mercredi 25 août 2010 - par Coopain des bois

Dogme de la croissance de la mobilité est un conservatisme suicidaire

J’ai participé à un questionnement posé par un journaliste des Echos à France Nature Environnement sur la durabilité du transport ferroviaire de marchandises. Cette question renvoie au danger du dogme de la croissance sans fin de la mobilité. Je propose à débat tout autant cette question que ma contribution à ce questionnement.

chantier_02Est durable une économie qui permet la transmission aux générations futures d’un patrimoine socio économique et environnemental globalement amélioré ou tout au moins préservé.

Aujourd’hui l’économie mondiale use et dégrade dangereusement le patrimoine socio économique et environnemental au-delà du seuil de durabilité au point de compromettre la survie de la génération suivante. (point de dépassement en 2010 : 21 aout)

Préserver n’est donc plus suffisant. L’impératif est de diminuer l’empreinte environnementale afin d’atteindre un niveau d’activité économique qui rend accessible aux 7 milliards de personnes un niveau de confort compatible avec la durabilité.

Dogme de la croissance de la mobilité est un conservatisme suicidaire

Le dogme de la croissance de la mobilité sans fin tout autant des capitaux, des entreprises, des marchandises et de personnes devient un principe politique incompatible avec un retour sous ce seuil de durabilité.

Plus la distance de mobilité est courte pour un même service rendu, moins le service rendu est négativement impactant.
Moins la vitesse de mobilité est importante pour un même service rendu moins le service rendu négativement impactant. (besoin énergétique croissant avec le carré de la vitesse)

Plus la vitesse de mobilité générale est grande sur une infrastructure plus sa capacité en mobilité de marchandises et de personnes est importante.

Il s’agira donc de trouver la vitesse optimale ni trop importante (dépense énergétique) ni trop lente (saturation d’une infrastructure) pour minimiser le coût et les impacts environnementaux

Une véritable politique de survie de l’humanité apte à assurer l’accès au bonheur pour tous devra tendre vers une diminution de la quantité de kilomètres-vitesse-mobilité des marchandises ou des personnes.

La priorité d’une politique de transport durable sera encourageante de la proximité, décourageante de la distance, encourageante d’une vitesse modérée, décourageante de la grande vitesse, encourageante d’utilisation des infrastructures existantes, décourageantes de réalisation de nouvelles infrastructures.
Une politique de transport raisonnée devra tendre à une économie dans laquelle est encouragée et rendue attractif la possibilité d’un rapprochement maximum entre un demandeur et un producteur de service.

Avantages et inconvéniants du transport ferroviaire

L’avantage du transport ferroviaire est un coût environnemental du matériel roulant réduit, qui le place en tête toute catégorie en matière de réduction de dépense énergétique. Son inconvéniant majeur est un coût d’infrastructure énorme (à cause du ballast, des traverses en béton, des rails, et de l’alimentation électrique nécessaire, qui le place loin en tête des infrastructures énormément impactante.
Ainsi des experts suédois ont démontrés que la réalisation d’une LGV n’est pas rentable d’un point de vue énergétique, et environnemental.
Le plan de réalisation de 3800 km de LGV en France d’ici 20 ans équivalent en emprise au sol, à 14 aéroports internationaux Charles de Gaulle. La zone de nuisances sonores supplémentaires équivalentes à celles aux abords d’un aéroport serait alors un territoire carré de 78 km de côté.

L’inconvéniant majeur du transport ferroviaire est qu’il ne permet pas l’accès complet d’un lieu de domiciliation à un autre lieu de domiciliation.

L’avantage majeur du transport ferroviaire est la sécurité et la ponctualité qu’il rend possible tout autant pour les usagers, que pour les riverains.

Rendre un transport ferroviaire attractif implique un tramage serré du territoire, donc une bonne répartition des gares couplées à une accessibilité facile par d’autres modes de transport à ces gares.

On peut en conclure les priorités pour qu’un transport ferroviaire soit « durable » :

recyclage prioritaire des 30 000 km de lignes ferroviaires existantes.

- Réouverture de gares intermodales réparties dans tout le territoire

- Utilisation optimale des infrastructures existantes, (pour amortir le coût environnemental et financier important de l’infrastructure) donc conjointement tendre vers une circulation à même vitesse sur un réseau de lignes couvrant un territoire, de trains longue distance, et trains de proximité (TER), voyageurs, et marchandises. Cette recherche d’optimisation de la gestion du transport ferroviaire passe par une priorisation du transport de proximité sur le transport longue distance, et une recherche de cohérence de vitesse, cad augmenter les vitesses lentes, et ralentir les grandes vitesses et une cohérence dans l’interconnexion entre les trains grandes distances et les trains de proximité. C’est ainsi qu’en Suisses et en Autriche, la vitesse maximale des trains est 200 km/h et que le réseau ferré trame finement le territoire.

- Une multiplication des nœuds ou gares intermodales, facilitant l’accessibilité et l’attractivité pour tous. (personnes et marchandises)

Ce qui n’est pas du durable

Des autoroutes ferroviaires grande distance car

- elles nécessitent la réalisation de nouvelles lignes entièrement consacrées à la grande vitesse.

