mardi 27 mars 2018 - par Laurent Herblay

Du sens de la baisse des marchés après les annonces protectionnistes de Trump

Les marchés n’avaient déjà guère apprécié les annonces protectionnistes de Trump sur l’acier. Pourtant, en quelques jours, les exemptions se sont multipliées (après le Mexique et le Canada, les pays européens), en limitant la portée. Mais la dernière salve du président des Etats-Unis contre la Chine a provoqué une nouvelle déprime boursière. Que penser de cette réaction ?

 

Mais quels intérêts sont réellement menacés ?
 
Pour les analystes à courte vue, tout est simple : les méchantes mesures protectionnistes du méchant Trump menaceraient l’économie et la croissance de la planète en déclenchant une guerre commerciale. D’un côté, il y aurait les gentils libre-échangistes et les méchants protectionnistes et la réaction des bourses mesurerait le danger de ces mesures pour l’intérêt général planétaire. Passons sur le caractère manichéen et totalement superficiel de cette lecture. Le monde n’est pas en noir et blanc sur le libre-échange, nous sommes dans des nuances de gris, même si les pays européens se rapprochent d’un extrême, quand les pays asiatiques ont choisi une position plus équilibrée.
 
 
Mais le plus effarant n’est-il pas le fait de prendre la réaction des bourses comme la mesure du danger que représenteraient les mesures protectionnistes de Trump  ? En quoi les bourses ont-elles démontré être des boussoles de l’intérêt général ces dernières décennies, ces bourses « exubérantes et irrationnelles  », en pleine bulle, la troisième des vingt dernières années ? Ces bourses ne sont la boussole que des intérêts très limités et ultra-minoritaires des actionnaires des grandes entreprises. Pire, leur succès n’est pas absolument pas partagé, et il se paye depuis plus de trente ans, d’inégalités croissantes, d’une instabilité violente et d’une dégradation de l’état général de la planète.
 
Bref, le fait que les bourses baissent quand Trump annonce des mesures protectionnistes indique sans doute que le protectionnisme fait perdre les actionnaires des grandes entreprises. Et comme leurs gains sont souvent les pertes de tous les autres, on peut en déduire que leurs pertes sont les gains de tous les autres. D’ailleurs, le dernier coup de tabac des marchés n’avait-il pas été provoqué par une hausse un peu plus rapide que prévue des salaires aux Etats-Unis  ? Bref, les réactions des marchés financiers indiquent sans doute, de manière inversée, le sens de l’intérêt général, et ici, ils indiquent que le protectionnisme, c’est l’intérêt général, contre ceux des actionnaires des grands groupes.
 
L’importance de leur réaction en dit long sur l’importance du sujet, tant le soufflé protectionniste sur l’acier est retombé avec l’exclusion des pays européens. D’ailleurs, les annonces de Donald Trump sur la Chine sont finalement modérées : seuls 60 milliards de marchandises sont visées, pour un déficit d’au moins 375 milliards. Beaucoup de bruit pour une cible de seulement 16% du déficit bilatéral : il ne s’agit pas d’une guerre comme le disent des média à courte vue, mais d’un petit ajustement. Pour une fois, le président des Etats-Unis pêche sans doute par excès de mesure, révélant de facto à nouveau un biais plus favorable aux intérêts du monde des affaires qu’à ceux de son peuple.
 
 
Les marchés financiers sont décidément incorrigibles. Outre le fait de célébrer dans le champagne toute annonce de destructions d’emplois, voilà qu’après s’être inquiétés d’une hausse des salaires de 2,9%, signifiant seulement que toute la croissance ne revient plus aux 1%, de modestes annonces protectionnistes leur font bien peur. Ce faisant, ils indiquent ce qu’il faut faire pour l’intérêt général.


5 réactions


  • zygzornifle zygzornifle 27 mars 2018 10:09

    Quand Trump éternue l’action en bourse des labos pharmaceutique grimpe .....

    Quand il pète c’est Mosanto qui en profite ....

  • Trelawney 27 mars 2018 11:14

    La Chine détient 27% de la dette américaine soit environ 27% du PÏB américain. Trump peut fermer les frontières, si la Chine éternue c’est les américains qui ont la grippe.

    C’est marrant que l’on parle de libre échange comme d’une zone grise et qu’on accepte avec joie ce libre échange lorsqu’il s’agit d’emprunter au chinois et arabes pour notre sécu, la SNCF ou les centrales nucléaires

    Trump veut fermer les frontières.pour que l’américains achète ce qui est fabriqué en a Amérique, alors que ce dernier emprunte aux chinois pour s’acheter les produits fabriqués ou pas en Amérique. Il n’y a pas comme un petit problème ?


    • V_Parlier V_Parlier 27 mars 2018 14:20

      @Trelawney
      Il y a beaucoup de problèmes. Après des décennies de délocalisations on ne récupère pas son indépendance d’un claquement de doigts. Et en ce qui concerne les USA, c’est finalement aujourd’hui une bonne chose que les Chinois les tiennent par les c.....es.


  • Alren Alren 27 mars 2018 12:53

    Voilà ce qu’il faut retenir : les intérêts des spéculateurs boursiers, renommés de façon anodine « les marchés » sont fondamentalement opposés à ceux du peuple entier.
    Et Macron a choisi les spéculateurs contre les travailleurs et les investisseurs, qui, pas fous deviennent des spéculateurs.


  • Robert Bibeau Robert Bibeau 27 mars 2018 22:28

    Bonjour Monsieur HerblayJ’aime bien vos articles car ils portent toujours sur ...comme on dit au Canada « Les vrais affaires » les choses véritablement importantes. Ce qui ne vous expose cependant à quelques erreurs. Ainsi, vous écrivez ceci : «  il ne s’agit pas d’une guerre comme le disent des média à courte vue, mais d’un petit ajustement. Pour une fois, le président des Etats-Unis pêche sans doute par excès de mesure, révélant de facto à nouveau un biais plus favorable aux intérêts du monde des affaires qu’à ceux de son peuple.


    1) Il s’agit bien d’une guerre - commerciale et industrielle et financière et économique - POUR L’INSTANT DU MOINS. 

     2) Vous ne devez pas jugé de l’importance de cette guerre sur un seul coup de canon - le dernier tiré par les USA dans une longue suite - vous devez replacer ce coup de canon dans son contexte 

    3) Vous dites également que  :  » Et comme leurs gains sont souvent les pertes de tous les autres, on peut en déduire que leurs pertes sont les gains de tous les autres." 

    4) Vous savez bien qu’il n’en est rien. Pour ce faire il aurait fallu que la hausse des valeurs des indices boursiers correspondent à des hausses des VALEURS - de la richesse. Comme ces hausses spéculatives étaient du vent on vient tout simplement d’assister à un dégonflement de la baudruche VENT in = VENT OUT aucune récupération possible 

    5) Trump n’a pas un penchant pro-milliardaire = c’est un multimilliardaire en mission voilà ce qui le distingue des autres multimilliardaires 
      

    Merci de votre patience 


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