Principaux indicateurs économiques INSEE

(8) Dette publiques (wikipédia)

(9) Dette publique de la France (wikipédia)

(10) Budget de l’état (wikipédia)

(11) PIB de la France (wikipédia)

(12) Définition de l’indice des prix INSEE

(13) Prélèvements obligatoires (wikipédia)

(14) Suite géométrique (wikipédia)

(15) Jacques Friggit (wikipédia)



33 réactions


  • Eusèbe 27 février 2010 15:46

    Merci à l’auteur pour le détail des calculs et les références dans les 2 articles.

    Vous expliquez bien dans la première partie que le transfert des bulles spéculatives, notamment immobilière vers « l’économie réelle » a entraîné une hausse de l’inflation, défavorable aux banques. Ces banques, voulant limiter cette inflation les dépossédant, ont alors bloqué l’économie par blocage du crédit.
    On peut donc y voir une critique de la non séparation entre banque d’affaire et banque classique de dépôts qui entraîne un blocage de l’économie.
    Y’a t-il un lien direct avec votre deuxième partie, qui traite plus du problème du pouvoir de création monétaire délégué  aux banques et de la situtation ubuesque des dettes publiques ?
    Car les banques privées ne prêtent pas *directement* aux états. En d’autres termes, qui sont les prêteurs sur le marché de la dette et sont ils liés aux banques privées ?

    On ne trouve pas beaucoup d’explications claires sur l’origine de ce transfert de financement opéré en 73 par Giscard, et Pompidou, si ce n’est « la planche à billet, l’état c’est le mal ».


    • _Ulysse_ _Ulysse_ 1er mars 2010 10:36

      "On peut donc y voir une critique de la non séparation entre banque d’affaire et banque classique de dépôts qui entraîne un blocage de l’économie.« 

      En effet !

      Les prêteurs sont toujours les banques à l’arrivée même si cela se fait indirectement par des sociétés d’investissement et des banques d’affaire.

       »On ne trouve pas beaucoup d’explications claires sur l’origine de ce transfert de financement opéré en 73 par Giscard, et Pompidou, si ce n’est « la planche à billet, l’état c’est le mal ».« 

      Je n’en parle pas dans cette article effectivement. Mais il est probable que cela s’est fait sous pression de la finance pour ouvrir un »nouveau marché" : la dette public. Grâce auquel des intérêts seraient perçus payés par le contribuable.

      Pompidou fut DG de la banque Rothschild.
      Giscard était je crois proche de la finance et très à l’écoute des nouveaux libéraux qui militaient pour toujours moins d’état.


  • Bigre Bigre 27 février 2010 17:52

    La monnaie qui me circule (un peu) entre les doigts étant pourrie ... j’ai une folie envie de la convertir en or et de faire le gros dos en attendant que ça passe.

    Bonne idée ?


  • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 27 février 2010 18:11

    Et c’est là que nous regrettons le système monétaire de Bretton Woods et la convertibilité du dollar en or.

     A ce propos, le principe de l’étalon et des monnaies convertibles, ne serait-ce pas une solution ? Evidemment il serait illusoire de rétablir la parité or-billet, mais pourquoi ne pas étalonner, par exemple, la création monétaire sur le volume du PIB ? Sur la quantité de biens manufacturés et de services commerciaux dispensés ?

    @ Eusèbe
    L’origine de ce transfert de financement découle de l’abandon du système monétaire de Bretton Woods en 1971.


    • Eusèbe 27 février 2010 20:29

      L’origine de ce transfert de financement découle de l’abandon du système monétaire de Bretton Woods en 1971.

      Oui, mais cela n’épuise pas le problème !
      En quoi l’abandon du système monétaire de Bretton Woods obligeait (?) à emprunter sur les marchés ?


    • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 28 février 2010 00:56

      @ Eusèbe

      Parce qu’on ne pouvait pas emprunter de l’or qui n’existait pas. Parité or-billet.
      Par d’or dans les caisses donc pas de création monétaire fantaisiste.


    • Eusèbe 28 février 2010 12:01

      >Pas d’or dans le système, donc pas de création de monnaie fantaisiste.

