samedi 18 octobre 2008 - par Albert Ricchi

En terminer avec les crises financières et l’économie « casino »

Au gré de l’annonce de nouvelles faillites ou de celle de nouvelles interventions musclées de l’Etat fédéral américain ou des banques centrales (Réserve Fédérale, Banque Centrale Européenne, Banque d’Angleterre, Banque du Japon) qui offrent des centaines de milliards d’euros de crédit aux banques, la crise qui sévit dans le monde depuis plus d’un an révèle peu à peu ses multiples aspects qui se renforcent mutuellement : crises d’ordre financier, alimentaire, social, énergétique, écologique.

Depuis janvier 2007, des experts indépendants avaient prévu la crise des subprimes et son aspect systémique, l’effondrement du système avec la gangrène fatale des fonds de pension et les conséquences directes notamment pour des dizaines de millions de baby-boomers retraités.

Mais nos grands économistes et autres partisans de l’ultra-libéralisme dont certains se font d’ailleurs plutôt rares ces temps-ci dans les médias, à commencer par le Président de la commission européenne ou les deux directeurs généraux « libéraux et socialistes » du FMI et de l’OMC, ont été incapables de prévoir cette crise, la plus grave depuis 1929. En guise de justification, ils nous expliquent évasivement qu’ils n’ont pas été assez écoutés par les chefs d’Etat occidentaux alors que ce sont justement ces mêmes gouvernants qui les ont promus à ces hauts postes de responsabilité…

Aujourd’hui, il est un peu tard pour organiser une riposte efficace et juste au serrage de vis terrible qui accompagne généralement les périodes de grave récession. Au cours des multiples réunions qui se sont tenues à l’Elysée depuis le 11 octobre, Nicolas Sarkozy a bien multiplié les numéros d’autosatisfaction mais le plan européen est tout simplement la copie conforme du plan de Gordon Brown, lui-même inspiré en grande partie par le plan Paulson.

La déclinaison pour la France du plan européen de 1700 milliards d’euros (presque trois fois le plan Paulson), s’élève à 360 milliards d’euros sous forme de garantie et comme dans les autres pays européens, ces fonds sont divisés en deux parties.

Une part de 40 milliards pour « recapitaliser » les banques. Les mots « nationalisation » et « récession » sont proscrits du vocabulaire… Cela multiplie, de fait, malgré toutes les arguties comptables d’Eric Woerth, le déficit extérieur par deux. Avec plus de 5 % du PIB, le déficit public pulvérise les limites du traité d’Amsterdam (3 %).

Une autre part de 320 milliards sert à garantir le crédit interbancaire jusqu’au 31/12/2009. L’Etat empruntera à la place des banques (il a, contrairement aux banques « bonne réputation » sur le marché des capitaux et reversera ces fonds aux banques).

Et Nicolas Sarkozy garde un profond silence sur les 1250 milliards d’euros de dette publique de la France. Un véritable gouffre qui va être encore creusé par les 40 milliards que l’Etat compte injecter directement dans les banques. Et plus la dette sera lourde, plus les intérêts le seront…

Au bout du compte et dans la logique du plan américain, ce sont bien les citoyens qui vont payer les frasques des banques et établissements financiers et ce doublement : en tant que contribuables et en tant que travailleurs. Le vieil adage cynique "privatisons les profits, socialisons les pertes" n’a jamais été autant d’actualité.

Les nationalisations ne sont en fait que des « recapitalisations », bien évidemment transitoire et que dès que possible (dès que le secteur sera de nouveau profitable) les capitaux acquis par les Etats seront cédés au privé.

Pire, dans le train de mesures prises au plan européen, il n’y a rien sur l’interdiction indispensable des paradis fiscaux dans le Monde et tolérés au sein même de l’Union Européenne, où la plupart des fonds spéculatifs ont leur siège social. Rien sur l’interdiction des innovations financières de la vente à découvert, la titrisation, les produits dérivés, rien sur un prélèvement sur les revenus du capital, rien sur une taxe possible sur les transactions boursières et rien naturellement sur la protection du pouvoir d’achat des salariés grâce à un système d’indexation des salaires sur les prix, au moins au niveau du taux officiel d’inflation.

Dans ces conditions, les conséquences de ce scénario sont hélas connues : les prix vont augmenter très sensiblement et les salaires connaîtront des taux d’augmentation nettement en dessous du taux de l’inflation.

Les impôts indirects, si chers à Nicolas Sarkozy et sa majorité présidentielle vont continuer à augmenter dans des conditions inacceptables (actuellment, ils représentent 83% du budget de l’Etat contre 17% seulement pour les impôts sur les revenus et les richesses). La France bat ainsi tous les records d’injustice fiscale dans le monde occidental en matière de ratio impôts directs / impôts indirects. Même aux Etats-Unis, cette répartition est plus juste qu’en France !

La paupérisation des salariés, phénomène très inquiétant, va donc continuer à s’accentuer. Déjà, la France compte plus de 7 millions de personnes pauvres, au sens des critères retenus par l’union européenne - 60% du revenu médian, soit environ 800 € par mois - et plus de 2 500 000 personnes sont payées au SMIC. 30 % des salariés à temps plein (hors intérim) touchent un salaire inférieur à 1,3 SMIC (1717 € bruts par mois).

Les classes les plus modestes et les classes moyennes salariées ou non vont se retrouver étranglées par l’inflation des denrées et de l’énergie conjuguées au racket des assurances et autres babioles bureaucratiques obligatoires et ruineuses. Les retraités américains et européens notamment, risquent eux de déguster un maximum parce que les banques sont mouillées à fond dans le système et toutes dépendantes des fonds de pension.

Aujourd’hui, si les vraies solutions existent pour sortir de la nocivité de cette logique qui sévit depuis plusieurs décennies et refonder une architecture économique internationale, les gouvernements des plus grands pays ne sont pas prêts à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour qu’une telle crise ne se reproduise plus en enlevant le pouvoir aux acteurs financiers afin de satisfaire les besoins fondamentaux plutôt que de maximiser les profits…




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