- La grande vitesse marchandise est une aberration, car globalement le transport marchandise ne justifie pas la grande vitesse.

- Ce type d’infrastructure comme les autoroutes routières, grands ports maritimes favorisent l’économie sur de grande distance, et donc au détriment des relocalisations économiques seules aptes à libérer l’économie de sa boulimie galopante de mobilité, d’énergie et d’empreinte environnementale.

Ainsi le transport routier de fruits et légumes sur quelques kilomètres est bien plus durable, qu’un transport ferroviaire de fruits et légumes traversant toute l’Europe.

Le transport routier de proximité entre l’entreprise de bucheronnage, la scierie, le charpentier et le menuisier et l’usager des multiples application du bois est bien plus durable que le transport ferroviaire de bois débarqué d’amazonie, transporté en Suède pour être scié, puis au Danemark pour être transformé en charpente et en meuble, puis en France pour être vendu.

Habiter près de son lieu de travail, dans un tissu économique offrant à proximité le maximum d’entreprise de service, se déplacer et transporter ses marchandises en voiture est bien plus durable que de faire 100 km en TGV matin et soir entre une ville dortoir et le centre d’affaire de Paris, sachant cette ville dortoir et le centre d’affaires sont totalement dépendants de services lointains effectués en train

Le fret ferroviaire n’est pas en soi durable



10 réactions


  • manusan 25 août 2010 11:03

    Un article sur deux contre les chemins de fer. Avouez le, vous faites parti du syndicat des routiers.


  • Kelson 25 août 2010 11:42

    Article qui montre bien qu’il sera difficile de garder notre mobilité tout en réduisant fortement notre impact écologique.


  • Coopain des bois Coopain des bois 25 août 2010 12:00

    Non pas contre le rail ... mais pour que la politique du rail s’insère dans une politique globale des transports, cohérente orientée vers la décroissance quantitative de la mobilité-km-vitesse, donc encourageant l’économie et la mobilité de proximité, en des pôles de vie, et décourageant la croissance de la mobilité des personnes et des marchandises sur de grande distance et grande vitesse.

    Cette décroissance de la mobilité n’est pas un choix idéologique, mais s’imposera de gré ou de force dans la mesure où la durabilité de l’humanité passe par réduction globale de notre empreinte environnementale et une équité dans la répartition des richesses entre les 7 milliards de personnes. Aujourd’hui l’humanité vit au dessus de ses moyens, et de manière totalement injuste. Certains s’éclatent la panse pendant que d’autres crèvent la faim, mais cela ne peut pas durer ... situation invivable pour tous à terme !

    Ainsi je milite pour le « recyclage » de la ligne ferroviaire Paris Orléans Limoges Toulouse qui trouve toute sa pertinence en terme d’aménagement des territoires du centre de la France, et je milite contre les projets LGV Sud Europe Atlantique ( Tours Bordeaux, Bordeaux Espagne, Toulouse Bordeaux, et Poitiers Limoges) qui sont des gaspillages inutiles.

    Et vous, vous êtes pour quoi ?


    • Peretz Peretz 25 août 2010 15:39

      Article frappé au coin du bon sens. Comme on a tendance actuellement à marcher sur la tête, il ne faut pas compter sur un renversement des dogmes imposés par des Lobbies depuis des décennies. Notamment, plus on tend à faire grossir les entreprises,(principe soi-disant favorable à la prospérité générale) plus on cherche à faciliter les échanges, sans se préoccuper des conséquences. Je suis favorable à un changement politique majeur qui ne mettrait pas la politique au service de la finance, mais le contraire. www.citoyenreferent.fr


  • joelim joelim 25 août 2010 20:07

    Bravo, c’est ainsi qu’il faut raisonner : sur du concret, après avoir établi les objectifs, et surtout en préservant les nuances.

    Les partis politiques sont loin hélas de l’impératif d’optimisation nuancée qui est pourtant incontournable si ils voulaient réellement faire progresser la qualité de vie de tous.

    Je gage que des discussions structurées sur le détail des choix à faire, pourront être menées collectivement sur la prochaine version du web...

  • blondin_des_campagnes blondin_des_campagnes 25 août 2010 20:55

    Coopain des bois,

    Merci pour l’article qui m’a fait poser des questions auxquelles je n’avais jamais pensé (notamment sur les vitesses de circulation, c’est évident). Attention toutefois à l’orthographe :)

    Je pense également que le train, pour être rentable (environnementalement et économiquement parlant), doit être UTILISE. C’est un transport extrêmement contraignant qui ne peut fonctionner sans usagers (et j’oserais presque dire sans subventions).

    Il me paraît évident que réhabiliter les gares, rénover les lignes, garantir un service décent (utilisable quoi, merde !) et encourager l’inter-modalité est indispensable pour que les gens se décident. Cela veut aussi dire réaliser que la France n’est pas seulement un axe Paris-Marseille. De là à « recycler » l’ensemble des 30 000 km, je sais pas, il doit y avoir un juste milieu entre le PLM (Paris-Lyon-Marseille) et le Pouyastruc-Bagnère-de-Bigorre.