      Je ne pense pas que ce soit la vraie raison.
      Il me semble que ce système n’empêchait pas de créer de la monnaie : cela fait longtemps que les banquiers pouvait prêter de la monnaie scripturale (monnaie « papier »), non gagé sur l’or. Cela semble logique, car si l’activité économique est intense, elle pourrait être limitée par la quantité d’or.
      La monnaie n’est qu’un système pour faciliter une transaction. Elle évite le troc. Une monnaie créée est détruite lors du remboursement aux intérêts près (comme l’explique l’auteur).


  • ddacoudre ddacoudre 27 février 2010 18:19

    bonjour ulysse
    satisfait de ta démonstration cela faisait un moment que j’avais en tête d’en faire une, tu l’as faite c’est trés bien. souvent je dis qu’il ne faut pas donner le pouvoir au marchand. j’ai toujours le souvenir de cette année 1973 , ou le peuple à perdu son pouvoir. c’était d’ailleurs assez amusant d’entendre dans des discutions certains rappeler que l’argent était le nerf de la guerre et accepter en tant que citoyens de s’en dessaisir. il est sur qu’a cette époque, peut dans la population ne mesurer cette porté, j’ai encore dans les oreilles l’argumentaire du patronat en ce sens.

    il devient fou à un moment que le peuple s’emprunte de la monnaie, par son épargne déposé dans des banques ou autres zinzins, pour donner le pouvoir a quelques oligarchies.
    j’ai le souvenir d’avoir proposé à la chambre de la métallurgie en 1980 de créer sa propre banques d’affaire pour ne pas avoir à dépendre des marchés financiers et des banquiers qui par ce biais s’inséraient dans leurs affaires. leur peur était que leur fond servent à sortir une entreprise concourante de ses difficulté alors qu’il compter la racheter pour le francs, cela m’avais laissé rêveur.
     actuellement je résume la situation à partir de l’axiome de Malthus, si au banquet des banquiers il n’y a pas de place pour les nouveaux convives, leur morale leur requiert de s’abstenir de venir au monde.

    cordialement.


  • rofo 27 février 2010 18:37
    pour amener de l’eau au moulin ! Loi Pompidou-Giscard
    Le 3 janvier 2009, sur le site de Karl Zéro, http://leweb2zero.tv/video/webrunner_20495ba61eed38b), « Webrunner » postait un document qui aurait mérité d’être connu de tous les Français(es).
    Il rappelait qu’une loi du 3 janvier 1973, loi voulue par Pompidou, alors président de la République pour un an encore, et Giscard d’Estaing, ministre des finances, opérait un changement révolutionnaire ou plutôt contre-révolutionnaire dans le finances publiques.

