lundi 7 mars 2016 - par Laurent Herblay

Dérives alternatives (2/2) : l’inflation et son camouflage en Argentine

La faillite du néolibéralisme, éclatante avec les crises de 2001 et 2008, et toutes les failles de notre modèle économique, n’a, pour l’instant, pas encore produit un véritable changement de direction politique, si ce n’est dans quelques pays d’Amérique latine. Et si un manque de distance avec les failles des politiques des pays dirigés par des alternatifs freinait le véritable changement que nous attendons ? En ne faisant pas toujours assez le tri entre le bon grain et l’ivraie, sans pour autant tomber dans les caricatures véhiculées par les tenants de la pensée dominante, le premier ne peut-il pas en être souillé politiquement ?

 
 
Dérive inflationniste grossièrement camouflée
 
Même s’il faut bien reconnaître le parti-pris parfois outrancier de The Economist concernant l’Argentine, on peut aussi reconnaître que l’hebdomadaire avait sans doute raison de critiquer les manipulations statistiques du pays, sur laquelle l’alternance de novembre a levé plus encore le voile. L’institut national de statistiques (l’INDEC) a été décapité de ceux qui refusaient de trafiquer les chiffres. De 2010 à 2012, officiellement, le taux d’inflation se situait autour de 10%, contre 25% pour les estimations officieuses. En 2012, le FMI et The Economist le dénoncent, ce dernier décidant de publier une estimation non officielle, ce à quoi Buenos Aires répliqua par la mise en place d’un nouvel indice en 2013, guère meilleur. En décembre, Mauricio Macri, le nouveau dirigea nt, a déclaré un état d’urgence statistique.
 
Le nouveau patron de l’INDEC affirme que « les équipes ont été décimées  » et ré-embauche une partie des personnes parties pour remettre en place un bon indicateur d’inflation et de pauvreté, ce qui devrait prendre plusieurs mois, avant de s’attaquer au PIB et à l’emploi. L’enjeu d’avoir des statistiques fiables est essentiel dans le cadre des négociations pour les hausses de salaires dans un pays où l’inflation est forte et dont la mesure n’est pas faite d’une manière impartiale et admise par tous les parties-prenantes. Le refus de voir la réalité en face et le fait de trafiquer les chiffres pour la maquiller de manière plus flatteuse n’est clairement pas une pratique de démocratie apaisée et fonctionnelle. Cela démontre à la fois un échec économique de la majorité précédente et son manque grossier de transparence.
 

Bien sûr, on peut penser, sans doute à raison, que les faiblesses des administrations Kirchner sont au final mineures, y compris par rapport à celles de ceux qui nous dirigent depuis des décennies. Mais il est aussi malheureux de prêter ainsi le flanc à la critique et ternir un bilan largement favorable, qui démontre l’intérêt de bon nombre de politiques alternatives que l’Argentine a menées de 2002 à 2015.

 




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