    De son côté, la SNCF est obligée par l’état (et l’Europe) d’opter pour sa vache à lait : le TGV (PLM, sa seule ligne rentable pour le moment). En gros, on préfère mettre à la poubelle le réseau traditionnel (avec la grande majorité des français) pour gagner des sous en transportant des parisiens vers la méditerranée (je dis bien en gros).

    Il faut que l’état réalise que le transport ferroviaire est voué à mourir si rien n’est fait. On n’est déjà pas gâté niveau transports publics, manquerait plus qu’on perde le train.

    Les prochains chantiers LGV seront le Lyon-Turin et Bordeaux-Toulouse. Niveau marchandise, un conséquent Montpellier-Narbonne pour clore la voie de l’est, et un gigantesque Lille-Bordeaux-Espagne pour ouvrir la voie de l’ouest (qui me paraît tellement lointaine...)

    C’est un peu contradictoire, mais avant de contraindre les gens à voyager moins, il faut les pousser à voyager plus avec le train. Disons que ce serait un cheminement vers la prise de conscience. Par contre, je n’ai jamais entendu parler de transport de marchandises par LGV. Êtes-vous sûr de vos sources ?

    Encourageons le train intelligent !


  • Coopain des bois Coopain des bois 25 août 2010 21:31

    « Par contre, je n’ai jamais entendu parler de transport de marchandises par LGV. Êtes-vous sûr de vos sources ? »

    La LGV Sud Europe Atlantique est prévue jusqu’en Espagne est prévue pour faire rouler des trains grande vitesse voyageurs et marchandises.

    La question a fait débat pour le projet LGV Poitiers Limoges parfois présenté comme l’amorce d’une LGV transversale reliant Nantes à Lyon. L’option voyageurs et marchandises n’a pas été retenu par RFF pour ce tronçon Limoges Poitiers.

    Rendre le rail attractif est un travail de coopération entre élus politiques, syndicalistes, associatifs, administratifs, et professionnels du rail. Nous travaillons à cela entre les deux régions Limousin et Poitou Charentes.

    C’est une expérience originale et passionnante.

    Ok pour l’orthographe ! smiley


  • Tzecoatl Tzecoatl 25 août 2010 21:54

    Une mondialisation mature (à savoir une mise en concurrence des salaires minimaux inopérante) sera relocalisante.


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 25 août 2010 23:46

    Bonjour,

    " L’ inconvénient majeur du transport ferroviaire est un coût d’infrastructure énorme (à cause du ballast, des traverses en béton, des rails, et de l’alimentation électrique nécessaire, qui le place loin en tête des infrastructures énormément impactant. " Intéressante remarque. de ce point de vue, auriez vous une idée de la différence d’impact du rail Bertin et son aérotrain ? http://www.agoravox.tv/culture-loisirs/etonnant/article/aerotrain-25494

    De ce point de vue l’impact sur l’environnement peut être nettement moindre pour la faune et la flore puisqu’il est aérien et ne dispose qu’un poteau béton tous les dix mètres, son énergie aurait pu venir de panneaux solaires disposés sur le quai suspendu, et particulièrement en ville où il s’insinue dans tous les grands axes en navettes légères six places.

    Je rappelle que Jean Bertin est un ingénieur français qui a profondément étudié son dossier bêtement contresigné par Giscard, alors que le principe quasiment semblable pullule en Asie...

    Je vous trouve très actif et militant, n’est ce pas le moment idéal de relancer cette solution ?


    • blondin_des_campagnes blondin_des_campagnes 26 août 2010 21:12

      Houlàlàlàlà ! Chère Lisa, on n’en est pas encore là, et même plutôt loin.

      Un TGV a besoin de pas loin d’1 MW d’électricité pour pouvoir fonctionner (sa puissance nominale, en gros le nombre de chevaux qui vont pouvoir le faire bouger).
      Un Paris-Marseille consommerait, par exemple, 3MWh pendant son voyage (l’avoine des chevaux, 1MW pendant 3 heures.)

      A titre comparatif, une foyer consomme en moyenne 4000 KWh/an (source ADEME). Pour alimenter un tel foyer en énergie solaire exclusivement, il faut l’équiper d’au moins 30m² de capteurs (si tout va bien).

      Un aller Paris-Marseille consomme sensiblement la même chose. Il y en a une vingtaine par jour, soit 7300 par an. Mais il y a aussi les retours ! Soit 14 600 trajets par an. Il faut donc équiper les voies de 438 000 m² de panneaux solaire pour alimenter CE trajet à l’année.

      Sur la ligne PLM (Paris-Lyon-Marseille), il n’y a pas seulement des Paris-MArseille, mais aussi des Lyon-Marseille, Bruxelle-MArseille, etc... Bref. Ca fait un paquet de trajets sur une même ligne. Et puis il y a les autres lignes...

      La plus grande superficie de panneaux solaires jamais atteinte est en Allemagne. Elle représente 250 000m². C’est ce qu’on a fait de plus grand. Il y aura peut-être des nouvelles technologies de trains rapide, mais il y a du travail à faire avant d’équiper nos ligne de capteurs !


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