    Son article 25 stipulait en effet que désormais « Le trésor public ne peut-être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France ». Cet article interdisait désormais, dans un langage propre à ne pas être compris au commun des mortels (y compris sans nul doute des députés de gauche de l’époque qui ne déclenchèrent pas une tempête de protestations avec manifestations géantes dans la rue), à l’État français, de s’avancer à lui-même les fonds nécessaires pour combler son déficit budgétaire éventuel (lequel serait réduit d’autant en fin d’exercice par l’inflation) mais d’avoir recours pour ses besoins de crédit, comme un particulier, aux banques privées qui lui feraient payer bien sûr des intérêts !!!
    Certes pour les grandes dépenses, les relances économiques, l’État avait dû déjà avoir recours par le passé à l’émission d’emprunts qui s’étaient révélés très sûrs pour les prêteurs (ils étaient assurés que l’État rembourserait, ne ferait pas faillite) et néanmoins juteux pour les plus riches, puisqu’ils étaient souvent assortis de mesures fiscales qui favorisaient justement le plus ceux qui payaient beaucoup d’impôts.
    Le record en la matière avait été l’emprunt Pinay, sous la quatrième République. Car sa valeur de remboursement était indexée sur le cours de l’or. Comme celui-ci suivait au moins l’inflation et flambait même dans ces périodes d’incertitudes que constituèrent les guerres coloniales et la Guerre froide, ceux qui y souscrivirent firent, au détriment de tous les autres Français, le plus beau « coup » de leur carrière de spéculateurs.
    Devant le scandale que provoqua ce cadeau fait aux plus riches, Giscard d’Estaing, héritier 20 ans après de l’emprunt pas encore remboursé, ne fit ni une ni deux : il le prolongea encore, autant qu’il était possible.
    La loi voulue par le plus proche conseiller financier du général de Gaulle qu’était Pompidou (On remarquera les trois premiers présidents de la cinquième République étaient très impliqués dans cette situation) entraîna mécaniquement l’explosion de la dette publique, c’est-à-dire de celle de tous les Français.
    Elle était déjà de 229,15 milliards d’euros en 1979 (valeur actuelle après prise en compte de l’inflation sur 20 ans), et représentait 21% du Produit Intérieur Brut (toute la richesse produite par le travail des Français) en un an. En 2006, elle avait atteint 1 149,9 milliards d’euros, et représentait 63,9% du PIB !!!
    Bien sûr, entre temps, il y avait eu le ministère Balladur : désireux comme Giscard, Pompidou, de Gaulle et autre Pinay, de favoriser leurs amis les plus riches par une fiscalité allégée, sans cependant mettre dans la rue les travailleurs par une austérité insupportable (et contre-productive pour l’activité économique) l’ex-premier ministre avait ouvert en grand les vannes du déficit budgétaire.
    On aurait pu espérer que l’Union de la gauche arrivant au pouvoir en 1981, supprimerait la loi Pompidou-Giscard et permettrait de nouveau à la France de se prêter à elle-même. Mais il était trop tard ! L’adhésion aux traités européens l’interdisait déjà !
    Depuis, avec l’adoption de la monnaie unique (sauf pour les Britanniques, donneurs de leçons économiques ... mais pour les autres) le système a été sur-verrouillé. C’est désormais une banque indépendante se comportant comme une banque de statut privé, la Banque Centrale Européenne qui contrôle le taux d’intérêt de base sur lequel se fonde celui que doit payer l’état emprunteur.
    Or pour empêcher les particuliers de trop emprunter ce qui paraît-il relancerait l’inflation, la BCE a toujours fixé des taux directeurs d’intérêts les plus hauts. ce qui n’a fait que faire exploser la dette. Avant la grande crise actuelle qui ne fait que commencer, de bons esprits préconisaient pour résorber cette dette, non d’augmenter les impôts directs sur les plus hauts revenus pour améliorer le « pouvoir d’achat » de l’État, mais par différents procédés de faire baisser les salaires et les retraites et diminuer les dépenses publiques. Ce qui ne pouvait manquer que tuer la demande et diminuer en cercle vicieux le PIB et les revenus de l’État en même temps que cela augmentait le chômage.
    Outre qu’en révélant son étendue effrayante, la dette publique sert à « calmer » les légitimes revendications des travailleurs (« Non seulement les caisses sont vides mais en plus on doit de l’argent »), elle permet également aux banques privées et leurs actionnaires, en ayant pour débiteur le plus sûr client qui soit, à savoir l’État lui-même, de s’offrir une durable rente de situation. Elle compense en partie les pertes que leur confiance irraisonnée envers leur maîtresse idolâtrée à tous, l’économie américaine, leur a fait subir.
    La France a payé depuis 1980 1176 milliards d’euros d’intérêts. Sa dette actuelle s’élève à 1149 milliards d’euros. 1176 - 1149 = 27. Si la France se prêtait à elle-même, au lieu d’une dette abyssale, elle se retrouverait avec 27 milliards d’excédents


    • Eusèbe 27 février 2010 20:27

      @chantecler. Certes, la seule chose qui est sûr, ce sont les 1200 milliards d’intérêts. Ces « 2000 milliards » sont hypothétiques.
      Bref, inflation tout à fait hypothétique contre 1200 milliard tout à fait vérifiés : j’ai l’impression qu’il n’y a même de quoi faire débat...

      En outre, j’ai l’impression que quand on parle inflation, tout le monde pense « hyperinflation ». Serait ce une sorte de novlangue ?


    • Eusèbe 27 février 2010 21:30

      @chantecler. J’avais bien compris votre position :).

      L’hyperinflation vue comme un hantise des allemands est un argument curieux, puisqu’elle a été délibérement provoquée pour diminuer les dettes de guerre. Cette hyperinflatoin était donc plus une conséquence de la grande guerre qu’une « facilité d’émission monétaire par l’état ».
      Les allemands ont donc sans aucun doute été traumatisés par cette hyperinflation, mais je ne vois pas le lien avec le débat sur l’émission monétaire par l’état !


    • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 28 février 2010 01:08

      Oui, et le jour inévitable qui verra les Etats dénoncer et répudier ces dettes, pour éviter une révolution collectiviste, entraînera des maux de têtes insupportables à nos amis banksters et à leurs complices actionnaires.

      C’est ce qui me réjouis.


    • Eusèbe 28 février 2010 11:39

      @chantecler. Oui l’état, ce sont aussi les hommes politiques, qui ont des visées électorales et pourraient être tentés d’abuser au moins temporairement du système. Mais rien n’oblige non plus à leur laisser 100% de pouvoir.
      J’ai quand même du mal à croire qu’un transfert total aux banques privées soit au bénéfice de l’intérêt commun. La crise actuelle nous montre encore le contraire.
      Une voie intermédiaire devrait être envisagée.


  • nhjsenior 27 février 2010 19:43

    Cher auteur, je vous fait un aveux : j’ai rien compris et même si votre prose est savante et certainement réfléchie j’irai plus loin je m’en fou. A mon tour de vous donner des raisons claires ou du moins je l’espère :

    - Les peuples sont toujours les grands perdants des grandes idées économiques
    - Si les économistes se battaient pour une société juste et équitable ca se saurait, depuis le temps qu’ils nous assènent des vérités meurtrières.
    - Le prix Nobel d’économie n’est pas un gage de sérieux (voir Friedmann !!!)
    - Quels que soient vos analyses, spéculations, théories vous contribuez à la désespérance du monde.

    Votre article n’est en rien pédagogique, pire comme tous les articles d’économies sérieux, il noie le lecteur « honnète » dans un déluge de mots et de chiffres. Comme tous les articles de cet genre on pourrait croire qu’il est fait pour nous culpabiliser de ne rien comprendre.

    Vous n’êtes que le laquais des puissants de ce monde, vous participez à l’asservissement des peuples.


    • epapel epapel 27 février 2010 20:46

      Moi j’ai tout compris, et comme je ne suis pas un génie, une seule conclusion s’impose.


    • _Ulysse_ _Ulysse_ 1er mars 2010 11:22

      Comment pouvez-vous juger si vous n’avez rien compris ?

      C’est ça que moi je ne comprend pas smiley


    • nhjsenior 1er mars 2010 18:49

      Ben si vous avez tout compris faites moi un résumé en 20 lignes, ca nous donnera l’occasion de bien rigoler


    • _Ulysse_ _Ulysse_ 2 mars 2010 10:12

      Résumer quoi en 20 lignes ? L’article ? Les 2 articles ?

      Vous dites n’avoir pas compris mais avez vous lu le premier article que j’indique comme un pré-requis à la lecture de celui-ci ?


  • epapel epapel 27 février 2010 20:54

    Vous avez entièrement raison, la crise de la zone est inévitable et elle débouchera nécessairement sur un des trois scénarios que vous décrivez étant donné que pour la plupart des pays de la zone, excepté l’Allemagne et le Danemark, le montant de la dette publique a dépassé le point de non retour.

    Il faut quand même préciser que les scénarios 2 et 3 sont implicitement équivalents à l’implosion de la zone euro qui sera éventuellement suivie peu de temps après par l’explosion de l’Union Européenne.

    En fonction du choix des politiques nous saurons s’ils sont de vrais européens (scénario 1), de faux européens (scénario 2) ou des anti européens (scénario 3).


  • zelectron zelectron 27 février 2010 23:17

    Quelle serait la critique (et la sanction) en ce qui concernerait la convertibilité des monnaies à base de l’étalon energie ? 1kilowatt/heure à New York a la même valeur qu’à Lisbone, à Moscou où Sidney. Que cette énergie soit issue du bois, du charbon ou du soleil , c’est toujours la même ; la quantité de travail humain change certes pour l’obtenir mais intrinsèquement cette valeur ne varie jamais. Il suffirait d’échanger les monnaies candidates en contre valeur d’énergie supposons 10 kw/h pour 1 € ou bien 12 $ ou encore peut-être 9 £ (valeurs très approx.) ?


    • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 28 février 2010 01:32

      Erreur, cette valeur est variable. Techniquement les Etats qui tableraient sur les énergies propres, très couteuses en investissement, seraient handicapées face à celles qui exploiteraient le pétrole et les CO2. Dans un pays dit « propre », une entreprise de service, du tertiaire, dont les ordinateurs seraient électriquement alimentés par une origine éolienne aurait un coût du kw/h supérieur à celui de la Chine et de ses mines de charbon.

      A l’inverse si un Etat cherche à dévaluer sa monnaie pour épurer sa dette, la rendre moins couteuse, il n’aurait pas d’autre solution que de réduire son volume de kw/h. Et là il fait quoi le gouvernement ?

      C’est une fausse bonne idée pas très écologique.


    • _Ulysse_ _Ulysse_ 1er mars 2010 11:46

      Même si je pense aussi que c’est une fausse bonne idée vous mettez le doigt sur un pb fondamental qui est l’unité de valeur.

      Aujourd’hui on mesure la valeur avec des monnaies dont les cours sont instables et qui sont sujette à des biais importants. Il est évident que cette situation génère du commerce dont le bilan économique réel est négatif.

      Il ne faut pas tout ramener à l’énergie. C’est une erreur courante par les temps qui courent.
      L’énergie n’a pas la même valeur économique suivant l’intensité énergétique du pays concerné. Certain pays produisent 10 fois plus de richesses que d’autres par unité d’énergie consommée. De plus, l’énergie n’est pas comme un stock d’or, c’est plus un flux et son stockage occasionne des pertes.

      A mon sens, la seule vraie unité de valeur économique c’est le travail humain. Combien d’heure de travail pour produire une voiture ? Si l’on mesurait la valeur des produits au nb d’heure de travail cela changerais radicalement la donne et inciterais à une productivité maximale au détriment d’un coût du travail minimal en $.

      Il serait dès lors plus intéressant de maintenir et dévellopper des productions mécanisées avec peu de main-d’oeuvre plutôt que de tout produire dans des pays ou la main-oeuvre ne vaut rien en compensant le déficit de productivité par le nb d’heure travaillées.
      Il est quand même étrange qu’un produit nécessitant 100Heure/Homme en chine et 10 en Europe reviennent moins cher à faire en chine !


  • Julien Julien 28 février 2010 10:13

    Excellent article, qui montre le vrai problème.

    Quand est-ce que nos médias dominants vont évoquer les vrais problèmes ? Quand est-ce que les banquiers (cette sous-profession, ces brasseurs de vents, et de fric) vont se retrouver au chômage ?

  • epapel epapel 28 février 2010 11:45

    Le vrai problème, c’est qu’avec le système des réserves fractionnaires, 90% des prêts sont basés sur de la création monétaire et donc que les banques ramassent les intérêts correspondants sur un capital qui n’existe pas : comme l’a pointé Allais, c’est une spoliation.

    En mesurant le déficit budgétaire public français avant la crise, on constate qu’il est a peu près du même niveau que le service de la dette, ce qui revient à dire que 90% de ce déficit était une spoliation de l’Etat par les banques.


  • epapel epapel 28 février 2010 12:06

    Il faut quand même noter que les déficits budgétaires publics ont commencé à s’installer de façon permanente à partir du moment où ils se sont interdits à recourir aux banques centrales pour leur financement.

    Avec le maintien du système actuel, les dettes publiques ne pourront être remboursées que si :
    - il y a un taux de croissance d’au moins 4%/an (impossible : la croissance française tend vers zéro sur le long terme)
    - les dépenses de l’Etat sont divisées par 2 sans diminution des recettes (impossible : il ne resterait plus que l’armée, la police et la justice qu’on est bien obligé de garder sinon c’est l’anarchie)
    - un mixte des deux : 2% de croissance et liquidation d’un 1/3 de l’Etat (loin d’être gagné : de fait ça ne marche plus depuis 8 ans puisque le déficit budgétaire n’a cessé d’augmenter avant la crise, mais c’est la voie choisie par les libéraux)

    Tant que le déficit budgétaire était plus ou moins contenu avec un faible accroissement c’était jouable, mais la crise est passée par là et elle fait voler en éclat cet échafaudage instable. On ne pourra donc pas revenir à la situation d’avant la crise, il n’y a donc que deux issues :
    - l’effondrement si les principes de fonctionnement du système financier actuel sont maintenus
    - la remise en cause des fondements même du système financier et pas la mise en place une régulation boîteuse qui n’est qu’un leurre


  • Eusèbe 28 février 2010 12:08

    Quelques questions en vrac sur cette création monétaire :

    1) En quoi est ce plus logique/pragmatique de l’interdire aux états et de l’autoriser aux banques privées ? La crise actuelle (la plus importante depuis 29) semble démonter totalement l’idée de pragmatisme et d’efficacité, car nous avons ET la crise ET la dette.

    2) Est ce qu’un peu d’inflation aurait été pire que la crise actuelle ? Cela aurait sans doute (un peu) défavorisé les prêteurs, mais aurait favorisé l’activité économique des entreprises et d’après l’auteur, éliminé la dette publique.

    3) Pourquoi, lors de la création d’un bien public (un hôpital, une école...) créé par des entreprises françaises, dont les employés utiliseront les services, faut il payer un intérêt, une taxe aux marchés ?
    On pourrait dire : maçons, électriciens, etc : construisez cet hôpital gratuitement et vous y aurez accès gratuitement. Pas d’emprunt et pas d’intérêt payés au marché.
    L’argent introduit normalement (=dans son vrai rôle) comme facilité de transaction nous oblige au final à payer une taxe aux marchés.
    Est ce logique ?


    • _Ulysse_ _Ulysse_ 1er mars 2010 11:59

      1) Cela n’est pas du tout logique en effet. Il n’y a pas de logique là dedans juste la recherche de profits je crois.

      2) Cela dépend de quelle inflation on parle. Si c’est une inflation faite par de la création monétaire finançant des infrastructures et des projets d’avenir alors c’est une bonne inflation qui doit mener à des gains de productivité et/ou production.
      Faire de l’inflation avant la crise n’aurait pas empêché nos difficultés économiques et je pense que le krack aurait quand même eu lieu (l’inflation n’aurait pas arrêté les bulles). Cela aurait en revanche rééquilibré les revenus entre débiteurs et créanciers.

      3) Autrefois les investissements de l’état étaient financés par la planche à billet sans intérêts.
      L’inflation alors causée était tout ou en partie compensée par la hausse de la production conséquente de ces mêmes investissements.


    • _Ulysse_ _Ulysse_ 1er mars 2010 12:03

      Ce qui compte n’est pas la valeur absolue mais l’évolution. Si les banques n’avaient pas fermé le robinet à quelle niveau serait monté l’inflation et pendant combien de temps ? Combien les banques auraient perdu en valeur actuelle sur leurs intérêts ?


  • C LEBELLEC 1er mars 2010 10:35

    il est temps de redevenir revolutionnaire contre les puissances financieres largement soutenues par nos gouvernements actuels.

    Les islandais ouvrent la voie ...Est ce une breche ??

    actuellement le desequilibre est grossier entre le pouvoir des finances et le citoyen payeur
    De plus, l ecart ne fait que s aggraver !! Toute chose a une fin.


  • thejoker 3 mars 2010 14:02

    si ya investissement dans des infrastructures
    ya pas d’inflation puisque l’emission de credit correspond à un bien tangible réelle
    l’inflation se met en place que si ya decalage
    enfin l’inflation ne gene que les speculateurs


  • JOCO DOCO 24 décembre 2012 11:53

    Article intéressant

    Peut-être seriez vous intéressé par celui-ci

    http://www.lanouvellepartie.fr/


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